Le pigeonneau refait son nid chez les restaurateurs
Le comble, pour les éleveurs de pigeons, c'est que ce granivore pourtant peu réceptif au virus de l'influenza, a été soupçonné comme toute espèce à plumes de couver la grippe aviaire. Les traiteurs ont pris peur qu'une psychose ne s'empare de leurs réceptions et le pigeonneau s'est retrouvé interdit de buffet. Les restaurateurs, qui étaient en train de renouveler leurs cartes quand est tombé le cas de Versailleux, l'ont rayé de leurs menus de printemps.
« Q uand on n'est plus à la carte, on est puni pour longtemps », fatalise Dominique Georges, dirigeant des Charmilles, qui est avec Elefa une des deux plus importantes sociétés françaises d'abattage et de préparation de pigeonneaux. De fait, la filière sort de quatre à cinq mois difficiles, témoigne-t-il. Faire réinscrire le pigeonneau dans les cartes et menus d'automne est une nécessité qui pousse la fédération du pigeonneau, réunifiée par la crise, à solliciter la presse tant professionnelle que généraliste. La fédération dispose pour cela du soutien des grandes régions de l'Ouest et du Nord où se concentre la majeure partie de l'élevage, et de celui de l'Etat via l'APVF (association de promotion de la volaille française). Ayant multiplié les opérations promotionnelles dans le Grand-Ouest pendant la crise, elle lance une offensive sur la restauration d'Ile-de-France dont l'influence, pense-t-elle, sera déterminante.
Cette offensive débutera le 27 septembre à Paris sous les lustres de l'Hôtel Crillon. La filière y a un allié sûr en la personne de Jean-François Piège. Le jeune chef est un amateur de la petite volaille à chair rosée ; il est capable d'en faire connaître ou redécouvrir toute la finesse sous un jour « étonnant, inédit, rajeuni, actuel et... glamour », promet un carton d'invitation destiné à la presse. Les paillettes du prestige doivent stimuler les ventes de fin d'année qui procurent aux entreprises un tiers de leur chiffre d'affaires annuel.
Ne pas être trop élitiste
L'intention est de motiver toute forme de restauration gastronomique en présentant une image moins élitiste du pigeonneau. C'est pourquoi l'événement du Crillon sera prolongée par des approches plus opérationnelles des restaurateurs, traiteurs et prescripteurs. Les Charmilles et Elefa veulent convaincre les professionnels que le pigeonneau est facile à réussir, même pour un grand nombre de convives. Les deux entreprises peuvent leur fournir à la demande des milliers de pièces désossées, de découpes, de produits farcis ou cuits.
Relativement cher à cause de son mode de production (un à deux pigeonneaux nourris au nid pendant un mois par un couple lui-même nourri au grain), le pigeonneau reste abordable, assure Dominique George, un chef pouvant toucher la demi-pièce entre 3 et 4 euros. Lui-même témoigne qu'un restaurateur de Cholet en propose une dans un menu à 18 euros. Le groupe Sodexho s'est laissé convaincre il y a deux ans déjà. Comme l'export représente près d'un quart du chiffre d'affaires des abatteurs, la fédération projette de démultiplier ses prises de contact avec les chefs en vue des pays importateurs.
Les abatteurs spécialisés pensent qu'une présence courante du pigeonneau dans les bons restaurants suscitera des achats de pièces entières en boucherie ou de découpes en grandes surfaces. Les ventes en grandes surfaces réagissent aux opérations ponctuelles. Pour preuve, ces 10 jours chez Auchan, qui ont permis d'écouler 20 000 pièces en pleine crise aviaire.
Pour parfaire sa communication, la fédération entretient un site Internet « très pro » à l'adresse www.pigeonneau.fr. Les entreprises, elles, seront présentes aux salons Sial, Sirha et Anuga (en Allemagne).