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Le cidre Écusson veut sortir de sa bulle

Depuis 1919, à Livarot, au cœur du pays d’Auge, dans une Normandie de carte postale, la maison Écusson embouteille le cidre. De début septembre à fin novembre, c’est la valse des camions et tracteurs qui apportent les pommes à cidre cultivées par les 300 pomiculteurs adhérents à la coopérative Agrial. Le calendrier est serré, les pommes ne sont pas stockées plus de 48 heures, car le ramassage mécanique les a fragilisées. En moyenne 20 000 tonnes de pommes, d’une cinquantaine de variétés, sont ainsi amenées à l’usine qui s’étend sur 8 hectares de terrain et 2 hectares de bâtiment abritant 70 salariés permanents et une trentaine de saisonniers.

Les pommes sont lavées puis acheminées vers les presses haute pression. Chaque machine presse 10 tonnes de pommes pendant 1 h 30 à 2 heures, selon la maturité. Le marc de pommes est déshydraté et vendu à une pectinerie, tandis que le moût est contrôlé au laboratoire. Acidité, pH et taux de sucre sont soigneusement mesurés. Mais le jus est aussi goûté et classé : amer, acidulé, doux-amer, tout dépend des variétés de pommes et des terroirs. Le cidre normand se distingue du cidre breton par l’utilisation de variétés plus douces alors que son cousin est caractérisé par une amertume plus prononcée.

Une bouteille, c’est 1 kg de pommes

Ensuite, vient la fermentation naturelle grâce aux levures présentes sur les pommes. La fermentation se fait à 4 °C, à la différence de la fabrication du cidre fermier où elle a lieu à 12 °C, et est donc plus rapide, au risque de développer des dérivés sulfurés. Dans ces cuves réfrigérées, « les différentes souches de levures ont le temps de monter lentement en puissance, de dégager tous leurs arômes », explique Catherine Delain, maître de cave à la cidrerie Écusson.

Le processus est lent, le cidre doux a besoin au minimum d’un mois pour fermenter, le brut davantage. Le cidre doux titre à 2,5° ou 3° d’alcool. Le cidre brut quant à lui titre autour de 4,5° à 5°. Lorsque la fermentation est jugée suffisante, le cidre est décanté puis les levures sont éliminées par centrifugation.

Suit alors la délicate étape de l’assemblage, dans des cuves de 500 hectolitres. Catherine Delain utilise les cuvées des différentes variétés de pommes pour composer les cidres Écusson, au goût défini par un cahier des charges strict. « Nous cherchons à conserver un standard, une qualité régulière, chaque année », explique-t-elle. Le cidre doux étonne par ses notes compotées tandis que le brut se distingue par son fruité. En novembre, à la fin de la campagne, les 400 cuves sont pleines de 20 millions de litres.

Le cidre est enfin mis en bouteille – avec une adjonction de gaz pour garantir une effervescence régulière –, c’est la partie de l’usine qui fonctionne toute l’année. Les bouteilles sont pasteurisées, ce qui élimine les dernières levures et permet de stabiliser la boisson, mais surtout limite "le risque verre", les bouteilles de cidre ayant une fâcheuse tendance à l’explosion. « Une bouteille, c’est un kilogramme de pommes », résume Franck Bardin, le directeur industriel.

Exportation en Europe et vers l’Asie

La moitié des volumes produits à l’usine de Livarot est vendue sous la marque Écusson, mais plus d’une centaine de références est commercialisée. Le cidre normand s’exporte, dans l’Union européenne mais aussi en Asie. Les échanges avec la Russie reprennent après les complications liées à l’embargo. Quant aux États-Unis, ce sont des citernes bios qui sont acheminées vers la société Manzana (rachetée par Agrial en 2012) qui fabrique du vinaigre de cidre, boisson santé en vogue sur la côte ouest.

Au-delà de ses deux cidres phare, le doux et le brut, Écusson a lancé ces dernières années plusieurs cuvées aromatisées, à base de jus et d’arôme (poire, cerise, pêche). Mais l’innovation marquante reste le cidre rosé. Agrial a acheté en Allemagne une variété de pommes détonante, la rouge délice, à la chair rosée. Cette pomme très acidulée donne un moût rouge. Assemblée avec d’autres variétés plus douces, elle donne ce cidre rosé frais et acidulé. Écusson cherche à l’imposer sur le segment de l’apéritif, car il est plus festif que les boissons non alcoolisées. Peu alcoolisé (3 °), il a tout pour plaire à une certaine clientèle, notamment féminine.

Il faut sortir des crêpes et galettes !

Ces nouveautés qui dépoussièrent le cidre traditionnel sont cruciales pour la marque, car le marché du cidre stagne. La consommation a chuté depuis que le cidre n’est plus consommé à table. De plus, l’engouement pour les circuits courts pénalise les marques comme Écusson. Dans les bassins de forte consommation, Normands et Bretons se tournent davantage vers les productions fermières.

Dans le reste de la France, « il faut sortir des crêpes et galettes ! » s’exclame Claire-Sophie Haas, directrice marketing d’Eclor (branche boisson d’Agrial). En ligne de mire, les cafés, hôtels et restaurants. « On ne cherche pas à prendre des parts de marché à nos concurrents, mais à faire grossir le marché du cidre dans son ensemble » explique-t-elle. En février, Écusson sortira une bouteille de cidre bio exclusivement destinée à la restauration.

La marque cherche aussi à développer la vente dans les bars, les pubs et les festivals du cidre sous pression « ce qui est idéal pour les qualités gustatives du produit », détaille-elle. Auprès des particuliers, le cidre espère profiter de l’engouement pour les bières. Les nouveaux conditionnements en petites bouteilles visent justement à accéder à ces apéritifs de semaine.

Quant à la cidrerie presque centenaire de Livarot, Agrial réfléchit à développer son potentiel touristique. Dans une partie des bâtiments de 1919, à colombages, des informations sur le cidre pourraient être mises en scène pour que les Normands et les touristes (re) découvrent le lien entre cidre et terroir normand.

Approvisionnement Local

Les cidres doux et bruts Écusson sont sous l’IGP Cidre de Normandie. Les pommes sont normandes et 80 % d’entre elles sont collectées dans un rayon de 100 km. Un verger met cinq ans à entrer en production pour les plantations en basses tiges et plus de dix ans pour les plantations en hautes tiges. Agrial contractualise avec les producteurs pour 25 à 30 ans, afin de garantir la visibilité pour ces investissements de longue haleine. La coopérative met en avant une agriculture raisonnée. Contre les carpocapses, les pomiculteurs ont recours à la confusion sexuelle, ils sont incités à installer des nichoirs à mésanges bleues et charbonnières qui peuvent avaler 18 000 insectes pendant leur période de nidification. L’utilisation de ruches qui augmente la pollinisation est aussi encouragée. L’écopâturage est en cours d’expérimentation. Un réseau de station météo permet de guetter l’apparition de maladies comme la tavelure. La coopérative souhaite développer sa démarche RSE. Pour répondre dans quelques années à des marchés qui se développent, Agrial cherche à convaincre ses producteurs de planter davantage de vergers cidricoles en bio et de variétés de pommes à jus.

Repères

Évolution des ventes de cidre Écusson en 2016 par rapport à 2015

-6,5 % : cidres classiques (brut et doux)

+11 % : nouvelles références (dont cidre cerise, petit format)

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