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L’explosion du haché remodèle l’équilibre carcasse

La croissance des ventes de viande bovine hachée confirme son changement de statut dans les habitudes des Français. Mais les effets du phénomène sur la valorisation de la carcasse soulèvent la question du prix du steak haché.

L’envolée de la demande en steak haché pendant la crise a remis au cœur de l’actualité la question du statut de ce produit au sein de la filière bovine, mais aussi celle de son prix. Une thématique complexe que les dernières matinales de la recherche d’Interbev en novembre 2021 ont permis d’éclairer au travers de deux interventions ciblées sur l’évolution de la consommation et la construction du prix.

Stimulée par de multiples facteurs, la croissance de la consommation de viande bovine hachée semble bien ne vouloir connaître aucun frein. « Depuis le milieu des années 2010, l’augmentation est particulièrement sensible », a souligné Matthieu Repplinger, chef de projet de la section bovins d’Interbev. La viande hachée, qui représentait 39 % des achats des ménages en viande bovine en 2010, en concentrait 44 %, en 2017, a-t-il relevé. En 2020, les achats de viande hachée fraîche ou surgelée ont fait un nouveau bond à la faveur de la fermeture des restaurants (+14,5 % en 2020), soit plus de la moitié de l’équilibre carcasse.

Un produit ancré dans le quotidien

Parfois associée à des images négatives dans le public jusqu’à un passé récent, la viande hachée dispose aujourd’hui d’une réputation beaucoup plus favorable, comme le rappelle l’étude Opinionway réalisée en 2019 sur le sujet et citée par Matthieu Repplinger. « Son image s’est considérablement améliorée ces dix dernières années, notamment grâce aux efforts de l’offre en GMS, dont la gamme s’est élargie », indique-t-il. Les efforts entrepris en matière de traçabilité et de composition ont été reconnus par le public.

Surfant sur la vague du burger, la viande hachée présente la particularité d’être à la fois considérée comme un produit ancré dans le quotidien (à la différence des morceaux « nobles », achetés pour des occasions particulières) et d’inspirer une véritable adhésion. L'étude a révélé que la viande hachée évoquait « un univers émotionnel sous-exploité, fondé sur le plaisir et la créativité ». L’engouement des Français s’est construit notamment sur trois critères : la provenance nationale, via le logo « Viande bovine française », le taux de matières grasses (avec un format 5 % qui tend à être valorisé) et la mention « pur bœuf ».

Compte tenu de sa place dans l’économie de la filière, la viande hachée fait l’objet, depuis 2020, d’un suivi hebdomadaire du chiffre d’affaires vendu en grande surface grâce au panel Iri sur un périmètre plus limité (libre-service GMS), dans le cadre du baromètre Kantar. Les professionnels s’interrogent sur la nécessité de clarifier une offre afin de lui donner plus de lisibilité. Un suivi des ventes en fonction des différentes catégories (haute ou basse pression, standard ou Siqo, en fonction des usages ou encore pur bœuf ou « protéiné ») est à l’étude.

Calculer le prix en fonction de la valorisation de la carcasse

La part croissante prise par le haché soulève la question de l’équilibre matière dans la valorisation de la carcasse bovine, en particulier dans le cas des races à viande. De plus en plus de morceaux habituellement vendus sous forme piécée entrent dans la fabrication d’un produit haché vendu en moyenne moins cher. C’est la raison pour laquelle l’interprofession a demandé à l’Adiv, l’institut technique de R&D de Clermont-Ferrand, de plancher sur une méthode de calcul de construction du prix de la viande hachée dans une carcasse. « La problématique qui nous a été posée est la suivante : à quels prix doit-on, aujourd’hui, vendre la viande hachée fraîche d’une carcasse aux GMS en fonction du ratio de valorisation muscle/viande hachée pour rester à marge constante ? » a résumé Alain Peyron, directeur général de l’Adiv.

« La problématique qui nous a été posée est la suivante : à quels prix doit-on, aujourd’hui, vendre la viande hachée fraîche d’une carcasse aux GMS en fonction du ratio de valorisation muscle/viande hachée pour rester à marge constante ? »

Alain Peyron, directeur général de l’Adiv

La méthodologie déployée a consisté à définir les schémas de découpe et de valorisation pour l’ensemble des muscles qui ont ensuite été répartis en viandes piécées et trois catégories de viande pour haché (VPH) à 5 %, 15 % et 30 % de matières grasses. À partir de ces différents schémas et de l’équilibre visé entre la valorisation en muscle et en haché, il en a été déduit des volumes potentiels de viande hachée des différentes catégories à partir du gisement de viande pour haché. La détermination des volumes de viande hachée selon le taux de matière grasse a été définie de façon à tendre le plus possible vers les chiffres de consommation Kantar.

Plusieurs hypothèses

Plusieurs hypothèses ont ainsi été étudiées. En matière de race à viande, deux scénarios ont été testés : un équilibre à 45 % de muscles pour 55 % de viande hachée et de 30 % de muscles pour 70 % de viande hachée. Dans le cas de la race laitière, c’est un modèle 20 % de muscles contre 80 % de viande hachée qui a été retenu. La méthode permet d’aboutir à une matrice de calcul par modèle avec un bilan matière des volumes des muscles prêts à découper (PAD) toutes catégories et des viandes hachées 5 %, 10 %, 15 % et 20 % et de définir un prix d’équilibre industriel de la viande hachée selon le schéma de valorisation visé. « À titre d’exemple, le modèle montre que le passage de 55 à 70 % de viande hachée dans une carcasse allaitante augmente le prix d’équilibre de la viande hachée de 68 centimes d’euro le kilo », analyse Alain Peyron.

« L’intérêt du modèle est d’être utilisable par tous et ajustable selon le contexte et l’actualité du marché, poursuit-il. L’outil permet de définir la chaîne de valeur de la valorisation des carcasses bovines de manière contradictoire. Chacun sait que le développement du haché est une tendance durable dans le temps, car il est soutenu par les jeunes générations. On pourra difficilement faire porter les surcoûts de l’allaitant sur les muscles piécés restants. »

Le haché, grand vainqueur de la crise

La viande hachée a fait l’objet d’un plébiscite des consommateurs pendant les deux confinements de 2020, avec une hausse des ventes particulièrement forte en surgelé, alors que « ce produit était en perte de vitesse », a rappelé Matthieu Repplinger d’Interbev lors des matinales. Mais ce n’est pas le seul phénomène notable de la période. Loin de fondre d’un confinement à l’autre, les achats se sont maintenus à un haut niveau même pendant les périodes de déconfinement et de réouverture des restaurants. Mieux, les ventes ont profité de cet élan l’année dernière, avec des niveaux toujours supérieurs en 2021 par rapport à 2019, tant en viande fraîche qu’en surgelé jusqu’au mois d’octobre 2021.

 

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