Semaine verte à Berlin - L’Allemagne face à la demande de changement
Une autre agriculture, une autre alimentation et une autre politique agricole… Des revendications qui, de l’autre côté du Rhin, font échos aux États généraux de l’alimentation.
l’équivalent du Salon
international de l’agriculture
à Paris, est un rendez-vous
majeur pour le monde agricole
et agroalimentaire allemand.
En Allemagne aussi la question est posée : comment l’agriculture peut-elle mieux prendre en compte l’environnement, le climat et le bien-être animal ? La Commission européenne argumente classiquement qu’il faut soutenir le revenu des agriculteurs par les aides directes, mais elle veut dans le même temps réorganiser les subventions dans un nouveau paquet environnemental. Aujourd’hui l’Allemagne consacre 4,5 % des aides directes aux critères environnementaux.
LA PRODUCTION DE VIANDE DEVRAIT ENCORE AUGMENTER
De nombreux ateliers se sont tenus dans le cadre de le Semaine verte à Berlin autour de la thématique « Que mangerons nous demain ?», avec pour toile de fond les initiatives de certaines start-up technologiques autour de la production de viande en laboratoire à partir de cellules-souches prélevées sur les animaux, d’œufs, de lait et de produits laitiers, de poissons… comme l’entreprise Perfect day dont le fondateur, Ryan Pandya, était présent à Berlin. Sa société, qui a conçu du lait dans un bioréacteur, va prochainement proposer des fromages, des glaces et des yaourts… Ou encore l’Insektburger (hamburger à la chair d’insectes) venu d’Asie, présenté pour la première fois en Allemagne et qui a attiré les foules. Sa création par la Bugfoundation a bénéficié du soutien technique du Deutscher Institut für Lebensmitteltechnik et… d’une subvention de l’Union européenne. « Les consommateurs européens acceptent majoritairement les algues et les insectes comme sources de protéines dans leur alimentation », appuie une étude révélée par Nestlé pour l’occasion. Mais comme nous ne sommes pas à une contradiction près, lors d’une conférence organisée avec le concours du ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture, en marge de la Semaine verte, sur le thème de l’évolution prévisible de la consommation de viande dans le monde, il a été prédit que, nonobstant tout le bruit fait autour de la croissance du nombre de végétariens et de végétaliens en Europe et, dans une certaine mesure, en Amérique du Nord, la production de viandes devrait encore augmenter de plus de 50 % d’ici 2050 pour satisfaire la demande. Le ministère fédéral a calculé que, sur la base des tendances actuelles, celle-ci passera de 300 millions de tonnes actuellement à 480 millions de tonnes en 2050.
DEVENIR COMMUNICANT POSITIF
Face à toutes ces questions, le DBV, syndicat majoritaire des exploitants agricoles allemands, a intitulé son séminaire laitier cette année: « Lait. Vache. - Où se trouve le bien-être/la prospérité de nos producteurs de lait ? « Le monde agricole doit garder son sang-froid mais, en même temps, s’organiser pour enfin devenir « communicant positif » et ne plus se cantonner dans un rôle de « défenseur plus ou moins agressif » », a souligné son président, Joachim Rukwied.
Si cette réflexion a nourri les plus intéressants des échanges, elle n’a pas pour autant éclipsé la problématique des relations laiteries-producteurs. « Les laiteries doivent trouver et travailler des marchés attractifs et générer plus de valorisation. Pour ce faire, producteurs et transformateurs devront adapter les structures de mises en marché et les clauses des contrats d’approvisionnement/collecte », tel était le message du président du DBV. Le secrétaire d’État au ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture, Hermann Onko Aeikens, a rajouté « qu’il faut des contrats entreprise par entreprise qui tiennent compte des spécificités de chacune d’entre elles ». Pour leur part, les pouvoirs publics allemands appellent de tous leurs vœux la création d’une interprofession laitière (au sens UE du terme) ou du moins d’une plateforme qui puisse au minimum récupérer les fonds disponibles à Bruxelles d’une part, être proactive dans le domaine de l’établissement de standards, normes et labels, que la multiplication des questionnements sociétaux va imposer, d’autre part… afin de mettre fin ou au moins de limiter le kidnapping actuel réalisé par les acteurs de la distribution. Ces derniers devraient faire partie de ladite interprofession ou plateforme.
À QUAND UNE INTERPROFESSION ?
Le représentant des enseignes de la distribution, Franz-Martin Rausch, a rappelé la proposition faite au DBV de créer une « plateforme commune lait et produits laitiers » pour examiner ensemble les sujets liés à la demande des consommateurs : bien-être animal, entravement des vaches laitières, glyphosate, OGM, pâturage, etc… « Nous attendons toujours une réponse », a-t-il regretté. Dans sa conclusion du séminaire, Karsten Schmal, vice-président du DBV, a constaté que la problématique des standards, normes, labels et assimilés est de plus en plus pesante et fait largement l’objet d’un hold-up de la part des enseignes de la distribution. Il a exhorté la distribution à ne pas faire monter les enchères via un activisme concurrentiel entre enseignes. « Ce que l’on demande aux producteurs doit être pertinent et pouvoir concrètement être mis en œuvre », a-t-il conclu. Lors de l’atelier organisé par le MIV (l’Atla allemand), Ingo Müller, directeur général de DMK, a suggéré au secteur de se positionner sur chaque item d’importance et d’arriver à dégager « le plus petit commun dénominateur » permettant à la filière de participer activement et efficacement au processus de prise de décision en matière de standards, normes, etc… et d’en recueillir les fruits, notamment en matière de valorisation.