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Vinification : « Le vin protégé avec Chestwine apparaît plus fruité »

Dmitry Khlopin, viticulteur au Domaine Thet, se dit satisfait de sa première utilisation du Chestwine, un antioxydant à base de fleurs de châtaigniers. Un levier pour réduire le masquage aromatique engendré par le SO2.

<em class="placeholder">Julia Anashkova et Dmitry Khlopin, du domaine Thet, dans le chai de vinification.</em>
Iuliia Anashkova et Dmitry Khlopin ont testé le produit œnologique Chestwine sur un lot de 6 hl de chenin dans une cuve ovoïde.
© X. Delbecque

Se passer de SO2 ? C’est une idée qui séduit de nombreux vignerons, dont Dmitry Khlopin, installé à Montlouis-sur-Loire, dans le département de l’Indre-et-Loire. Quand il a eu connaissance du tout nouveau produit œnologique Chestwine, il n’a pas vraiment hésité avant de lancer son premier test. Commercialisé en tant que tanin ellagique, cet intrant est composé de fleurs de châtaigniers et représente un potentiel substitut aux sulfites grâce à ses propriétés antioxydantes (voir encadré).

Lors des vendanges 2024, Dmitry Khlopin et son apprentie Iuliia Anashkova ont séparé une presse de chenin en deux lots de 6 hl : l’un destiné à un itinéraire classique avec emploi raisonné de SO2, l’autre étant appelé à n’être protégé qu’avec le Chestwine. Le premier a donc reçu 2 g/hl de sulfites en sortie de pressoir, le second 30 g/hl de fleurs de châtaigniers. « Le produit se présente sous la forme d’une poudre brune très fine ayant une légère odeur de boisé, que l’on dilue dans l’eau, témoigne Iuliia Anashkova. Il colle aux doigts et n’est pas très facile à délayer, mais comme peut l’être la protéine de pois, par exemple. » Ils ont suivi le protocole préconisé par la firme pour l’employer : dissolution dans environ 4 litres de moût, homogénéisation de la solution, ajout au reste du lot, puis remuage pour assurer une distribution homogène du produit dans l’ensemble du moût.

Un vin plus ouvert et des notes plus tropicales

La première surprise de l’apprentie fut de constater que la couleur du moût avait notablement changé sur le coup. « Mais elle revient heureusement à la normale petit à petit », rassure-t-elle. La fermentation alcoolique (FA) s’est déroulée dans des cuves ovoïdes en polyéthylène et a montré deux cinétiques différentes, sans que l’on puisse véritablement prouver l’effet des tanins (modalité plus lente). D’un point de vue sensoriel, les deux vinificateurs ont relevé des contrastes entre les deux cuvées dès la fin de la FA. « Les arômes du vin ayant reçu le SO2 tiraient vers la groseille, alors que l’autre avait des notes beaucoup plus tropicales, relate Dmitry Khlopin. La modalité Chestwine était également moins fermée et moins fermentaire. » À l’issue de la FA, l’alternante a protégé le vin nouveau avec 2 g/hl de SO2 d’un côté, 20 g/hl de Chestwine de l’autre. La volatile était alors, respectivement, à 0,35 et 0,37 g H2SO4/l.

Lors de l’analyse de suivi en mars, la première modalité affichait un taux de SO2 total de 41 mg/l et un libre inférieur à 5 mg/l, alors qu’il n’était logiquement pas détecté dans la deuxième modalité. La volatile est montée à 0,36 g H2SO4/l pour le vin protégé par les sulfites et 0,42 g H2SO4 pour le produit à l’essai. « Mais il faut relever au passage que la modalité Chestwine a réalisé sa fermentation malo-lactique dans la foulée, contrairement à l’autre, précise Iuliia Anashkova. Je suis donc plutôt contente du résultat sur la volatile pour un vin non sulfité. » Gustativement, on retrouve toujours à ce stade le côté expressif du vin protégé avec le Chestwine et le côté plus fermé du vin ayant reçu des sulfites. « On ne distingue aucun faux goût, ni différence sur le toucher en bouche, et la couleur est finalement la même sur les deux lots », analyse Dmitry Khlopin. L’essai va se poursuivre jusqu’à la mise en bouteille avec un troisième apport, de SO2 d’un côté, de Chestwine de l’autre.

Le coût annoncé est très supérieur à celui des sulfites

En parallèle, le vigneron garde un œil sur une autre expérimentation, où il a combiné sur une cuvée de grolleau un apport de SO2 à la vendange avec un apport de Chestwine après FA. « C’est davantage en ce sens que j’imagine l’utilité du produit, avoue Dmitry Khlopin. Depuis toujours j’essaie de faire le minimum d’intervention sur mes vins et d’employer le moins de sulfites possible, mais sans tomber dans le dogme. Chestwine pourrait m’aider à baisser encore les doses, qui sont déjà faibles, en toute sécurité. D’autant plus que le chenin est fragile en vinification. » Une association d’autant plus pertinente que l’action antiseptique des fleurs de châtaigniers lui semble plus limitée que celle du SO2. Et que le Chestwine est un produit beaucoup plus onéreux que les sulfites. La firme parle en coût additionnel à la bouteille, qu’elle estime à 0,27 euro pour les rouges, 0,35 euro pour les rosés et 0,55 euro pour les blancs, pour un itinéraire d’apports en trois étapes aux doses préconisées.

repères

Domaine Thet

Dénominations AOC montlouis-sur-loire sec et méthode traditionnelle, vin de France

Superficie 10 hectares

Effectifs 2 salariés + saisonniers (taille, ébourgeonnage, vendanges)

Cépages chenin (90 %), grolleau, pineau d’aunis, sauvignon blanc, cabernets franc et sauvignon

Certification Troisième année de conversion AB

Production moyenne 20 000 bouteilles/an

Commercialisation export (60 %), cavistes, CHR et vente directe

Une solution issue de travaux universitaires portugais

<em class="placeholder">Produit Chestwine à base de fleurs de châtaigniers.</em>
Le produit Chestwine se présente sous la forme d'une poudre brune à l'odeur faible. © X. Delbecque
Le produit Chestwine est le fruit de recherches menées à l’université de Bragança, au Portugal, depuis plus de quinze ans. La jeune firme qui le commercialise, Tree Flowers Solutions, est d’ailleurs la toute première entreprise dérivée de l’université, et compte dans ses effectifs les enseignants-chercheurs ayant lancé les travaux.

Chestwine est élaboré à partir de fleurs mâles de châtaigniers, ramassées manuellement une fois tombées dans les châtaigneraies bio de la région. « D’où le coût élevé du produit », commente Jean-David Ortega, en charge du développement commercial en France. L’entreprise revendique une forte réactivité de ce composé face à l’oxygène dissous et des vertus chélatrices élevées permettant de capturer les radicaux libres. Les recherches se poursuivent afin de caractériser de potentiels effets sur les levures Brettanomyces ou encore sur la fermentation malo-lactique. L’usine, ouverte en 2024, affiche encore une faible production mais devrait très rapidement augmenter sa capacité.

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