Canard gras : retour de l’offre, innovation, guerre commerciale, 6 questions à Euralis et Maison Monfort
Au cours d’une visite du site industriel de Maubourguet, la rédaction a rencontré Bruno Traverse, le directeur général d’Euralis Gastronomie, et Ghuislain Hanicotte, responsable marketing de Maison Montfort. Le groupe est l’un des leaders de la filière canard et détient 24% des part de marché. Comment la filière s’en est-elle sortie post crise influenza aviaire ? Vers quoi s’oriente le marché du foie gras ? Comment s’organise la fusion des coopérative Euralis et de Maïsadour ?
Au cours d’une visite du site industriel de Maubourguet, la rédaction a rencontré Bruno Traverse, le directeur général d’Euralis Gastronomie, et Ghuislain Hanicotte, responsable marketing de Maison Montfort. Le groupe est l’un des leaders de la filière canard et détient 24% des part de marché. Comment la filière s’en est-elle sortie post crise influenza aviaire ? Vers quoi s’oriente le marché du foie gras ? Comment s’organise la fusion des coopérative Euralis et de Maïsadour ?

Les Marchés : Le foie gras renoue avec la croissance, qu’en est -t-il des performances des marques Montfort et Rougié ?
Bruno Traverse : 2024 marque un retour à la normale pour la filière canard gras. C’est la première année depuis longtemps où tous les canards élevés ont pu être commercialisés. La consommation reprend, avec un rebond observé dès octobre 2023. Le foie gras entier mi-cuit reste la référence phare en magasin. La période de Noël, représente 85 % du chiffre d’affaires en canard gras, soit 3419 tonnes de foie gras transformé qui ont été vendues en grande distribution pendant la saison festive et de janvier 2024 à janvier 2025, le total des ventes était de 3966 tonnes pour un chiffre d’affaires de 275 millions d’euros. Pâques reste également un moment clé de consommation, avec 165 tonnes écoulées l’an dernier. Les volumes de ventes de confits ont aussi doublé entre 2023 et 2024.
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Ghuislain Hanicotte : Aujourd’hui, la consommation de foie gras est équilibrée entre la grande distribution (GMS) d’un part, la restauration hors domicile (RHD) et l’export d’autre part, avec 50 % des ventes réalisées par chaque partie. Près de 13 % des foyers français achètent sur une année les produits Maison Montfort, un chiffre en progression. Mais la taille de la clientèle au global catégorie reste en retrait de près de trois points par rapport à 2021.
Près de 13 % des foyers français achètent sur une année les produits Maison Montfort, un chiffre en progression.
Quel bilan de la crise influenza aviaire ?
B. Traverse : En dix ans, on a vécu six ans de crise de grippe aviaire. Les premières crises ont démarré en 2015. En cette période la filière comptait un cheptel de près de 37 millions de canards. On a perdu, dans la filière canard, 25 % de la production depuis 2021. Les dispositifs d’aide de l’État ont permis de compenser une partie des pertes d’exploitation de la filière. Mais, vacciner un canard, entre le suivi, la surveillance passive et active, revient à des coûts supplémentaires de plus d’un euro par canard. La réduction des aides va alourdir les coûts de production et ce sont nos marges qui risquent d’en pâtir. Aujourd’hui, faire passer ces hausses dans les prix de ventes en grande distribution est difficile. Les GMS sont attachées à la défense du pouvoir d’achat des ménages et très réticents à l’idée d’une hausse de prix des produits.
Les GMS sont attachées à la défense du pouvoir d’achat des ménages et très réticents à l’idée d’une hausse de prix des produits.
Comment se porte votre marché à l’export ?
B. Traverse : À l’export, les ventes se concentrent à 80 % sur la restauration hors domicile et à 20 % en épiceries fines. En Europe, la reconquête des marchés progresse bien. La principale difficulté reste les pays qui n’autorisent pas la vaccination, comme le Japon, qui était historiquement notre premier marché à l’export. La filière y expédiait au total près de 800 tonnes de foie gras par an avant la suspension des exportations. Nous espérons pouvoir y relancer les exportations d’ici 2026, mais les discussions diplomatiques prennent du temps. Néanmoins, on continue nos envois dans près de 65 pays dont la Chine, le Canada et les États-Unis.
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Êtes-vous touché par la guerre commerciale lancée par le président Donald Trump ?
B. Traverse : Nous avons un siège et un site de production au Canada pour un acheminement des produits canard gras sur la zone Amérique du nord. Cette initiative était au départ pour profiter de l’accord de libre-échange entre les deux pays et réduire les problématiques de transport. Maintenant cela permet aussi de contourner de potentiels droits de douanes sur les produits européens. Depuis octobre 2023, les États-Unis ont fermé leur marché aux volailles françaises vaccinées, ainsi c’est notre filiale canadienne qui assure les envois vers le pays.
les États-Unis ont fermé leur marché aux volailles françaises vaccinées, ainsi c’est notre filiale canadienne qui assure les envois vers le pays.
Quelles sont les dernières innovations et vos perspectives pour 2025 ?
G. Hanicotte : Innover sur le canard gras reste un défi de taille, car beaucoup de Français, en achètent occasionnellement, et durant des moments festifs. Cela dit, l’innovation reste un moteur. Maison Montfort propose depuis 2021 une gamme de produits sans nitrites, ni conservateurs, qui ont nécessité deux ans de recherche et développement.
Innover sur le canard gras reste un défi de taille
Nous développons une gamme plus accessible comme des blocs de foie gras revisités, de nouvelles saveurs avec notre gamme gastronomique et des formats pratiques. Le poids des élaborés monte dans la production, aujourd’hui c’est 17% de la production de viande de canard. L’enjeu aujourd’hui est de pousser le développement d’élaborés qui permettent de recruter de la clientèle. En 2025, nous lancerons une version d’aiguillettes au sein de la gamme Cuisine Express, à réchauffer au micro-ondes et qui se cuit en 2 minutes. Ce produit répond aux nouvelles tendances de consommation et cible les moments de barbecues durant la période estivale, un moment de consommation où le canard est encore peu présent. La gamme canard cuisine express lancée il y’a 4 ans, a eu une croissance 93 % l’an dernier et a déjà permis de recruter plus de 600 000 nouveaux consommateurs, dont 42 % non-consommateur de canard.
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Qu’en est-il de la fusion entre la coopérative Euralis et Maïsadour?
B. Traverse : Le projet a débuté en 2023, mais à l'époque, il ne s’agissait pas encore d’une fusion, plutôt d’une initiative de création d’une entité commune. Les discussions ont été mises en pause sous l’effet cumulé de l’influenza aviaire et de l’inflation. Aujourd’hui, le projet reprend, porté par une volonté forte des adhérents pour mieux affronter les difficultés de mise en marché. L’objectif est de faire face aux crises, à la volatilité des cours mondiaux et aux enjeux de durabilité. Nous perdons environ 250 adhérents chaque année, principalement en raison d’arrêts d’activité, les exploitations agricoles n’ont plus les mêmes défis aujourd’hui, entre renouvellement de générations et pérennité de la filière.
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