Matières premières : l’année du «grand choc»

Il y a des signes qui ne trompent pas : la flambée des coûts de frets maritimes et du prix de l’acier est symptomatique de la tension extrême qui a marqué l’an dernier les marchés mondiaux des matières premières et des services. Si la volatilité du pétrole ou du cuivre peut être attribuée à l’arrivée des fonds d’investissement sur les marchés des «commodités», celle des frets et de l’acier échappe à cette explication, faute de marchés dérivés.
Pour Philippe Chalmin qui raisonnait ainsi lors de la présentation du Rapport Cyclope 2005 mardi dernier, l’économie mondiale traverse une de ces phases cycliques de tension. Faisant référence au scénario de l’économiste Paul Bairoch (1930-1999), l’observateur Philippe Chalmin a présenté cette tension comme le prélude à la relance des investissements. Mais comme l’a souligné un de ses coauteurs du rapport Cyclope, on n’augmente pas les capacités de production, on ne construit pas des vraquiers et des infrastructures du jour au lendemain. Le mouvement va donc durer au moins jusqu’en 2007. Le premier article du Cyclope 2005 compare le « grand choc » actuel à la crise de 1974, à la différence près que les matières premières « ont perdu tout pouvoir de nuisance inflationniste». Les économies au décollage, Chine en tête, qui ont projeté la croissance mondiale au-dessus des 5%, pourrait encore la soutenir au niveau de 4,5% en 2005 selon Cyclope. Et un décollage, « ça décoiffe», a commenté mardi Philippe Chalmin.
« L’année climatique du siècle »
Les produits végétaux ont dans l’ensemble échappé à la hausse générale en 2004. Les céréales et le soja ont dégringolé dès le printemps pour une raison historique : c’était « l’année climatique du siècle», s’est exclamé le spécialiste des marchés, sans sécheresse notable, ni gel, ni El Niño. La production céréalière, riz compris, a franchi le cap des 2 milliards de tonnes. Mais l’inflexion du début 2005 peut faire penser que les produits agricoles seront dès cette année « davantage à la fête». « Dans la mesure où l’on peut difficilement imaginer que 2005 soit aussi ‘ anormale ’ que 2004 du point de vie climatique, dit le rapport, il est raisonnable d’anticiper de fortes tensions à la hausse sur les prix agricoles mondiaux». Les stocks au 30 juin dernier étaient tendus et la demande reste forte sur le continent asiatique… « 2005 pourrait être une grande année agricole », conclut le chapitre sur les Grains et agriculture tempérée. Quant aux grains tropicaux, café, cacao et sucre, l’on parle plutôt de « sortie de crise», à l’exception du robusta resté au fond du trou. La difficulté des régions de production à planter autre chose entretient la surproduction. Le sucre fait exception avec une flambée qui semble due aux fonds spéculatifs alors que « les fondamentaux ne sont pas haussiers», affirme le bilan «Sucre».
Les viandes en revanche, ont mollement suivi l’évolution générale à la hausse, mais moins en raison de la demande que des embargos sanitaires et des protectionnismes.