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Le monde a faim de fromages et de beurre

Les années passent, les exportations de produits laitiers continuent d’augmenter mais les produits exportés changent. Retour sur la sixième Journée sur les marchés mondiaux laitiers, organisée par l’Institut de l’élevage.

Le monde a soif de lait, avait-on coutume de dire pour illustrer l’augmentation régulière de la consommation mondiale de produits laitiers (+2 % par an en moyenne). Le monde a faim de fromages et de beurre, devra-t-on dire désormais si l’on en croit les conclusions de la sixième Journée sur les marchés laitiers mondiaux, organisée par l’Institut de l’élevage. Pour Gérard You, de l’Institut de l’élevage, « l’année 2016 est marquée par une forte hausse de la consommation de produits laitiers face à une augmentation modérée de la production ». En effet, en 2016, la consommation mondiale de produits laitiers, mesurée en équivalent lait, dépasse largement la production, obligeant à un déstockage de 1,8 million de tonnes.

En 2016, année noire pour les producteurs de lait européens, la production laitière mondiale n’a augmenté que de 1,1 %, soit 12 millions de tonnes. Les cinq principaux exportateurs que sont l’Union européenne, les USA, la Nouvelle- Zélande, l’Australie et l’Argentine n’ont produit que 400 000 tonnes supplémentaires (contre 11 millions de tonnes en 2014). La Chine a été le moteur de cette croissance, confirmant la règle qui veut que l’essentiel de la croissance se fait au plus près des besoins. Pour Philippe Chotteau, de l’Institut de l’élevage, « la production augmente d’abord là où tire la consommation, elle s’accentue donc dans les régions peu exportatrices ». La dynamique est désormais favorable au redressement des prix pour le beurre dont les cours ont doublé entre juin 2016 et mai 2017, pour la poudre maigre dont les cours frémissent à la hausse entre +17 % et +20 % en mai 2017.

COUP DE BOOST SUR LES ÉCHANGES DE FROMAGES ET DE BEURRE

En volume, les échanges progressent de 1 million de tonnes, pour atteindre 66 millions de tonnes, avec une augmentation des fromages et du beurre, un tassement des poudres de lait alors que les poudres de lactosérum sont toujours très demandées pour l’alimentation infantile et animale. Analyse produit par produit.

L’année 2016 est marquée par la forte progression des échanges de fromages (+6 %, 350 000 tonnes). Désormais 10 % des fabrications (2,35 millions de tonnes) sont échangées sur les marchés internationaux pour 9,3 milliards d’euros, soit 25 % de la valeur des produits échangés.

Avec un tiers de ce marché, l’Union européenne conforte sa position de leader mondial devant la Nouvelle-Zélande, les USA, la Biélorussie et l’Australie face à dix pays importateurs : Japon, Russie, USA, Arabie saoudite, etc. Les échanges de beurre progressent pour leur part de 3 % (+1 million de tonnes) ; ils concernent 10 % de la production mondiale pour 3 milliards d’euros. Les échanges de poudres de lactosérum progressent de 8 %, à 1,5 million de tonnes, les principaux fabricants sont l’Union européenne et les USA ; entre 55 % et 60 % des fabrications sont échangées. À noter que désormais, en valeur, les laits infantiles font autant que les poudres grasses.

AUX ÉTATS-UNIS, FORTE DEMANDE INTÉRIEURE ET EXPORT EN HAUSSE

Dans le contexte difficile de l’année 2016, le dynamisme américain tranche avec la situation des autres pays. Les États-Unis sont le troisième exportateur mondial. Avec 3 millions d’équivalent lait, ils contribuent à 14 % des échanges mondiaux. Si leur production est à 90 % destinée au marché intérieur, depuis le début des années 2000 les USA ont accru leur position à l’export. La production laitière est en progression ininterrompue d’environ +1,8 % par an entre 2004 et 2016. Mais le fait marquant, c’est le nouveau bond de la consommation de beurre et de fromages (+2,3 % au total en 2016 par rapport à 2015) du fait de l’augmentation démographique. Par habitant, la hausse est de 1,6 %. Principale explication, selon Mélanie Richard, de l’Institut de l’élevage, « la reprise économique et le goût retrouvé pour la matière grasse laitière ». Malgré la flambée du dollar qui pénalise leur copétitivité sur les marchés internationaux, les Américains ont augmenté leurs exportations de poudre maigre et de lactosérum. En 2017, on s’attend à une hausse des exportations de protéines et de fromages de la part des États-Unis.

Demande intérieure soutenue également dans l’Union européenne, selon Sophie Hélaine, de la DG Agri de la Commission européenne. En 2016, la consommation intérieure a crû de 1,5 million de tonnes, soit +1,5 % par rapport à 2015. Elle est de nouveau attendue en hausse de 1 million de tonnes en 2017 alors que la collecte laitière devrait augmenter de 0,6 % en 2017. Les stocks pèsent sur les cours, dont 330 000 tonnes de stock d’intervention auxquels s’ajoutent 140 000 tonnes de stocks privés. La moitié des stocks mondiaux sont dans l’Union européenne. Pour la Commission, 91 % des fromages européens seront consommés dans l’UE en 2026. La Commission européenne prévoit en effet une nouvelle baisse de la consommation de lait liquide (-5 kg par habitant dans les dix prochaines années) et une hausse de la consommation de crème, de beurre et de fromages en Europe et dans le monde. La consommation intérieure de lait dans l’Union européenne est attendue en croissance de 8 millions de tonnes dans les dix prochaines années, alors que le commerce mondial devrait connaître une croissance plus modérée, avec un net ralentissement des échanges pour la poudre de lactosérum. La Nouvelle-Zélande, première exportatrice mondiale avec 30 % des exportations, a été moins présente sur les marchés début 2017, faute de disponibilités. Pour Mélanie Richard, « la Nouvelle-Zélande poursuit sa stratégie d’accroissement de la valeur ajoutée, d’optimisation du mix produit : poudres de lait écrémé, beurre, PGC, et le développement de produits à destination de la restauration et du commerce de détail ». L’Institut de l’élevage prévoit une hausse de la production au deuxième semestre 2017 sauf accident climatique majeur, tandis que Fonterra annonce des prix payés aux producteurs de 340 euros pour 1 000 litres pour garder ses adhérents.

Malgré les fortes turbulences auxquelles ont été confrontés plusieurs grands transformateurs laitiers mondiaux, la crise n’a pas freiné l’ampleur des opérations de croissance externe et en particulier la montée en puissance de projets de grandes fermes avec complexes intégrés, la structuration et l’internationalisation grandissante des leaders mondiaux des pays émergents, le maintien d’une forte dynamique d’investissements dans les ingrédients. Pour Benoît Rouyer du Cniel, « la reprise des investissements mondiaux sur les fromages est de 4,6 milliards d’euros dont 60 % en Europe, 25 % aux USA et un peu moins en Océanie ». D’importants projets sont mis en oeuvre aux USA en Nouvelle-Zélande et en France. En 2016, en Asie, le Japon a conforté sa première place d’importateur mondial de fromages alors qu’en Corée les importations sont dominées par les fromages. La Chine et Hong-Kong importent 11 milliards de dollars de produits laitiers, contribuent à 25 % du commerce mondial et diversifient désormais leurs importations.

UNE DEMANDE TRÈS ORIENTÉE SUR LES FROMAGES, LA CRÈME ET LE BEURRE

Pour Jean-Marc Chaumet, de l’Institut de l’élevage, « les importations chinoises de produits laitiers pourraient passer de 11 millions de tonnes aujourd’hui à 18 millions de tonnes en 2025. Avec des préparations pour nourrissons, des laits liquides, des fromages, du beurre et de la crème ». La Chine reste le premier importateur mondial de laits infantiles en provenance d’Europe, malgré le lancement de produits pour les bébés chinois, le renforcement de la réglementation. Les yaourts thermisés sont le produit qui se développe le plus, les trois fabricants majeurs se battent sur ce marché tandis que le lait liquide est le nouveau terrain de bataille sur le marché du lait chinois.

En 2016, les importations de crème ont explosé en Chine : +48 %, soit +80 000 tonnes. La Chine est le deuxième importateur mondial de beurre. Enfin, la Chine est le huitième importateur mondial de fromages, surtout de mozzarella, de cheddar et de gouda, pas encore de camembert. Les Chinois manifestent une forte volonté de coopérer avec les entreprises étrangères pour développer et produire des fromages. L’inauguration en juin 2015 des nouvelles tours de séchage d’Isigny Sainte-Mère, pour un investissement de 65 millions d’euros réalisés à 30 % avec les Chinois de Biostime en échange d’un contrat d’approvisionnement sur quinze ans, a marqué les esprits. « Deux ans après, nous sommes satisfaits de ce contrat gagnant-gagnant », est venu témoigner Arnaud Fossey, président d’Isigny Sainte-Mère. Dans cette coopérative, qui collecte un peu plus de 200 millions de litres de lait pour un chiffre d’affaires qui pourrait atteindre 300 millions d’euros en 2017, l’export représente 52 % du chiffre d’affaires. Les fabrications se répartissent entre poudres de lait infantiles 46 %, autres poudres 7 %, beurre 14 %, crème 12 %, fromages 21 %.

LA SYNERGIE POUDRES, BEURRE ET FROMAGES

Récemment, la coopérative normande a noué des partenariats avec Hyundai qui détient vingt centres commerciaux à Séoul en Corée et a ouvert une première boutique à Séoul, deux autres doivent suivre en mai et en août pour la fabrication de viennoiseries à base de beurre d’Isigny. « En Asie, tout va vite, résume Arnaud Fossey. Il faut huit mois entre la signature et l’ouverture de la boutique. » En 2017, l’ambition est de réaliser 60 % de CA à l’export là où sont les relais de croissance. La coopérative joue sur la qualité de ses produits y compris sur ses beurres, crèmes et fromages AOP, sur l’image de la France mais aussi sur un travail de longue haleine. Et comme une ultime mise en garde, le président d’Isigny Sainte-Mère lance : « L’Afrique, l’Indonésie, l’Amérique du Sud nous intéressent, nous venons de commencer des affaires avec la Colombie. Nous entendons rester multiproduits et multirégions. Mais il ne faut jamais oublier qu’on n’est pas bons à l’export si on n’est pas bons chez nous ».

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