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PAI : des relations commerciales « confidentiel défense »

L’association des professionnels des produits alimentaires intermédiaires sera présente et active au CFIA à Rennes, où les exposants de ces spécialités devraient dépasser les 110 cette année. Entretien avec Béatrice de Reynal, secrétaire générale du Club PAI.

Les Marchés : Comment s’explique la progression des PAI au Salon rennais du matériel ?

Béatrice de Reynal : La partie PAI se révèle tout à fait complémentaire du matériel : un responsable technique vient pour le matériel et se renseigne aussi sur les PAI. Je pense que l’équipe qui anime le salon a bien compris l’approche PAI, la confidentialité des échanges, le professionnalisme qu’ils requièrent, le climat de confiance qui entoure les marchés «B to B ». Le CFIA réussit là où d’autres échouent.

LM : Qu’a de « particulier » le marché des PAI ?

B. R. : Les vrais clients des produits de grande consommation sont les consommateurs. Dans le cas des PAI, mon client est celui qui va acheter mon produit, mais je vais devoir l’aider à faire son marketing vis-à-vis du consommateur. Il sait très bien que je suis susceptible de vendre à son concurrent direct, mais il ne veut pas l’entendre. L’étanchéité des relations commerciales doit être parfaite. C’est « confidentiel défense ». Autre particularité, je vends un service : le cahier des charges est très complexe pour chaque client, ce pourquoi toute comparaison de prix est difficile. Enfin, les gens des PAI aiment bien qu’on connaisse le milieu, qu’on « en soit », et c’est ce qui fait vivre le Club PAI.

LM : Faut-il donc renoncer à coter des PAI ?

B. R. : L’industriel un peu malin va tout faire pour éviter la cotation ; il va s’entourer de brevets, faire hors normes, spécifique. Un marché très abouti comme celui des arômes n’a pas de cotations alors qu’il est très concentré. Un autre problème est que certains fournisseurs de grosses spécialités – on peut encore citer les arômes – refusent de fournir en deçà d’un certain volume. Pour certains ingrédients en rapport avec la nutrition, de très gros opérateurs refusent toute information à un trop petit acheteur potentiel. C’est le cas dans les Fos, c’est-à-dire des fructo-oligo-sacharides, dont certaines applications sous brevet, par exemple pour les laits infantiles, sont réservées à une poignée de gros clients. Inversement, un groupe peut se réserver l’exclusivité d’un ingrédient.

LM : Un petit exemple ?

B. R. : Je peux citer le cas d’Essensis de Danone parce qu’ils l’ont arrêté. Il y avait dedans de l’huile de bourrache. Pour l’extraire, il faut récolter des graines, à raison de quatre ou cinq par fleur, ça coûte la peau du dos. Dès le début, ils avaient pré-acheté toute la production, ayant intérêt à « border le sourcing ». La problématique est la même pour certains petits fruits rares ; et même de moins rares comme la canneberge, si tout le monde en commande, au bout d’un moment, il n’y en a plus assez.

LM : On est bien loin des marchés de « commodités » !

B. R. :A l’opposé ! Les commodités représentent le « fond de cuve », on les achète à vil prix au bénéfice de produits plus juteux. C’est d’autant plus vrai depuis que le marché s’est ouvert aux Pecos, pour les petits fruits rouges notamment, et à la Chine. En Chine, ils ont de tout, de l’ail surgelé aux ailes de poulet. Le transport ne coûte plus rien avec la chute des carburants et du fret. Le seul point faible d’un fournisseur comme la Chine est la traçabilité. On peut avoir de mauvaises surprises, même après avoir réalisé un audit où tout était parfait.

S’il fallait comparer ce secteur à un autre, je prendrais les équipementiers automobiles. On apporte de la valeur ajoutée, les vendeurs sont des technico-commerciaux et il y a beaucoup de service après vente.

LM : Quelles filières sont les mieux impliquées dans les PAI ? Les viandes le sont-elles ?

B. R. : La multiplication des « solutions repas », des sandwiches aux plats cuisinés, fait exploser la demande pour les viandes sous forme de cubes, de grenailles ou autres « minerais ». L’utilisateur dit « je veux tant de tonnes, avec zéro salmonelles, etc », il achète un service, étant incapable de se fournir lui-même de façon sûre. Des sociétés se sont spécialisées dans les PAI de viande, en particulier Vatelis et Moypark. Les PAI de fromages marchent très fort ; les légumes, contrairement aux promesses du PNNS, ne sont pas plus abondants qu’avant dans les plats cuisinés. Les PAI de poisson sont à la traîne.

LM : Les PAI ont-ils révolutionné les services des achats ?

B. R. : Les démarches Iso veulent que tout passe par le service achats. Mais les acheteurs de PAI sont très proches de la R&D. Chez Danone, ils travaillent côte à côte. Chez d’autres groupes, l’achat est collé à la qualité. Les liens d’exclusivité vont jusqu’à héberger le fournisseur.

LM : Les PME ont-elles facilement accès aux PAI, en dehors des cas que vous avez cités, qui les excluent ?

B. R. : En général, les entreprises ont grandi en même temps que leurs fournisseurs. Sodebo est passé maître dans l’art d’établir des cahiers des charges très stricts, avec un service achat collé à la qualité. Les « PAIstes » et utilisateurs ont souvent une taille comparable. Les salons sont des lieux privilégiés de rencontre.

LM : La valeur du marché des PAI est-elle estimée ?

B. R. : Au moins 40 % des achats des IAA passent par les PAI ; et c’est sans compter les cascades : PAI de première, de seconde ou même de troisième génération.

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