« Le lait peut nourrir durablement le monde »
La place du secteur laitier mondial comme acteur majeur du développement durable : c’est la cause que veut défendre Judith Bryans en écho à la signature d’une déclaration commune FIL/FAO à Rotterdam.
Quelle est la portée de la déclaration de Rotterdam et quel défi représentet- elle pour vous ?
Judith Bryans - Le lait est un bien mondial et peut être une part de la solution pour nourrir la planète durablement. Les vaches transforment l’herbe, non consommable par l’homme, en un produit riche en protéines. Le lait est le moyen de subsistance d’un milliard d’hommes et de femmes dans le monde, soit 1 personne sur 7. C’est important de le rappeler en s’appuyant sur la FAO qui s’engage pour la première fois formellement avec un secteur agricole sur le développement durable. Nos concitoyens manquent de connaissance sur le rôle du lait dans ce domaine. Le lait doit raconter son histoire et s’assurer qu’elle est entendue, d’autant plus que les recommandations alimentaires tiennent de plus en plus compte de la relation entre les aspects nutrition et développement durable. Je me suis lancée le challenge de disséminer la déclaration de Rotterdam qui certifie l’engagement de la filière laitière mondiale dans le programme de développement durable des Nations Unies tel qu’il a été adopté en septembre 2015.
Comment comptez-vous vous y prendre pour faire fructifier cet engagement ?
J. B. - J’ai décidé d’arpenter la planète pour obtenir la signature des pays membres de la FIL qui certifie leur appropriation de cette déclaration. La Chine, Israël, les Pays-Bas et la Corée du Sud l’ont déjà signée. En juin dernier, la France est entrée dans la ronde via le Cniel à l’occasion de son assemblée générale. Le Canada a suivi en juillet, la Finlande en août et le Japon en septembre. L’Irlande et le Royaume-Uni ne vont pas tarder à le faire. C’est ma priorité. Chaque événement national est une occasion pour relayer le message à nouveau.
Est-ce juste un coup de projecteur ?
J. B. - Non, bien évidemment. Prenons l’exemple de la France qui a été présenté à l’occasion de l’AG du Cniel à laquelle j’ai participé. La filière s’y est engagée à baisser de 20 % les émissions de CO2 entre 2015 et 2025. D’ores et déjà grâce au programme Fermes laitières bas carbone, 6 150 fermes françaises affichent une empreinte carbone de 1,03 kg CO2 mais 0,91 kg si on inclut le stockage du carbone par le sol.
Disséminer le message au niveau de la planète ne nécessite-t-il pas de rassembler plus d’États membres ?
J. B. - La FIL compte 45 membres et représente 75 % de la production laitière mondiale et 85 % du lait en poudre échangé dans le monde. C’est une bonne représentation mais il nous manque en effet des pays d’Amérique du Sud, d’Asie du Sud-Est, d’Afrique où la consommation de produits laitiers croît et croîtra encore plus demain. Le Brésil, la Chine, le Japon et l’Afrique du Sud font partie de l’organisation mais nous souhaitons gagner plus de voix pour peser davantage à la FAO, au Codex et j’espère aussi à l’OMS. Nous mettons à la disposition des nouveaux entrants nos centaines d’experts et nos dix-sept comités scientifiques et techniques qui traitent des normes, des méthodes d’analyse, de l’antibiorésistance, de la nutrition, du développement durable… La baisse de la consommation de lait dans les pays occidentaux est préoccupante. Les mouvements anti-élevage aussi. Le rôle de la FIL est de produire de l’information technique et de vulgariser les connaissances scientifiques. Toutefois, nous menons une réflexion pour mieux communiquer. La signature de la déclaration est un cadeau dans ce sens. C’est une façon moderne de rappeler les valeurs durables du lait.
IDENTITÉ
Judith Bryans participe aux activités de la Fédération internationale du lait (FIL) depuis 2005. Elle en a été élue présidente pour quatre ans lors du congrès de la FIL à Rotterdam en octobre 2016. Nutritionniste, elle est à la tête de Dairy UK, l’association qui regroupe les entreprises et les producteurs de lait au Royaume-Uni.