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Chronique
Situation de la concurrence en Corse : l’Autorité publie son avis

L’Autorité de la concurrence vient de brosser un tableau intéressant sur la situation de la concurrence en Corse et préconise une dérogation spécifique au dispositif de relèvement de 10 % du seuil de revente à perte.

Didier Le Goff, avocat. © DR
Didier Le Goff, avocat.
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L’Autorité de la concurrence a rendu public le 17 novembre 2020 son avis no 20-A-11 relatif au niveau de concentration des marchés en Corse et de ses conséquences sur la concurrence locale. Cet avis avait été sollicité au mois de février 2019 par le ministre de l’Économie, afin d’éclairer les pouvoirs publics sur plusieurs questions de concurrence en lien avec le pouvoir d’achat des habitants. Dix-huit mois ont été nécessaires pour permettre à l’Autorité de brosser un tableau riche d’enseignements sur la situation de la concurrence en Corse et les causes structurelles des carences constatées.

Quatre secteurs d’activité ont été principalement examinés, qui concernent la desserte maritime de la Corse, la distribution des carburants, la gestion des déchets ménagers, et la distribution à dominante alimentaire qui retiendra particulièrement notre attention, étant précisé que l’Autorité a identifié des déficits de concurrence transversaux à ces secteurs.

Revenus faibles et prix élevés

L’avis précise que des pans entiers de l’économie sont affectés par ces déficits en raison de contraintes géographiques et économiques telles que la prépondérance de l’activité touristique dans l’économie locale. Pour ce qui concerne la distribution alimentaire, il est relevé que la Corse est l’une des régions où le revenu médian est le plus faible de France. La Corse bénéficie donc d’une TVA à taux réduit de 2,1 % sur l’alimentation humaine, contre 5,5 ou 20 % sur le continent, mais force est de constater que cet effort des pouvoirs public ne s’est pas traduit dans le prix final payé par le consommateur qui reste globalement plus élevé en Corse que sur le continent.

Surcoûts liés à l’insularité

Comme pour les carburants, l’une des raisons majeures tient à l’insularité de la Corse : les marchandises ne peuvent arriver que par bateau, ce qui allonge la chaîne logistique depuis les centrales du sud de la France et ne peut que renchérir le prix final. S’y ajoute une capacité de stockage limitée des magasins corses qui affecte doublement la distribution, d’une part, en imposant des livraisons maritimes fréquentes et, d’autre part, en ne permettant pas aux acteurs de la distribution locaux de bénéficier des mêmes remises que leurs concurrents continentaux, puisque les achats se font en plus petites quantités.

Pour affronter les pics de demande liés à la période estivale et à l’activité touristique, la densité commerciale des GMS à dominante alimentaire est plus importante d’environ un tiers en Corse que sur le continent, ce qui, bien entendu, induit des surcoûts spécifiques, notamment en immobilier ou en personnel. Enfin, sur certains bassins de vie, l’Autorité relève une concentration élevée pouvant atteindre 60 % de parts de marché pour un même opérateur, ce qui ne favorise évidemment pas les pratiques de prix bas, compte tenu d’un manque de concurrence structurel.

Dérogation à la loi Egalim

Dès lors, pour appréhender l'incidence du coût du transport sur un commerce local approvisionné exclusivement par la mer, l’Autorité recommande de prévoir pour la Corse une dérogation à l’interdiction de revente à perte et, à tout le moins, de prévoir une dérogation spécifique au dispositif de relèvement de 10 % de ce seuil, prévu par la loi Egalim de 2018. Il est vrai que, le SRP intégrant le coût du transport, le phénomène de cherté des prix ne peut qu’être amplifié par une majoration.

Une autre idée suggérée, non particulière au secteur de la distribution alimentaire, serait de permettre à l’Autorité de se saisir d’opérations de concentration qui, par leur taille, n’atteignent pas les seuils de contrôlabilité fixés par la loi, mais qui seraient quand même susceptibles de poser des problèmes de concurrence, en particulier lorsqu’elles conduisent à la prise de contrôle d’infrastructures essentielles. Une idée qui pourrait sembler séduisante sur le papier, mais difficile à mettre en œuvre, et qui conduit à se demander s’il ne serait pas préférable de repenser complètement les critères de contrôlabilité.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de 25 années dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire, parfums, fleurs et leurs produits dérivés : www.leschampsdudroit.fr.

24 bis, rue Greuze, 75116 Paris - www.dlegoff-avocat.fr

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