Le milieu scientifique se heurte à la complexité de l’obésité
Près d’un enfant sur cinq est en surpoids ou obèse dans notre pays : la France emboîterait-elle le pas aux Etats-Unis ? Les spécialistes invités à l’occasion du 3e forum Agrosanté de Beauvais qui s’est tenu le 6 avril dernier sont unanimes pour le reconnaître : « le phénomène est complexe, tant les causes de l’obésité sont multifactorielles et qu’il n’existe pas d’aliments aux caractéristiques idéales », souligne d’entrée de jeu, le docteur Jean-Michel Lecerf, chef du service Nutrition à l’Institut Pasteur de Lille. Pour lui, « la meilleure façon de lutter contre l’obésité réside toujours dans une alimentation riche en aliments de faible densité énergétique et à forte valeur nutritionnelle ».
Pour Eric Birlouez, sociologue au cabinet Epistème de Paris, l’offre alimentaire s’est modifiée face à cette épidémie d’obésité. Les grandes industries agroalimentaires et la restauration rapide ont réagi « car elles ont été mises en cause par la population ». C’est également l’avis d’Edouard Casala, sociologue, qui explique que les entreprises ont reformulé des produits existants, lancé de nouveaux produits positionnés « santé », voire racheté des entreprises ayant un positionnement clair « nutrition-santé ».
Si l’obésité a d’abord été ressentie comme une menace, certains groupes en ont très vite saisi les opportunités : celui du développement de nouveaux produits souvent allégés en sucre et en matières grasses et ils ont décliné leurs produits phares en version light pour capitaliser sur la notoriété de leur marque leader. Du côté réglementaire et législation, c’est par contre souvent le flou. Nombre de mentions ne font l’objet d’aucun encadrement réglementaire. C’est le cas des allégations nutritionnelles, fonctionnelles et de santé, dont il n’existe pour l’instant aucune harmonisation européenne...
« Un chaos terminologique »
« Nous sommes dans une cacophonie et un chaos terminologique, sans aucune définition consensuelle », souligne Loïc Bureau, docteur en pharmacie et consultant. D’ailleurs, comment s’y retrouver entre la diététique, la nutrithérapie, les alicaments, les aliments santé, la cosméceutique, les aliments fonctionnels, la diététique ?
Pourtant, pédiatres et nutritionnistes lancent un cri d’alarme en pointant du doigt les répercussions sur la multiplication de pathologies comme le diabète, l’hypercholestérolémie ou les maladies cardiovasculaires. Si les prédestinations génétiques jouent un rôle, elles ne permettent pas toutefois d’expliquer l’extraordinaire progression de la prévalence de cette maladie qui est avant tout environnementale et comportementale. « Nous pensions que le modèle était relativement simple, or il s’avère extraordinairement complexe », explique Marie-Laure Frelut, pédiatre à l’hôpital Saint-Vincent de Paul de Paris. Il intègre les temps de sommeil, la qualité des aliments ingérés...
« L’offre alimentaire est devenue de plus en plus énergétique et notre style de vie de plus en plus sédentaire, mais les mangeurs sont-ils prêts à changer leurs habitudes ? », s’interroge Jean-Louis Lambert, professeur et sociologue à Nantes. Pas sûr !
« La nutrition reste basée sur trois notions fondamentales » rappelle néanmoins Jean Michel Lecerf : « il n’y a pas de mauvais aliment, il n’y a pas d’aliment parfait (excepté le lait maternel) et il n’y a pas d’aliments indispensable ». Et Jean-Michel Lecerf de rappeler au final la trilogie qu’il défend dans son service nutrition de Pasteur : la variété, la modération et la qualité. Rien que du bon sens !