Recommandations nutritionnelles : le chantier avance
L’actualisation des repères de consommations alimentaires par l’Anses va éclairer l’élaboration du prochain programme nutrition alimentation. Le rapport d’évaluation du précédent PNNS réalisé par l’Igas devrait aussi orienter les futures recommandations. Il reste pour l'instant confidentiel. Explications.
Alors que le dernier programme national nutrition santé (PNNS) ne courait que jusqu’en 2015, la perspective qu’un nouveau programme de santé publique sur l’alimentation voie le jour en 2017 s’éclaircit. Il s’agirait d’un programme unique interministériel, avec la Santé, l’Agriculture et l’Économie. Cette idée circulait depuis quelques mois, et a été confirmée par Benoît Vallet, le directeur général de la Santé, lors de la séance plénière d’installation du Conseil national de l’alimentation (CNA), le 17 janvier. Un premier pas vers l’élaboration de ce nouveau programme a été franchi avec la publication par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le 23 janvier, d’un avis relatif à l’actualisation des repères de consommations alimentaires pour la population française adulte. Prenant en compte des données scientifiques plus récentes – les derniers repères de l’Anses dataient de 2002 –, ils permettent « d’asseoir les objectifs de santé publique en lien avec l’alimentation », selon l’agence.
Mollo sur les charcuteries, franco sur les légumineuses…
Pour élaborer ces repères, l’Anses a utilisé un algorithme plus complexe, le Simplex. Il prend en compte les besoins nutritionnels de la population adulte ; la prévention des risques de maladies chroniques associées à la consommation de certains groupes d’aliments ; les consommations alimentaires habituelles, grâce à l’étude Inca 2 ; et les contaminants présents dans les aliments, via l’étude Eat 2. Il en résulte certaines évolutions importantes par rapport aux précédents repères. Ainsi, la place des légumineuses, qui ont été dissociées du groupe des féculents, a été renforcée. L’Anses préconise également de privilégier les produits céréaliers complets et les huiles végétales riches en acide alpha-linolénique (oméga 3) comme les huiles de colza et de noix. « Les consommations de fruits et légumes restent cruciales, et doivent être renforcées en privilégiant les légumes », souligne l’Anses.
Le sous-groupe des jus de fruits quitte d’ailleurs le groupe des fruits et légumes pour rejoindre celui des boissons sucrées, aux côtés des sodas. Sur les produits carnés, l’agence insiste sur la nécessité de réduire les charcuteries pour rester en dessous de 25 grammes par jour, et de maîtriser la consommation de viande, hors volaille, à moins de 500 grammes par semaine. Elle réaffirme l’intérêt d’une consommation bihebdomadaire de poissons, dont un gras.
…et statu quo sur les produits laitiers
Le comité d’experts spécialisés a indiqué dans le rapport qu’il n’a pas été en mesure de dégager des recommandations sur les produits laitiers, les quantités proposées par l’optimisation après prise en compte des contaminants étant nulle pour le lait et très fortement augmentées pour les produits laitiers frais nature et les fromages. L’Anses reste donc assez réservée dans ses positions. « Nous sommes proches des trois consommations quotidiennes correspondant aux précédentes recommandations », indiquait Charlotte Grastilleur, directrice adjointe de l’évaluation des risques, lors de la présentation de l’actualisation à la presse.
Rapport « top secret »
Le dossier est désormais entre les mains du Haut Conseil de la santé publique, qui doit donner ses recommandations sur la base de ces nouveaux repères. Santé publique France, l’agence nationale de santé publique née de l’union de l’InVS, l’Inpes et l’Eprus, aura pour sa part la charge de l’élaboration des messages. Le nouveau plan s’appuiera également sur le rapport d’évaluation du précédent PNNS, réalisé par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et achevé en juillet dernier. Il doit être rendu public, mais reste pour le moment bien gardé. « Ce rapport constitue un document préparatoire à une décision administrative, et de ce fait ne peut faire, à ce stade, l’objet d’une communication », nous a répondu l’Igas.
Nous avons toutefois appris auprès de plusieurs sources qu’il remettrait en cause l’efficacité des actions du PNNS 3, notamment en raison de l’insuffisance de résultats auprès des populations défavorisées. « Les mesures mises en œuvre depuis quatorze ans par le PNNS profitent essentiellement à la part de la population qui en aurait le moins besoin, et non aux 30 % des plus démunis. Il conviendrait dès lors de cibler les 30 % de populations défavorisées, avec des mesures adaptées compte tenu de leurs réactions spécifiques aux messages de prévention », écrit d’ailleurs le CNA dans son avis n° 75 « réflexion sur l’étiquetage nutritionnel simplifié ». Une approche trop nutritionnelle et informationnelle serait également remise en cause au profit d’une démarche éducative et concernant l’alimentation au sens large.