Poulet : la directive bien-être serait un carcan, selon les Français
Qu’une directive européenne impose aux États membres une densité réduite d’élevage des poulets de chair, voilà ce que les représentants français de l’élevage avicole intensif reprochent au projet législatif présenté mardi par la Commission européenne. Ce texte est celui qu’a critiqué l’Anopa (association nationale des organisations de production avicole) lors de son assemblée générale en mars dernier. Schématiquement, il pose comme norme d’élevage une densité de 30 kg vifs par mètre carré. La densité peut aller au-delà, jusqu’au maximum de 38 kg/m2, à plusieurs conditions dont celle-ci : que l’inspection post-abattage relève un taux réduit de lésions sur les pattes ou de « pododermatites ». Ce critère, censé évaluer la bonne condition physique, peut être mesuré subjectivement, craint l’Anopa.
Surtout, le seuil proposé disqualifie 9 élevages sur 10, la densité montant généralement à 42 kg/m2 en production standard. L’association des groupements d’éleveurs soutient que les pododermatites sont peu corrélées à la mortalité (un autre critère mesuré). La mesure des ampoules au bréchet lui semble moins sujette à caution et plus compatible avec les observations de routine à l’abattoir. Le spécialiste à l’Itavi souligne que les troubles locomoteurs sont tout autant significatifs du mal-être des poulets à croissance rapide.
Espérer quelques assouplissements
Les « fortes densités » seront pénalisées par les preuves de bonnes conditions d’élevages à produire. L’une d’elles est la mesure du taux d’ammoniac dans l’air à la hauteur de tête des poulets. D’après des études récentes mises en avant par l’Anopa, seules la température et l’humidité relative de l’air sont déterminantes (le texte propose à juste titre de les mesurer en continu).
L’Anopa maintient sa revendication de pousser la densité autorisée à 42 kg/m2. Mais cet objectif semble illusoire au bureau de la Protection animale du ministère de l’Agriculture. Tout au plus, la France peut espérer quelques assouplissements du côté de l’évaluation du bien-être, s’est-il dit à l’assemblée générale de l’Anopa. Aussi, des observations à l’abattoir sont conduites par l’Itavi afin d’étayer des contre-propositions françaises.
Le projet de directive doit passer prochainement en Conseil des ministres et il est probable que les nouveaux entrants auront peu d’arguments techniques. La partie se jouera donc surtout entre la France, les pays du Nord de l’Union et l’Italie. Sur ce plan de négociation, il sera surtout question d’atténuer les distorsions de concurrence entre pays de l’Union, ce qui constitue le principal motif de la directive.
La Suède, un modèle ?
Aujourd’hui, seuls le Danemark et la Suède ont des législations spécifiques au bien-être du poulet de chair. Et les Français ne manquent pas de rappeler que le projet de directive est inspiré du système suédois en 1992, qui ne concerne plus aujourd’hui que 300 élevages.
La Confédération française de l’Aviculture (CFA) comme l’Anopa réclament de repousser l’échéance de mise en œuvre de la directive, prévue au premier 1er janvier 2006. Ceci permettrait au moins à un groupe d’expertise, « Quality Welfare », d’établir des résultats d’impact fiables des conditions d’élevage.
Les éleveurs sont conscients des améliorations techniques que peuvent apporter un certain nombre de normes présentées par le projet de directive. Pour autant, ils s’inquiètent de la perte supplémentaire de compétitivité que fait courir l’ensemble des mesures proposées à l’élevage européen vis-à-vis des pays tiers. L’intention qu’a la Commission de proposer un étiquetage obligatoire des conditions d’élevage ne convainc pas la CFA.