Les matières premières qui vont compter pour l’élevage breton
Les Marchés : Quelles hypothèses faites-vous quant à la disponibilité de matières premières pour l’alimentation animale en Bretagne à l’horizon 2015 ?
Yves Dronne : Un enjeu important, compte tenu de la dépendance de la région par rapport au reste de la France et des coûts de transport induits, est la quantité et la nature des céréales qui seront produites demain en Bretagne. Cela va conditionner le coût de la partie énergétique des aliments. Quant aux autres matières premières, on peut penser que la production de colza et de tourteaux de colza va dépendre largement de la politique du non-alimentaire. En France, les tonnages mis en œuvre pour le diester sont en progression, mais en Allemagne, ça se développe extrêmement rapidement. Et vu les engagements européens, cela pourrait représenter dans dix ans quelque chose d’important. On peut penser que le pois, comme la féverole, ne se développeront en Bretagne que si les prix des céréales bretonnes sont faibles, si une attention plus grande est portée à la traçabilité des matières premières et si les contraintes de surface d’épandage ne sont pas trop fortes. Par ailleurs, un effet positif serait lié au fait que les éleveurs qui fabriquent leurs aliments à la ferme peuvent rechercher plus d’autonomie dans leurs approvisionnements.
Du côté du soja que nous importons, il me semble qu’une course de vitesse s’est engagée au niveau mondial entre l’Amérique du Sud, la Chine et, demain, l’Inde et d’autres pays en développement. Mais les avis d’experts divergent entre une option haute et une option basse des prix qui sont aussi largement influencés par les cours du dollar. On peut imaginer que la demande l’emporte sur l’offre et que les prix s’envolent, dans une optique de forte croissance économique mondiale et de libéralisation des échanges. On peut aussi envisager une alternative selon laquelle cette croissance mondiale n’aurait pas l’ampleur attendue, du côté de l’Inde en particulier. Et l’on peut alors présager une baisse des prix liée à une trop forte expansion des surfaces en Amérique du Sud. Du côté de l’Inra et de la chambre d’Agriculture, les deux hypothèses sont envisagées.
LM : Des mutations sont-elles en cours dans le périmètre européen et son proche environnement ?
Y. D. :Au niveau mondial, le maïs s’affirme de plus en plus comme la céréale de l’alimentation animale, le blé étant de plus en plus réservé à la consommation humaine. L’Europe fait exception, mais on peut imaginer qu’en s’ouvrant de plus en plus sur le marché mondial, elle irait aussi dans ce sens-là. D’où la tendance à utiliser plus de maïs-grain cultivé localement, ce qui n’est pas évident, ou à l’importer, notamment des Etats-Unis.
LM : L’un des trois scénarios que vous allez présenter au colloque du 11 mars est le maintien d’une production hors sol, de porcs notamment. A quelles conditions d’approvisionnement en matières premières cette filière restera-t-elle compétitive ?
Y. D. : Précisément dans un scénario où l’on pourrait avoir un recentrage des consommations animales au niveau européen. En supposant aussi que la Bretagne passera d’une production standard à une production plus différenciée, à l’image du Danemark. Par ailleurs, il y a une interrogation sur la place des industries française et européenne de la trituration de graines oléagineuses. Actuellement, la trituration se développe essentiellement en Amérique du Sud. En Europe, on continue à gérer des outils dont on dispose, utilisant alternativement du soja et du colza. On produira davantage de tourteaux de colza si on va vers le diester. Par ailleurs, un développement des échanges avec l’Est de l’Europe en matière de viande et de céréales, pourrait contribuer à baisser les coûts de production.