Tout pour prévenir les mycotoxines
Les Marchés : Qui a porté ce programme et à quoi a-t-il mené ?
Catherine Peigney : C’était un programme titanesque associant 35 partenaires privés ou publics : Arvalis, Bayer, BASF Agro, Champagne Céréales, des instituts technologiques comme celui de la brasserie/malterie, des coopératives, des labos d’analyse, l’Inserm, l’université Paris Sud, la Fac de Bordeaux, l’ONIGC et, attendez que je compte, neuf entités de l’Inra. Les toxines de fusarium, spécifiques des céréales en milieux tempérés, on ne les connaissait pas vraiment.
Un certain nombre d’hypothèses se sont vérifiées : l’influence des précédents culturaux, les méthodes de culture ; des pratiques à éviter, comme semer une variété peu résistante à la fusariose, en semis direct, sans labour, après un précédent maïs. Le facteur climatique demeure extrêmement prépondérant et fait qu’il y ait des années à fusariotoxines. Jusqu’à présent, on considérait que l’unique stade délicat pour le blé était la floraison. On sait maintenant que des choses peuvent se passer ultérieurement. Les différentes souches ont été identifiées ainsi que leur écologie. Ce qui est bon pour la prévention. On en sait plus sur la façon dont les toxines migrent dans différentes parties de la plante ou du grain, comme le son, ce qui est intéressant pour l’industrie. On a découvert aussi que certains composants du blé, les polyphénols qui se trouvent à la périphérie du grain, sont des inhibiteurs, ce qui donne matière à la sélection variétale.
LM : La nouvelle réglementation, qui impose des seuils limites en alimentation humaine, et les conditions humides de la campagne écoulée ne risquent-t-elles pas de se traduire par de fortes doses de mycotoxines en alimentation animale ?
Catherine Peigney : cela pourrait être une conséquence logique, puisque les céréales livrées aux fabricants d’alimentation animale ne sont pas réglementées, mais simplement soumises à recommandations, sachant que les doses recommandées sont en général bien supérieures à celle de l’alimentation humaine. A la différence de l’ochratoxine sur les céréales, de l’aflatoxine sur les arachides par exemple et de la patuline sur la pomme, le DON n’est pas classé cancérigène ou génotoxique. On a mis en évidence que les animaux peuvent supporter des quantités plus élevées. Sauf le porc, mais on le savait déjà et sa croissance est très vite affectée par des doses élevées de DON.
LM : Quel travail reste à faire ? Un nouveau programme sera-t-il lancé ?
Catherine Peigney :Un programme de 35 partenaires, c’est très lourd à gérer et j’ai cru comprendre qu’il n’y a plus de financements publics type « RARE ». Les différents partenaires vont donc mener leurs recherches de leurs côtés selon les pistes dégagées. Les acteurs économiques des filières restent très demandeurs de tests rapides. Il y a des résultats encourageants dans cette direction. Les sélectionneurs ont des pistes de travail. Dans le cadre de l’Inra, des équipes se sont coordonnées et fédérées. Les labos ont du boulot pour dix ans. Ce programme a agi comme catalyseur.