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Vingt ans de recul pour la méthode Souvignet de dressage des bovins

Éleveur dans le Cantal, Benoît Souvignet est régulièrement sollicité avec son père Michel pour réaliser des formations de dressage sur bovins. Il enseigne tout simplement ce qu’il réalise chaque année sur son élevage.

« Nous avons réalisé notre première formation en 2005. Depuis, on approche les 200, à raison d’une dizaine par an. À ce jour, environ 4 000 éleveurs ont participé », explique Michel Souvignet désormais retraité, et donnant encore bien volontiers le « petit coup de main » à son fils Benoît. Ces formations ont été organisées dans 58 départements mais également en Belgique, au Luxembourg et en Suisse avec la plupart des différentes races allaitantes. Elles ont lieu entre fin juillet et début octobre selon les disponibilités de Benoît. En Gaec avec son épouse Karine à Villedieu, à côté de Saint-Flour dans le Cantal, la priorité dans son emploi du temps demeure la conduite et la sélection de son troupeau de 90 mères limousines.

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« J’ai commencé à dresser quelques animaux à partir de 1995 pour participer à des concours », se souvient son père. Dans un premier temps, ce travail était réalisé sous la contrainte, en attachant les animaux derrière un tracteur. Peu satisfaits par cette méthode, les Souvignet père et fils l’ont rapidement faite évoluer. « Au début on a tâtonné, mais on s’est vite rendu compte que les jours qui suivent le sevrage sont une période clé dans la vie d’un bovin au cours de laquelle ils perdent leurs repères. C’est à ce moment précis qu’il faut intervenir », soulignent ces passionnés de limousines qui, pour autant, n’ont jamais travaillé avec des comportementalistes. Juste lu quelques documents à ce sujet.

Des règles précises dans son déroulement

Au fil des ans, leur méthode s’est peu à peu calée. Elle obéit désormais à des règles précises dans son déroulement. « À la fois rapide et efficace, elle n’est pas basée sur un rapport de force mais sur un bon relationnel entre l’homme et l’animal avec un travail en douceur sans générer de stress. Ce dressage a un impact sur le comportement des animaux tout au long de leur existence et les mâles ne sont pas plus compliqués à dresser que les femelles. »

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Initialement sa seule finalité était la présentation d’animaux dans de bonnes conditions sur les concours. « Mais nous nous sommes vite aperçus que cela améliorait nettement notre confort de travail au quotidien avec des animaux beaucoup plus faciles à manipuler et confiants en l’homme. » Leur familiarité favorise aussi leur bien-être. Ils sont moins stressés pour toutes les interventions et surtout cette absence de stress déteint sur leurs propriétaires. Ce bon comportement a eu vite fait d’éveiller l’attention d’autres éleveurs. « C’est ainsi que, de fil en aiguille, nous avons été sollicités pour des journées de formation, lesquelles consistent tout simplement à exposer dans un élevage comment nous réalisons ce dressage sur notre exploitation. »

10 % d’animaux rebelles

D’après ce qu’ils ont observé chez eux et qui se retrouve dans la plupart des élevages qui mettent en œuvre cette méthode, environ 60 % des bovins marchent en corde après une quinzaine de minutes d’apprentissage. 30 % sont plus coriaces et demandent une trentaine de minutes avec parfois la nécessité de s’y reprendre à deux fois et en répétant le lendemain ce qui s’est passé la veille et environ 10 % sont véritablement rebelles à toute contrainte. Autant d’animaux pour lesquels la plus sage décision est de les orienter au plus tôt vers l’engraissement. L’idéal est ensuite bien entendu de faire de temps à autre une « piqûre de rappel ». Puis une fois adulte, les automatismes reviennent rapidement.

 

 

Quels que soient le cheptel et sa race, on retrouve à peu près toujours ces mêmes proportions, lesquelles ne sont valables que pour des troupeaux allaitants. Quelques rares formations ont été organisées avec des génisses laitières mais l’approche est alors plus compliquée dans la mesure où en laitier, il n’y a pas cette période clé du sevrage. Attention aux problèmes de vision. Certains animaux ont une meilleure acuité visuelle que d’autres et un animal qui voit mal aura tendance à être plus craintif et imprévisible dans la mesure où il découvre les hypothétiques dangers au dernier moment. Un peu à l’image des chevaux, avant leur domestication par l’homme, les bovins étaient des proies. Ils entraient dans la catégorie des animaux prédatés et non des prédateurs. Et face à un danger, la meilleure des défenses restait la fuite. Il en reste quelque chose chez les bovins domestiques, qui après tout ne sont que les lointains descendants de leur ancêtre auroch.

Du temps et des kilomètres

« Ces journées de formation représentent pour nous du temps et des kilomètres. Mais cela nous a aussi fait connaître pas mal de monde et c’est toujours intéressant de sortir de chez soi et d’aller voir comment travaillent les éleveurs dans des départements éloignés du sien. Ce sont d’abord des journées de partage et d’échange. » À l’inverse de la MSA, les différents instituts techniques ne les ont jamais approchés. « Mais pour nous le principal est d’avoir permis à d’autres éleveurs d’obtenir des résultats. »

Le public de ces formations

Ces formations se déroulent sur une journée. Elles attirent un public d’éleveurs pour lesquels il n’existe pas de profil type. La force physique des participants peut être un atout. Mais même si le conducteur de bovin gagne à ne pas avoir un format de jockey, la plupart des participants obtiennent des résultats. « Les éleveurs taillés comme des rugbymen misent souvent trop sur leur force physique. Nous avons parfois jusqu’à 20 % de femmes dans les participants. Elles font souvent davantage usage de tacts et tendent à suivre avec méthode et application ce que nous préconisons. »

 

Marc Dudrut, conseiller spécialisé Bovins croissance-contention à la chambre d’agriculture de la Creuse

"La méthode donne des résultats et c’est l’essentiel"

Quel est votre ressenti après avoir assisté à plusieurs formations conduites par Michel et Benoît Souvignet ?

On rencontre souvent des éleveurs qui ont de l’appréhension pour aller au contact de leurs animaux. Les protocoles appliqués par Michel et Benoît Souvignet et mis en avant au cours de leurs formations sont à cet égard extrêmement intéressants. Côté manipulation et contention, il y a des connaissances à avoir. J’ai organisé plusieurs formations basées sur leur méthode. Le fait d‘y associer en amont une formation sur le comportement animal, la perception des sens, la relation homme-animal et les périodes privilégiées pour la prise de contact permet aux éleveurs de mieux comprendre et de prévoir les réactions instinctives des animaux. Il est important d’insister sur les délais à respecter entre la date effective de la séparation des veaux d’avec leur mère et la date du dressage à proprement parler.

Quels sont leurs points forts ?

À côté de son côté très « animalier », un point fort de Benoît Souvignet est certainement son sens aigu de l’observation pour analyser le comportement d’un bovin, anticiper ses réactions et juger de ce qu’il sera possible ou non de mettre en place avec lui. Cette méthode peut paraître empirique, mais bien au contraire elle est faite d’observations et d’analyses de la part de ses auteurs. Ils ont su construire avec leur savoir une formation accessible et transmissible aux autres éleveurs. Elle donne des résultats et c’est l’essentiel. Les Souvignet père et fils sont bons pédagogues. Dans leurs formations, ils savent intéresser leur auditoire avec des propos très concrets. Les participants ont souvent une appréhension en début de formation mais repartent généralement satisfaits de ce qu’ils ont appris. Après, tous les éleveurs qu’ils ont formés ne mettent pas forcément en pratique sur leurs élevages ce qu’ils ont appris. Ce travail peut être complété par de nombreuses lectures. Il y a une abondante bibliographie sur ces sujets.

Peut-elle s’envisager pour des bovins adultes ?

À la demande de certains éleveurs, j’utilise également les grands principes qu’ils mettent en avant pour dresser des animaux plus âgés qui ont largement franchi le cap de l’âge préconisé : jeunes taureaux reproducteurs d’un peu plus un an, femelles destinées à être commercialisées lors de ventes aux enchères sur des concours d’animaux de boucherie. Sur ces bovins, la méthode fonctionne. Il faut l’adapter pour que l’animal nous accepte. Le premier jour d’attache est très important car la prise de contact "au creux de l’épaule" doit amener au bovin un confort qu’il identifiera au manipulateur. Je n’ai pas connu d’échec… pour l’instant mais je laisse les animaux difficiles qui pourraient être dangereux pour moi-même ou pour les autres. Je ne suis pas un dompteur dans une cage !

Petit aperçu de la méthode

Le contenu de ces journées de dressage peut être pris en charge par Vivéa.

Les grands principes de cette méthode sont expliqués, à savoir : respect de la corde, respect de l’homme et apprentissage de la marche. À côté de quelques rappels théoriques, il s’agit d’abord de permettre aux participants de procéder à des « travaux pratiques » en dressant un animal avec les conseils des deux « maîtres d’école ». Organisées dans un élevage, ces formations sont le plus souvent limitées à une quinzaine de participants. « C’est le bon chiffre pour bien prendre le temps de discuter avec chacun d’entre eux et qu’ils puissent travailler à tour de rôle sur un animal. On n’apprend pas en regardant les autres. Il faut réellement mettre la main à la pâte », souligne Benoît Souvignet.

Les bovins utilisés pour ces formations sont le plus souvent un lot de laitonnes non triées au préalable et sevrées depuis moins de 15 jours en évitant d’intervenir au cours des trois à quatre jours qui suivent la séparation effective d’avec les mères. Ce stade est le plus opportun. Il correspond à une période où les animaux ont perdu certains repères et sont davantage en mesure d’en assimiler de nouveaux. Les animaux doivent avoir été attachés la veille et l’avant-veille de la formation au cours de deux séances d’une huitaine d’heures chacune, avec un licol correctement posé et une longueur de corde suffisante depuis le point d’attache. Le jour de la séance cela permet de travailler sur des animaux qui ont déjà acquis cette notion du respect de la corde. Ils sont en mesure de rester attachés en ayant compris que cela ne sert à rien de tirer au renard.

Pas de cordes 100 % nylon

Pour pouvoir travailler, il est nécessaire d’avoir un couloir de 3 mètres de large et un parc de marche. « Dans la plupart des stabulations, quitte à repositionner quelques barrières on arrive à avoir ce qui nous convient. » La journée commence par une présentation de la méthode. « On vérifie que tous les participants savent poser correctement un licol en corde. C’est le plus pratique et le moins coûteux à condition d’avoir une corde suffisamment longue (au moins 3,5 m). Un licol en corde se plaque contre la tête. Un licol en cuir glisse, à tendance à tourner sur le poil avec une perte financière plus importante s’il vient à casser !" Attention aux cordes 100 % nylon. Elles risquent de brûler à la fois la peau de l’animal et la paume de la main de l’éleveur.

"Puis on dresse deux génisses devant les participants et on rentre très vite dans le vif du sujet en faisant travailler les éleveurs par binôme." Le casse-croûte du midi est l’occasion de délier toutes les langues et on poursuit l’après-midi. L’objectif est que chacun des membres du binôme ait pu faire tourner à tour de rôle sa génisse puis tous les animaux dans un ring comme ce qui se passe dans un concours avec des animaux calmes et aux ordres pour en fin d’après-midi les aligner en une belle brochette.

 

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