OMC : le monde agricole français calcule les pertes
Les céréales et la volaille ont en commun de représenter pour le budget européen des dépenses d’exportation relativement faibles et concentrées sur la France. La disparition d’ici à 2013 de leurs restitutions est un péril pour le marché français.
Le blé, qui avec l’orge est la céréale la plus exportée hors Union européenne, va coûter à l’Union quelque 40 millions d’euros pour 6 millions de tonnes au cours du premier semestre de la campagne 2005-2006. Il suffit en ce moment de 5 à 10 euros pour exporter une tonne sur pays tiers. Les restitutions « sont surtout des outils de défense contre les distorsions monétaires ou le marketing loan américain », explique Vincent Magdeleine, spécialiste de la question à la FFCAT (coopératives céréalières).
Malheureusement, rien n’indique que ces deux questions seront résolues d’ici à 2013, le « marketing loan » étant toujours considéré comme une aide interne malgré ses effets ravageurs sur le marché mondial. Quant à l’accès au marché intérieur, les négociations ne sont pas assez avancées pour déterminer s’il serait judicieux de placer le maïs en produit sensible (un tel cas impliquant un contingent d’importations à faible droit de douane).
Pour la volaille, au cours de la campagne 2003-2004, l’Union avait un budget de 90 millions d’euros pour exporter sur pays tiers un volume de 286 000 tonnes équivalent cracasses de volaille (tec). 73 412 millions d’euros ont été payés aux Français pour exporter 215 542 tec.
« Le dernier outil de régulation »
Les besoins varient, entre autres, au gré des fluctuations monétaires. Ainsi, 45 euros étaient consacrés en septembre 2004 pour exporter 100 kg de poulet « export » congelé entier ; ça n’est plus que 24 euros aujourd’hui. En revanche, les restitutions ont été rétablies pour exporter les découpes congelées engendrées par la crise de la grippe aviaire. Ainsi, 10 euros leur sont consacrés depuis fin novembre. La perspective de suppression des restitutions remet en cause 20 à 25 % de la production française, selon la FIA (industriels). Quant à choisir un produit sensible, la FIA se propose d’en choisir celui qui présente le plus gros risque d’augmentation d’importation. Pas simple ; Voyant que peu de grands exportateurs de volaille sont en jeu, Alain Melot, président de la FIA, pense que la clé du problème est dans les négociations bilatérales ou trilatérales.
En bœuf, le volume des exportations subventionnées de l’UE est resté très inférieur au maximum autorisé par le Gatt. Il n’a représenté que 47 % du contingent en 2003/2004, avec 385 000 tonnes. Cela a concerné essentiellement d’autres Etats membres. La FNICGV s’inquiète malgré tout : « c’est le dernier outil de régulation du marché qui disparaît», note son directeur Nicolas Douzain. Surtout, elle regrette que l’Union européenne ait cédé sans contre partie.
« Le gros morceau, qui doit être négocié en avril, est l’accès au marché. Tout ce qui est donné avant est perdu.» Dans un communiqué, la FNB voit un impératif pour l’après Hong Kong : « sauvegarder l’accès au marché ». D’ici à 2013, elle considère les restitutions comme un « enjeu important pour l’équilibre du marché de la viande bovine en cas d’importations incontrôlées ».
Les abatteurs-découpeurs de porc seraient bien contents d’en bénéficier en période de surproduction. « Les restitutions, on a appris à vivre sans, fait observer Paul Rouche, président délégué du SNCP. Mais, Bruxelles serait bien inspiré de s’en servir avant 2013, pour alléger le marché quand c’est nécessaire.» Pour l’heure, seuls les salaisonniers bénéficient encore de subventions à l’exportation.