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Chronique
Double qualité des aliments : adapter, oui ; discriminer, non

La directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 (dite « directive Omnibus ») qui s’inscrit dans le cadre de « la nouvelle donne pour les consommateurs », modernise une partie de l’acquis européen en matière de protection des consommateurs. Elle introduit notamment une disposition visant à interdire le double niveau de qualité des aliments (ou « dual quality »).

Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman.
Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman.
© Keller & Heckman

Depuis plusieurs années, de nombreux pays - d’Europe de l’Est, pour la majorité - se plaignent de ce que la qualité de certains produits vendus dans leur pays serait inférieure à celle d’un même produit vendu dans d’autres États membres. Ce débat concerne des denrées les plus variées comme un bâton de poisson pané qui contiendrait plus ou moins de poisson ou le Nutella qui serait plus ou moins crémeux, selon le pays dans lequel il est commercialisé.

À la suite de diverses plaintes et pressions politiques, l’Union européenne a fini par prendre des mesures pour lutter contre cette « double qualité (dual quality) » des denrées alimentaires, c’est-à-dire, éviter qu’un fabricant de denrée alimentaire ne vende des produits de qualité variable en fonction de son pays de commercialisation.

Interdiction de la double qualité

Ainsi, en septembre 2017, la Commission européenne a publié des orientations applicables aux cas présumés de double niveau de qualité, qui décrivent comment apprécier cette pratique commerciale potentiellement déloyale et introduit la notion de « produit de référence ». Il s’agit du produit à l’égard duquel un consommateur nourrit des attentes spécifiques légitimes.

En 2019, l’interdiction de la double qualité devient un principe de droit européen : la directive Omnibus est publiée et modifie l’article 6 (2) de la directive 2005/29/CE [1] en y insérant le point (c) qui définit comme nouvelle pratique commerciale réputée : « Toute activité de commercialisation présentant un bien, dans un État membre, comme identique à un bien commercialisé dans d’autres États membres, alors que ce bien a une composition ou des caractéristiques sensiblement différentes, à moins que cela ne soit justifié par des facteurs légitimes et objectifs. »

Plusieurs facteurs doivent être, successivement, pris en compte : une entreprise commercialise des produits comme étant identiques ou apparemment identiques dans différents États membres ; ces produits ont une composition ou des caractéristiques significativement différentes ; et cela sans justification légitime, objective et facilement identifiable par le consommateur.

Des sanctions jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires

Bien qu’il revient toujours aux autorités nationales de procéder à une appréciation de la situation au cas par cas afin de déterminer s’il y a eu - ou pas - un manquement, la directive a néanmoins précisé que les sanctions pourront aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel du professionnel dans l’État membre ou les États membres concernés, tel qu’il est écrit dans l’article 3 de la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 qui modifie l’article 13 de la directive 2005/29/CE.

Les vingt-sept pays de l’UE ont jusqu’au 28 novembre 2021 pour transposer cette disposition dans leur droit national et devront l’appliquer à partir du 28 mai 2022 [2]. Un rapport de l’Assemblée nationale du 13 juillet 2021 a indiqué qu’une ordonnance par habilitation paraîtra au plus tard le 3 février 2022.

Aussi, les opérateurs seraient bien avisés d’être prudents lorsqu’il s’agit d’adapter leurs recettes aux goûts locaux, sous peine d’être lourdement sanctionnés pour pratique trompeuse.

[1] Directive 2005/29/CE du Parlement européen et 2 du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32005L0029
[2] Voir article 7 de la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs

Cabinet Keller & Heckman

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaire, environnement et publicité, présent à Bruxelles, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.

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