TMS : comment faire face à l'épidémie
Moins dures au mal, les nouvelles générations ? Les mauvaises langues ne sont pas seules à le dire. Un colloque sur les Troubles musculosquelettiques (TMS), jeudi dernier à la fac de Guingamp, a plutôt confirmé le phénomène. « Des travailleurs de plus en plus jeunes sont touchés, et après un temps d'exposition de plus en plus court», a relevé le Dr Jacqueline Pagnier. Ces pathologies professionnelles sont d'une manière générale en hausse. Le «tableau 57», qui regroupe les plus fréquentes d'entre elles, a connu une progression moyenne de 22 % par an. L'agroalimentaire est le plus touché, avec un indice de fréquence supérieur à 10 pour 1 000 salariés.
Plusieurs facteurs contribuent à l'apparition des TMS. Ils peuvent être biomécaniques et liés à la répétitivité, à des amplitudes articulaires extrêmes, à des efforts trop intenses, à un travail en position statique ou de grande précision. Une récupération insuffisante est parfois en cause, avec pour origine le manque de pause, l'absence d'alternance de tâche, la monotonie, la durée de travail excessive. Dans son inventaire, le Dr Pagnier a inclus des facteurs psychosociaux. « Le climat dans l'entreprise est en grande partie révélateur de TMS», a-t-elle souligné. Le stress accroît la sensibilité à ces maladies. Des facteurs extra professionnels entrent aussi en jeu, comme l'âge, le sexe, l'hygiène de vie, les loisirs.
« Si les jeunes sont très touchés, c'est parce qu'on ne leur laisse pas le temps d'acquérir la gestuelle, a estimé Florent Arnaud, de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Cela renvoie au problème de la formation, de l'accompagnement, de la transmission des connaissances». Christian Meignan, de Kiné Ouest Prévention, a donné une autre explication. « Un test d'endurance montre que les jeunes ont perdu 40 % de résistance musculaire par rapport aux résultats de l'armée dans les années 80. Les modes de vie, les capacités physiologiques, les tailles ont changé».
Agir par petites touches
Un qui a su s'adapter, c’est Yves Fantou, à la tête d'une petite société bretonne de découpe et de conditionnement de viande. Le p-dg a même décroché un trophée régional Anact de la qualité de vie au travail. Sa recette : repenser toute l'organisation de la production, en y associant les salariés. « Il ne s'agit pas de faire une révolution, mais d'y aller par petites touches», a-t-il expliqué devant la salle. La Caisse régionale d'assurance maladie (Cram) est d'abord venue auditer l'entreprise.
Un de ses techniciens, Hervé Lainé, s'en souvient encore : « J'ai été très surpris de voir les bouchers transporter les carcasses sur le dos, des tables de travail trop petites, a-t-il témoigné. Pourtant, aucune maladie n'était signalée. Les aspects biomécaniques étaient mal maîtrisés, mais les facteurs psychosociaux, eux, étaient bons. Il régnait dans l'entreprise un esprit d'équipe». Le climat social ne se décrète pas. C'est une somme de petites choses. L'audit a mis en lumière une grande autonomie des bouchers, une gestion humaine des urgences de fabrication, une entraide au sein du personnel.
Une nouvelle gestion de production a été mise en place en conservant les acquis : aménagement des postes, système d'étiquettes à code barre véhiculant l'information, attribution automatique des pièces... Menée avec l'appui de l'Anact, cette démarche « d'abord économique au départ», a soulagé le travail des opérateurs et favorise aujourd'hui autonomie, polyvalence et esprit d'équipe. Avec comme résultat une productivité augmentée de 20 % et des retombées positives sur l'image et le recrutement.