« La lithothérapie me permet de diminuer mon nombre de traitements dans les vignes »
Jean-Christophe Delavenne, viticulteur champenois bio, expérimente la lithothérapie depuis quatre ans. Il n’y voit pratiquement que des avantages. Reportage.

De l’eau, des pierres, un pulvérisateur. Il n’en faut pas plus pour que la lithothérapie, ou l’« utilisation des pierres pour leurs propriétés thérapeutiques supposées », selon le dictionnaire Le Robert, puisse s’appliquer à la vigne. Mais quel est son intérêt ? C’est ce que nous avons voulu savoir en allant à la rencontre de Jean-Christophe Delavenne, vigneron champenois installé à Bouzy, dans la Marne. Il teste cette pratique depuis 2021, suite à l’échec de sa protection phytosanitaire cette même année. « J’étais en cours de certification bio, se remémore-t-il. Il avait beaucoup plu, j’étais perdu. Je n’arrivais pas à traiter partout et à tenir les cadences avec le cuivre. Sur une parcelle, à Fontaine-sur-Ay, il n’y avait plus un raisin. » Il faut dire que les parcelles du domaine sont très morcelées (75 unités) et réparties sur 60 km.
Au milieu de cette campagne ardue, sa réflexologue l’a appelé, et lui a proposé de travailler avec des élixirs de pierres et de minéraux. C’était en juin. « J’ai décidé de faire un essai sur la parcelle de 70 ares où toutes les grappes avaient été détruites par le mildiou, vu que je ne risquais plus rien », témoigne-t-il. Le 18 juillet, il a découpé sa parcelle en deux. Il a laissé une partie en témoin. Sur l’autre, il est passé avec son pulvérisateur habituel et a traité la vigne avec un mélange d’eau de son puits et « d’élixir » de pierres de fluorite, à raison de 200 l/ha, l’élixir étant dosé à 250 à 300 ml/ha. Le tout, à sa vitesse habituelle. Le choix de la pierre a été effectué par sa réflexologue-lithothérapeute, pour ses propriétés « dynamisantes ». « C’est une pierre qui fait monter les plantes vers le soleil, qui leur donne de l’énergie, résume le vigneron. C’est comme quand nous prenons de la vitamine C. »
Des grappes réapparues sur des chardonnays ravagés par le mildiou
Il est retourné dans sa parcelle 15 jours plus tard, le 1er août. Et ô surprise, la vigne traitée était très différente de la témoin. « Les chardonnays en lithothérapie avaient beaucoup plus poussé que les autres, indique Jean-Christophe Delavenne. Et en haut, des grappes de raisin étaient apparues. C’est un phénomène qui ne se produit jamais sur ce cépage. » S’il n’a pas conservé ces inflorescences afin de ne pas épuiser la vigne, il a néanmoins été séduit par l’apport des pierres. Il a décidé d’étendre le test et a regardé leur impact sur ses pinots noirs, à Bouzy. Là aussi, il a observé un gain net : « les grappes étaient belles, sans pourriture et le raisin de qualité, relate-t-il. La lithothérapie a amené quelque chose en plus. »
Depuis 2022, il continue à tester ces « élixirs de minéraux », afin de mettre au point un programme venant en appui de ses traitements classiques à base de cuivre et de soufre. Chaque pierre ou minéral a son rôle. Ainsi, par exemple, la tourmaline éloigne les insectes, quand le quartz soufré ou l’ambre luttent contre l’oïdium. Le silicium fait briller le feuillage et permet à la vigne de mieux résister au mildiou et à l’oïdium ; l’agate mousse envoie un message de bien être, de rééquilibrage. Le quartz rose aide la vigne à résister au stress hydrique alors que le quartz rubis permet d’obtenir des raisins plus goûtus.
Au moins cinq passages préventifs par campagne
Le vigneron estime que dans l’idéal, il faudrait réaliser six passages par campagne, tous en préventif, la plupart avant la fleur. « Mais en 2024, j’en ai fait dix », nuance-t-il. Selon les conditions météo et la pression maladie, il passe ces produits seuls ou mélangés à la bouillie de cuivre ou de soufre.
Le premier « traitement » se déroule seul, vers la mi-mars. Jean-Christophe Delavenne passe sur tous les contours de ses parcelles et à l’intérieur, avec de la tourmaline noire, « pour un travail du sol ». Cela lui prend deux à trois jours pour la totalité de son parcellaire, avec un volume par hectare de 400 litres. « Il faut que le végétal prenne une bonne douche, insiste-t-il. Je passe en jet projeté avec des jets à 180° qui se croisent. » Il mène six routes à la fois, ce qui fait qu’il peut couvrir un peu plus de deux hectares avec son pulvé de 900 litres.
Une diminution du nombre de traitements classiques jusqu’à 50 %
Ensuite, il réalise un second passage lors du réveil végétatif, avec des minéraux « généralistes » comme de l’agate mousse et de l’ambre. Puis il effectue trois passages avant fleur, à 10-15 jours d’intervalle, avec de la fluorite, de l’ambre, du cuivre et du soufre, pour dynamiser la vigne et l’aider à résister au mildiou et à l’oïdium. En post-fleur, place à l’élixir « météo ». Selon la campagne, il peut par exemple passer du quartz rose contre les brûlures ou de la calcite verte contre la déshydratation. Enfin, au début de la véraison, il pulvérise du quartz rose et rubis, pour favoriser des raisins « subtils ».
Il apprécie la lithothérapie pour sa facilité d’usage, l’innocuité des produits et le fait que cela rajoute des « cartouches » dans la lutte contre les maladies. Il trouve que les raisins sont plus beaux, la vigne plus en forme. « Cela rééquilibre la vigne avec son terrain, je ne ferais plus sans », explique-t-il. La lithothérapie intéresse également beaucoup ses clients, à qui il en parle systématiquement. « Ils adorent cette philosophie, surtout à l’étranger », rapporte-t-il.
Cette technique a néanmoins quelques inconvénients. Si elle permet de diminuer le nombre de traitements classiques, parfois jusqu’à 50 % comme en 2023, elle coûte plus cher que de ne passer qu’avec du cuivre ou du soufre, les produits étant plus onéreux. Par ailleurs, son fournisseur est à présent dans l’Aude, ce qui fait qu’il est « dépendant » du sourcing et ne dispose pas toujours des produits au moment idoine.
repères
Champagne Delavenne
Surface 12 hectares
Parcellaire très morcelé : 75 parcelles
Encépagement chardonnay, pinot noir et un peu de pinot blanc
Type de sol argilo-calcaire
Dénomination AOP champagne et coteaux champenois
Certification bio
Production annuelle entre 65 000 et 70 000 cols
Circuits de commercialisation une partie négoce, et pour le reste : 70 % à l’export (21 pays) et 30 % en France, auprès d’une clientèle particulière, de cavistes et restaurateurs
Douze infusions aux propriétés diverses
Les élixirs de cristaux et eaux de gemmes employés en lithothérapie se présentent sous forme liquide. Les premiers contiennent des eaux de gemmes, de l’eau de source et de l’alcool biologique. Certains peuvent aussi contenir des huiles essentielles, à l’instar de l’élixir de calcite verte qui est mélangé avec de l’huile essentielle de menthe poivrée. Les eaux de gemmes, pour leur part, sont constituées d’eau pure dans laquelle on a fait infuser les cristaux afin de transmettre leurs propriétés.
Douze infusions de roches sont au catalogue de Valérie Descamps, de l’entreprise Se protéger par les plantes, où se fournit Jean-Christophe Delavenne : élixirs d’agate mousse, d’ambre, de calcite verte, de chrysoprase, de cuivre, de fluorite, de quartz rose, de quartz rubis, de quartz soufré, de silicium, de soufre natif et de tourmaline noire. Ces élixirs sont commercialisés dans des flacons de 200 à 1 000 ml, ces derniers valant 270 euros la bouteille. « Mais ce n’est qu’un prix informatif, nuance Valérie Descamps. Le tarif est sur devis, selon le travail que le viticulteur souhaite accomplir, sa philosophie (puriste, appoint, complément à la biodynamie), etc. Ces élixirs reviennent environ au même prix que des infusions ou des tisanes, soit 200 euros le litre. » Ils s’emploient en pulvérisation, mélangés à de l’eau de source ou de l’eau de pluie.