Volailles : les menaces de l’enfermement systématique
Hier, en attendant la déclaration officielle des mesures supplémentaires de prévention contre l'influenza aviaire, le monde avicole redoutait l'extension de l'enfermement à l'ensemble du territoire métropolitain et son renforcement. Crainte renforcée par le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, selon qui Jacques Chirac avait jugé en conseil des ministres « essentiel de renforcer immédiatement les mesures prises pour protéger nos élevages et prévenir un risque de pandémie».
De son côté, le ministre de l'Agriculture Dominique Bussereau avait expliqué dimanche qu'il proposerait « une mesure plus large de confinement» au cas où l'estimation de l'Afssa « devait montrer que l'on passe à un stade supérieur». L'Afssa a effectivement révisé son avis sur l'enfermement en estimant qu'il doit s'étendre sur tout le territoire quand cela est « possible ». De plus, le ministre avait confié à plusieurs responsables, au cours des dernières semaines, qu'une mesure de confinement généralisé en Allemagne entraînerait immédiatement la même en France.
Les dispositions préventives et l'enfermement se multiplient en Europe : en Allemagne, où l'enfermement général débutera le 20 février, dans les pays scandinaves ainsi qu'en Belgique, en Suisse et en République tchèque. En Belgique, l'enfermement concernera aussi, à partir du 1er mars, les éleveurs amateurs situés dans « zones sensibles ».
En République tchèque, le Comité central des infections, organe gouvernemental, demande, outre l'enfermement des élevages professionnels, l'interdiction de transporter des oiseaux sur les marchés ou les expositions (interdiction qui avait expiré en décembre). Le ministre de l'Agriculture Jan Mladek a appelé « tous les citoyens qui élèvent des oiseaux» à appliquer les mesures de consigne et de vigilance.
En France, le durcissement de la prévention pourrait donner le coup de grâce aux petits marchés de volailles vivantes. Gilles Rousseau, président de la fédération des marchés de bétail vif, ne donne pas cher de la survie de ce commerce rural qui survit en marge des grands circuits intégrés. Certains de ces marchés se tiennent en même temps que les marchés aux bestiaux, comme sur le sien, aux Hérolles, dans la Vienne. Aujourd'hui, le marché aux volailles vivantes des Hérolles tourne au ralenti avec des oiseaux venant des départements à risque limité de contamination par les oiseaux migrateurs.
Les marchés au vivant sans défense
Si la zone de protection spéciale s'étend à tout le territoire métropolitain, les quelques vendeurs présents ne viendront plus. Chaque département compte ordinairement deux ou trois de ces marchés, qui mettent de l'ambiance sur les marchés aux bestiaux (celui des Hérolles fait venir jusqu'à 3 000 personnes chaque mois) et participent à la vitalité des campagnes.
Ceux de Château-Gontier et de Bourg-en-Bresse sont parmi les plus importants. On y vend notamment des poussins, des poules pondeuses et d'autres volailles démarrées à destination des basses-cours privées et à l'usage d'autoconsommation. Cette activité fait vivre des petits éleveurs, dont certains ont deux ou trois salariés, mais Gilles Rousseau ne saurait dire combien ils sont. Sans organisation représentative, ils n'ont aucun moyen de défense face aux autorités sanitaires et agricoles.
A ce jour, quatre États membres de l'Union européenne sont directement touchés par des cas d'oiseaux sauvages porteurs du H5N1 : la Grèce et l'Italie depuis la semaine dernière, l'Autriche et l'Allemagne depuis mardi. Un virus H5 a été détecté en Slovénie. Dans tous ces pays, les mesures préconisées par la Commission ont été appliquées immédiatement, avec la mise en place de deux niveaux de protection dans un rayon d'abord de 3 km puis de 10 km autour de l'endroit où un oiseau porteur du virus a été retrouvé. Selon un porte-parole de la commission, les experts de l'Union européenne ne devraient pas modifier substantiellement ce dispositif lors de leur réunion ce mercredi et jeudi.