« Le nombre de responsables commerciaux ne connaissant pas assez le Code de commerce me frappe »

Philippe Duvocelle, Consultant, expert en négociation et ancien responsable achat GMS.
Les Marchés Hebdo : Face aux récentes alliances dans la distribution, les fournisseurs doivent-ils davantage diversifier leurs débouchés ?
Philippe Duvocelle : Dans les rapprochements actuels, je vois deux alliances pérennes. Celle de Carre-four et Cora, culturellement proches, mais rajouter les capacités de Cora à Carrefour ne change pas vraiment la donne pour les fournisseurs. L'alliance Système U et Auchan présente surtout l'intérêt de porter sur les formats des ma-gasins, mais la mutualisation des achats ne sera pas aussi intéressante tant que leurs stratégies ne seront pas claires. Les autres alliances, je n'y crois pas. La concentration n'est pas si importante que cela. Son impact a été celui de la surprise. Il y en aura certainement d'autres en 2016 et puis ça s'atté-nuera. Quant à la question des débouchés, c'est enfoncer des portes ouvertes que de dire qu'il faut diversifier son panier de clients.
LMH : Comment se distinguer quand on est une marque régionale ?
Ph. D. : La France a une tradition de savoir-faire régionaux dans lesquels il ne faut pas hésiter à investir. Tout fournisseur inscrit dans un territoire à intérêt à investir dans des recettes traditionnelles, de qualité, avec de l'innovation pour fidéliser les consommateurs. Il peut y former le consommateur de demain en s'adressant aux enfants et aux adolescents, croître dans sa région en développant la distribution numérique dans les réseaux traditionnels, les supers, les superettes, le CHR, la distribution automatique, les stations-service ou avec des circuits spécifiques, plutôt que de chercher un développement national à tout prix. Une PME qui a la chance d'avoir un capital d'image sur son territoire a plus de capacité à résister aux marques internationales sur ce même territoire et à légitimer sa présence dans une offre « terroir » sur le plan national.
LMH : Comment une PME peut-elle rééquilibrer la négociation ?
Ph. D. : Ce qui me frappe, c'est la proportion d'entreprises dont les responsables commerciaux ne connaissent pas suffisamment le Code de commerce, je trouve ça dramatique. D'autant que la LME et la loi Hamon l'ont fait évoluer de manière favorable pour les fournisseurs, avec la notion de déséquilibre significatif et les CGV comme socle unique de la négociation. Conçues comme un véritable projet, qui concerne tous les services et pas seulement le juridique, les CGV porteuses de l'ADN de l'entreprise sont un véritable levier de négociation. Les dirigeants d'entreprise doivent aussi s'impliquer et soutenir leurs négociateurs plutôt que leur mettre une pression énorme.