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Loi Sapin 2 : encadrement renforcé des relations commerciales

Bruno Néouze, avocat associé au cabinet Racine.
© DR

Décidément tentaculaire, la loi Sapin 2 comporte des dispositions importantes renforçant le cadre des négociations commerciales. Rapide présentation.

L’article 107 de la loi du 9 décembre 2016, applicable à toutes les conventions conclues à compter du 1er janvier 2017, modifie les articles L.441-7 (conventions entre un fournisseur et un distributeur ou un prestataire de services) et L.441-7-1 (conventions entre un fournisseur et un grossiste). Évoquant « la convention écrite » et non plus « la convention unique ou le contrat-cadre annuel », il précise que celle-ci peut dorénavant « être conclue pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans ». Il s’agit de donner aux parties une plus grande visibilité dans le temps, notamment lorsque la relation concernée nécessite une durabilité particulière. Bien entendu, le prix doit pouvoir, lorsque la convention poursuit ses effets sur plusieurs années, être révisé, et la convention – obligatoire – doit à cette fin « fixer les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé », avec une possibilité de prise en compte d’indices publics « reflétant l’évolution du prix des facteurs de production ».

« Clause de révision du prix »

Deux observations : i) si certains auteurs estiment que la convention peut se limiter à comporter une clause dite de « revoyure », ou de renégociation, il semble que le texte postule plus que cela et exige une véritable clause de révision d’où découle, sans renégociation, le nouveau prix : c’est ce qu’implique le nouveau 7° de l’article L.442-6, qui évoque expressément la « clause de révision du prix » par opposition à la « clause de renégociation » ; ii) ce 7° fait par ailleurs référence à des indices qui doivent être en rapport direct avec les produits ou prestations de services concernés, sous peine des sanctions prévues à l’article L.442-6 du Code de commerce.

Ces sanctions sont aggravées par les articles 102 et 109 de la loi : en cas de violation des dispositions de l’article L.442-6, la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision, qui était jusqu’à présent laissée à la discrétion du juge, devient obligatoire et systématique (pour bien se faire comprendre, le législateur ne craint pas le redondant « doit systématiquement »), et l’amende civile encourue voit son montant maximum porté de 2 à 5 millions d’euros (sauf référence aux sommes indûment perçues ou au chiffre d’affaires).

Sanctions et pratiques commerciales visées

La loi (mêmes articles) soumet par ailleurs à ces sanctions de nouvelles pratiques commerciales qu’elle veut éradiquer : l’édiction à l’encontre d’un partenaire commercial de pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure (art. L.442-6.I.13°) ou l’obtention d’avantages sans contrepartie effective dans le cadre d’opérations non seulement d’animation, mais également de promotion commerciale. Et elle élargit le champ de ces sanctions à la rémunération des services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs (ce qui ne manquera pas de poser d’intéressantes questions d’application de la loi dans l’espace).

S’agissant des délais de paiement, l’article 123 instaure un délai dérogatoire de quatre-vingt-dix jours à compter de la date d’émission de la facture pour les achats effectués en France en franchise de TVA, c’est-à-dire destinés à être livrés tels quels hors Union européenne, mais à une triple condition : que ce délai soit expressément prévu au contrat, qu’il ne soit pas manifestement abusif à l’égard du créancier, et que l’acheteur ne soit pas une grande entreprise (c’est-à-dire employant 5 000 salariés ou plus ou faisant plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires ou plus de 2 milliards au total de bilan). Mais attention : si les biens vendus ne sont pas en définitive livrés hors Union européenne, les pénalités de retard seront applicables.

Les sanctions en cas de non-respect des délais de paiement sont en revanche alourdies, le plafond de l’amende administrative étant porté de 375 000 à 2 000 000 euros, la publication de ces sanctions devenant systématique et la règle du non-cumul des sanctions étant supprimée.

L’encadrement législatif des négociations commerciales s’enrichit donc à nouveau, faisant de celles-ci un exercice difficile dont les manquements sont plus sévèrement sanctionnés. La loi comporte également des dispositions spécifiques au secteur alimentaire qu’il n’a pas été possible de traiter dans le cadre limité de cette rubrique.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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