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La conduite positive du bovin par Pauline Garcia

Pauline Garcia, éleveuse de 130 Salers dans le Cantal et comportementaliste animalière, applique sur le terrain des résultats de recherche et propose des formations. Elle pratique une approche qu’elle définit comme « la conduite positive du bovin » dans le but d’obtenir un troupeau calme et coopératif.

Pauline Garcia élève 130 Salers dans le Cantal. Elle propose des formations et des conseils sur le terrain ou en ligne (conseils à l’heure). © Etho-diversité
Pauline Garcia élève 130 Salers dans le Cantal. Elle propose des formations et des conseils sur le terrain ou en ligne (conseils à l’heure).
© Etho-diversité

 

 

« Les interactions perçues négativement par les bovins et qu’il faut faire sont nombreuses — les soins divers, une piqûre ou l’application d’un spray, le bouclage du veau, le blocage au cornadis, le passage dans un couloir… — sans parler de l’intervention des personnes extérieures comme le vétérinaire ou l’inséminateur. Il faut préparer les animaux à cela », expliquait Pauline Garcia lors d’un webinaire gratuit organisé par Vétoquinol en décembre 2020. « Et les préparer consiste à diluer les interactions 'négatives' dans les interactions 'positives'. »

Pour elle, ce n’est pas parce qu’on a à s’occuper d’un grand nombre d’animaux qu’on ne peut pas mettre en place certaines pratiques. « Dites-vous bien que vous êtes observés en permanence. Quand vous interagissez avec une vache, il y en a dix qui regardent et enregistrent ce qu’il se passe, le positif comme le négatif. C’est ce qu’on appelle la contagion émotionnelle. »

Trois cartes à jouer à l’instant t

« Avant toute chose, il faut comprendre que toute vache a dans sa tête un 'compte confiance'. » C’est la confiance qu’elle accorde à l’humain qui est au quotidien à ses côtés. Il s’agit de garder ce compte dans le positif, et si possible à un niveau élevé. « Ce sont les pratiques relationnelles faites au bon moment et régulièrement qui rechargent le 'compte confiance'. Et l’éleveur a trois cartes à jouer pour ceci ». La première est la carte aliment. « C’est un pouvoir qu’on a entre les mains. » On peut en donner dans un seau ou à la main, mais il faut éviter l’excitation et c’est souvent ce qui se produit quand les vaches voient leur éleveur avec un seau. Pauline Garcia conseille de s’équiper d’un sac banane qui permet de garder les mains libres et d’avoir toujours sur soi un peu de nourriture. L’aliment doit être donné quand l’animal s’est bien comporté.

Lire aussi : Comprendre les profils de dominant et de subordonné dans un lot de bovins

La deuxième carte que l’éleveur a à jouer est le grattage. Si le bovin est très tactile, le grattage par l’humain n’est pas inné et représente une habitude à instaurer dès le plus jeune âge. Gratter sur les points d’apaisement — à la base du garrot ou de la queue — est une récompense pour l’animal. Pauline Garcia utilise des gants à picots (du style gants de pansage pour chevaux) qui augmentent l’effet. La « carte grattage » elle aussi est à utiliser quand l’animal s’est bien comporté. Il y a souvent dans un lot celle qui insiste d’une manière plus ou moins brutale pour avoir du grattage dès que l’éleveur arrive. Il ne faut pas le lui donner à ce moment-là, pour ne pas renforcer ce comportement brutal, mais la faire reculer (video youtube) et attendre qu’elle soit calme pour la gratter.

Et la troisième carte est de savoir relâcher la pression quand elle devient trop forte pour la vache. C’est tout simplement savoir reculer, ralentir, ou attendre, dès que l’animal a des postures de vigilance, avec la tête très haute et se met à souffler.

L’éleveur doit être le chef d’équipe

Il s’agit alors d’être malin pour jouer au bon moment l’une ou l’autre ou les trois cartes positives. L’éleveur doit être le chef d’équipe, et être attractif pour les bovins. « Ils ont une riche vie sociale entre eux, et ils ont tout ce dont ils ont besoin avec de la nourriture, des supports de grattage, un abri… pourquoi s’intéresseraient-ils à l’homme ? » Pauline Garcia conseille de pratiquer sans modération la « visite positive gratuite ». Tout éleveur va voir ses animaux tous les jours. « Il faut tester notre présence, au pré comme en bâtiment. Est-elle un élément perturbateur ou pas, est-ce que ça fuit… » Pauline Garcia préconise de circuler au milieu des animaux avec des gestes souples, une allure lente, une voix posée. Puis de faire une pause et interagir avec quelques animaux, qu’ils nous portent de l’intérêt visuel ou pas.

Lire aussi : Le numérique peut-il aider à gérer le bien-être animal ?

Avec les bonnes cartes, on peut diluer au maximum les interactions désagréables. Le cas typique est la prophylaxie. Il faut aller vite, la vache a la tête bloquée, elle ne voit pas le vétérinaire qui se place souvent dans la zone d’angle mort derrière elle et elle ne connaît pas sa voix ni ses vêtements. « Le vétérinaire peut se mettre légèrement de côté pour que la vache puisse le voir ; si l’éleveur parle avec le vétérinaire de choses et d’autres, respire, cela détourne un peu l’attention des animaux et les aide à se détendre, explique Pauline Garcia. Quand le véto retire la seringue, on gratte le long du cou (s’ils y sont habitués) et donne un peu d’aliment à chaque animal. Certains sont quand même plus stressés que d’autres mais il faut continuer. Et quand le professionnel s’en va, on reste seul avec le troupeau, on circule au milieu du troupeau et interagit avec deux ou trois vaches, on donne un peu d’aliment et on s’en va dans le calme. Le compte confiance remonte alors dans le vert. » L’erreur serait de redonner la liberté et de s’en aller. Dans ce cas, les bovins apprennent que pour gagner la liberté, il faut s’agiter.

S’adapter au profil de la vache

« On a l’habitude dans nos fermes de faire du général avec toutes les vaches. On peut faire ça, mais il y a toujours des différences de comportement dans un lot. Sans faire du cas par cas, si on ajuste notre abord, on pourra avoir des réponses comportementales plus justes, moins de conflit et un meilleur 'compte confiance' avec les animaux. »

Ceci exige une certaine implication de l’éleveur et une remise en question de ses comportements. Souvent, c’est son équilibre émotionnel à lui qui se dévoile, et ce n’est pas toujours agréable. L’animal agit en miroir. « L’humain doit être stable et sécurisant quand il interagit avec ses animaux. Il ne doit être ni autoritaire, ni agressif, explique Pauline Garcia. S’occuper de ses animaux en pleine conscience, c’est-à-dire tout simplement penser à ce qu’on est en train de faire quand on est en train de le faire, se mettre au rythme de l’animal, ça change tout. La vache, elle, est toujours très attentive quand on s’occupe d’elle. » Certains éleveurs vont alors renouveler leur façon de travailler et y trouver une nouvelle richesse, certainement une source d’épanouissement.

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