Volaille : restitutions insuffisantes pour dégager le marché
Les Marchés : Le monde fait face à une épizootie d'influenza aviaire qui dure depuis 2003 et effraie les populations. Les pays importateurs de volailles décrètent-ils plus facilement des embargos que lors des précédents épisodes ?
Francis Ranc : Non, je n'en ai pas l'impression. Ils se conforment globalement aux règles de l'OIE (NDLR : Office international de la santé animale), qui sont en la matière assez précises.
LM : Il doit quand même y avoir un impact sur la consommation dans les pays importateurs.
F.R. : Dans un certain nombre de pays, il y a une diminution de la consommation liée aux craintes provoquées. On y assiste davantage dans les zones proches des foyers d'infection. Comme maintenant la Turquie est touchée, on commence à le ressentir au Proche et Moyen-Orient ; ça se fait au détriment des exportations françaises.
LM : Quel est l'impact de l'influenza aviaire actuelle sur les flux commerciaux asiatiques ?
F.R. : On peut dire deux choses. Le Japon était un gros importateur qui avait l'habitude de s'approvisionner en Thaïlande et en Chine. Les Japonais se sont retournés pour l'essentiel vers les Brésiliens. Quant à la Thaïlande, du fait de l'embargo sur les produits frais, on assiste à un accroissement relativement important des exportations de poulet cuit, qui vont entre autres en Europe.
LM : Vers quels pays se tournent les consommateurs du continent asiatique dont les ressources régionales s'amenuisent ?
F.R. : On ne sent pas véritabelement une demande venant de l'intérieur des pays touchés. Les pays asiatiques, s'ils n'exportent plus, continuent à couvrir leurs besoins. Ça n'est pas un marché qui s'ouvre.
LM : S'il y avait un cas dans l'Union, perdrait-on des marchés ?
F.R. : Il faut se référer à 2003, quand les Pays-Bas ont été touchés par une influenza aviaire. On a tout à fait la possibilité sur les plans européen et français de localiser et circonscrire une éventuelle émergence de la maladie.
LM : Le marché mondial va-t-il pouvoir accueillir le poulet que les industriels ont dû congeler pour cause de méventes ?
F.R. : On attend de la Commission qu'elle réagisse. Cela fait de nombreux mois que les professionnels et gouvernements la poussent. Or, au comité de gestion d'aujourd'hui (avant-hier NDLR), la restitution n'a été augmentée que de 2 euros à 26 euros. C'est grandement insuffisant. On espère bien que ce sera mieux le mois prochain. Du côté de l'accord du Gatt il n'y a aucune contrainte puisqu'on est très en dessous des volumes autorisés. Si la Commission veut se montrer attentive au secteur, elle a là une bonne occasion. Il s'agit simplement de s'aligner pour vendre en Russie et au Proche et Moyen-Orient, où se concentrent maintenant les exportations européennes.
LM : Les autres pays membres soutiennent-ils cette revendication ?
FR : Oui, l'Allemagne et l'Italie y sont favorables ; l'Italie particulièrement, qui a constitué d'importants stocks de viande congelée du fait de la crise.
LM : Les poulets label qui ont été congelés entiers pour cause de mévente s'exporteront-ils ?
FR : Ca va être très difficile, le marché export est un marché de petits poulets. Il n'attend pas ce type de produit.