Sergent à cornet
J’apprends avec ravissement qu’un de mes lointains ancêtres était vers 1660 « sergent à cornet » de la forêt de Crécy. Il gérait un vaste domaine forestier, inspectait chemins et bornes, punissait le braconnage, organisait le panage et les coupes, les battues et les huées. C’était un homme des bois, mais pas un sauvage. Quand il venait rendre compte à son seigneur Louis-Joseph de Lorraine, comte de Ponthieu, on le priait de s’asseoir sur un banc. Il avait été nommé sergent après enquête de vie et de mœurs, savait lire et écrire, tenir un livre-journal, faire des rapports, déposer en juridiction. Jusque là, ça va, j’aurais presque pu postuler. Mais il lui était interdit de « boire avec les délinquants », ce qui m’arrive, parfois en le sachant et souvent sans le savoir, tant l’espèce est nombreuse. Puisque la famille est du coin, il me plait de penser qu’un mien parent a dû assister du pas de sa porte à la peignée infligée à Crécy en 1346 par le roi anglais Edouard III à cet imbécile de Philippe VI de Valois. N’est-il pas charmant d’être ainsi, par le cheminement de l’ADN familial, comme au balcon de l’Histoire ? N’empêche que mes gênes à moi, qui ont donc pourtant vu tout ce qu’ils ont déjà vu, sont quand même un peu étonnés de voir ce qu’ils voient aujourd’hui…