Le Cyclope 2007 annonce l'ère de la « rareté »

Philippe Chalmin, qui présentait hier avec ses rédacteurs l'édition 2007 du Rapport Cyclope sur les marchés mondiaux, a mis l'accent sur « la hausse, encore et toujours » des matières premières. A quelques exceptions près (celles du sucre, du gaz naturel en Europe ou du cacao), tout s'envole. C'est une tendance lourde qui a pris son élan avec l'émergence des premiers dragons d'Asie. Les indices globaux ont quasiment quadruplé depuis 1988 ; ils ont doublé si l'on retranche les métaux précieux et le pétrole. Le fret maritime des cargaisons sèches (minerais, grains) est reparti en plein boom en 2005, quand les chantiers navals asiatiques n'ont plus répondu à la demande, au point de dépasser son record de novembre 2004. La Chine, devenue importatrice nette de charbon, va faire pression sur cette ressource au moins jusqu'en 2008. Le rédacteur spécialiste du pétrole, Francis Perrin, directeur « Pétrole et Gaz Arabes », a fait remarquer que chaque année se termine plus haut que la précédente. Il a mis l'accent sur le coût croissant de l'extraction des hydrocarbures. Les métaux communs atteignent des niveaux qui prennent l'allure d'une bulle, selon Philippe Chalmin. A propos de bulle, voilà six mois que l’économiste des matières Premières pressent l'éclatement de celle du nickel, métal non ferreux qui sert à fabriquer l'inox. Selon la rédactrice Marie-Christine Simonet, journaliste à Bruxelles, la flambée du nickel ne peut durer. Mais si les fonds d'investissement ne lâchent pas son marché à terme, la Chine, elle, continue d'en demander.
« Les États-Unis peuvent empocher sans rien donner »
L'ascension des céréales a mené à des considérations de politique agricole. L'industrie de l'éthanol aux Etats-Unis a fait doubler le prix du maïs, malgré une bonne moisson 2006. Selon le consultant Ralf Ichter, elle va entraîner celle du soja et permettre aux États-Unis de sortir à bon compte de la négociation de l'OMC. En effet, cette hausse providentielle des grains va leur faire économiser 10 à 12 milliards de dollars. Plus la peine de changer le Farm Bill. Cela, les diplomates commerciaux d’Europe ne l'avaient pas intégré quand ils se sont engagés dans Doha. « Les États-Unis peuvent empocher sans rien donner », s'est exclamé le consultant. En face, l'UE a tout à perdre d'une diminution de 54 % des droits de douane.
Le secteur des viandes sera le premier perdant, a relevé le rédacteur Jean-Paul Simier (conseil régional de Bretagne). Un « raz-de-marée » s'annonce alors que des normes de plus en plus drastiques s'appliquent aux productions européennes, a-t-il déploré. Ralf Ichter était sur la même longueur d'onde, prédisant « un secteur de l'élevage en déconfiture » et un secteur céréalier qui va empocher de la DPU en plus des revenus de la mise en marchés. Cette situation contradictoire a conduit les intervenants agricoles et Philippe Chalmin à croire qu'une réforme fondamentale de la PAC est inévitable à l'occasion de la révision de son examen de santé, l'an prochain.
Rapport Cyclope 2007- Les marchés mondiaux 650 pages, 115 euros, Éditions Économisa.