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Chronique
E-commerce de l’alimentaire : quid juris ?

Le récent développement du commerce alimentaire en ligne suscite à la fois enthousiasme et inquiétudes quant aux conséquences juridiques d’une vente qui se caractérise par l’absence physique à la fois du vendeur et du consommateur. L’Europe se penche sur la question.

Katia Merten-Lentz, avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman.
© DR

En février 2018, la Commission européenne a publié un rapport sur le premier programme de coordination des contrôles du commerce alimentaire en ligne. Les autorités nationales ont été invitées à examiner près de 11 000 sites Internet proposant certaines denrées dans leur pays. L’enquête rapporte 428 offres de nouveaux aliments non autorisés, 351 compléments alimentaires avec des allégations non conformes et 779 offres manifestement non conformes à la législation européenne.

Il convient de rappeler que la législation alimentaire européenne harmonise les règles applicables à la sécurité, à l’hygiène, mais également à l’étiquetage des denrées alimentaires destinées à la consommation (1). Cependant, l’émergence de nouveaux modes de commercialisation soulève des questions pratiques quant au respect de ces dispositions et au maintien d’une concurrence loyale entre les opérateurs du marché agroalimentaire.

Respect des règlements Inco et «novel food»

Au-delà du marketing, des exigences sont applicables au contenu des denrées. La vente alimentaire en ligne est définie en droit européen comme une « technique de communication à distance », c’est-à-dire tout moyen qui, sans présence physique et simultanée du fournisseur et du consommateur, peut être utilisé pour la conclusion du contrat entre eux (2). Ainsi, l’emballage de la denrée et sa présentation sur le site Internet du vendeur restent soumis aux dispositions du règlement Inco.

Les informations obligatoires doivent donc être fournies avant la conclusion de l’achat et figurer sur le support de la vente à distance, c’est-à-dire sur le site Internet. Elles doivent aussi être transmises au moment de la livraison. La vente en ligne doit, en outre, respecter les règles spécifiques d’étiquetage en ce qui concerne les allégations nutritionnelles et de santé (3). Seules les allégations autorisées au niveau européen et listées comme telles par la Commission européenne peuvent être mentionnées en ligne, comme sur l’emballage des aliments.

Enfin et aussi logiquement, les « nouveaux aliments » qu’ils soient vendus en ligne ou via des circuits traditionnels de distribution, doivent respecter les règles spécifiques du régime « novel food ». Pour rappel, la mise sur le marché d’aliments nouveaux est soumise à une procédure d’autorisation préalable harmonisée à l’échelle européenne (4) et, par conséquent, seules les substances autorisées peuvent être légalement commercialisées (5).

Adaptation des contrôles officiels

Le respect des règles de sécurité et d’hygiène et les contraintes logistiques constituent le premier frein au développement du commerce alimentaire en ligne. Le législateur européen a explicitement soumis les produits achetés en ligne au nouveau règlement sur les contrôles officiels, qui s’appliquera à compter du 14 décembre 2019 (6). Ainsi, les autorités nationales pourront commander des produits en ligne sans s’identifier et utiliser les produits achetés en tant qu’échantillons officiels.

La non-conformité des produits vendus en ligne pourra entraîner des sanctions qui seront désormais calculées en fonction des gains économiques réalisés ou d’un pourcentage du chiffre d’affaires et qui s’appliqueront indépendamment du lieu d’établissement de l’exploitant. Les contrôles s’étendront donc aux produits en provenance de pays tiers.

Eu égard au nombre d’infractions constatées, le rappel que l’usage du commerce en ligne n’exonère nullement les opérateurs du respect de la législation alimentaire semblait nécessaire. Il apparaît manifeste que les autorités nationales vont être de plus en plus fermes à l’égard des produits mis en vente en ligne et rétablir ainsi une plus saine concurrence sur le marché.

(1) Règlement (CE) n° 178/2002

(2) Règlement (UE) n° 1169/2011 dit « Inco »

(3) Règlement (CE) n° 1924/2006

(4) Règlement (UE) 2015/2283

(5) Décret n° 2006-352 du 20 mars 2006

(6) Règlement (UE) 2017/625

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.

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