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DOSSIER
Le beurre, des hauts… et des bas

Le bilan de la matière grasse laitière est complexe. Il dépend du climat et de la collecte, mais aussi de la demande mondiale en fromage et en poudre grasse. Le marché du beurre a connu depuis 2007 des fluctuations importantes. Des records de prix ont été atteints l’année dernière. 2012 s’annonce plus difficile.

 

 

La matière grasse a représenté pendant longtemps le tendon d’Achille de la filière laitière. Depuis 2007, les cours mondiaux du beurre sont régulièrement supérieurs à 3500 $ la tonne alors qu’ils se maintenaient auparavant entre 1000 et 2000 $ la tonne. « Ce n’est pas du côté de la demande qu’il faut chercher une explication à l’équilibre tendu du marché mondial du beurre », remarque Gérard Calbrix d’Atla.

 

Parmi les grands produits laitiers échangés sur le marché mondial, seul le beurre voit ses volumes stagner depuis 20 ans, autour de 800000 tonnes tandis que la demande connait une forte croissance pour les autres produits. « L’évolution du bilan mondial de la matière grasse doit tenir compte de nombreux paramètres », explique-til.

 

 

UN POTENTIEL GENETIQUE EN BAISSE

Côté disponibilité, d’aucuns évoquent une baisse de la collecte de matière grasse laitière. En réponse au trop-plein qui sévissait dans les années quatre- vingt-dix, les professionnels ont oeuvré pour un resserrement de la politique de sélection génétique sur ce critère. « Entre 2000 et 2009, la collecte de beurre a augmenté en Europe de 16000 tonnes alors qu’elle aurait pu augmenter de 50 000 tonnes. La teneur du lait en MG aurait ainsi baissé de 0,8 % sur cette période », rapporte Christophe Lafougère directeur du Gira.

 

Cette baisse reste toutefois modérée: « l’effet alimentation des vaches a atténué en partie l’effet des choix génétiques, d’autant plus que la sélection s’est également opérée sur le critère production de lait en termes de quantité », constatent les experts en France. Ainsi globalement, les disponibilités en matières grasses n’ont cessé de progresser en Europe avec l’augmentation de la production laitière.

 

FORTE DEMANDE DE POUDRES GRASSES

Face à l’évolution des volumes de matière grasse laitière collectée, il faut mettre en regard la formidable expansion de la demande de poudre grasse sur le marché mondial qui a profité à la Nouvelle-Zélande et le développement des fabrications de fromages en Europe en réponse à une forte demande des pays tiers. « Les fabrications européennes de beurre sont le débouché des volumes de matière grasse laitière qui ne trouvent pas d’utilisation dans la fabrication d’autres produits laitiers », rappelle Gérard Calbrix.

 

En revanche, le développement des plats préparés n’a pas profité au beurre. Les chiffres du Gira montrent plutôt, une déclinaison des achats par les IAA (industries agroalimentaires). « Les prix élevés du beurre ont conduit les opérateurs à lui préférer les matières grasses végétales notamment pour les BVP (biscuiterieviennoiserie-pâtisserie) et les crèmes glacées. Nous observons aujourd’hui une stabilisation de ce phénomène ; les recettes étant arrêtées depuis quelque temps déjà », analyse Christophe Lafougère, directeur du Gira. Les industries alimentaires totalisent 40 % de la consommation de matière grasse laitière dans l’Union
européenne.

 

Du côté de la restauration hors foyer qui accapare 15 % des débouchés du beurre en Europe, le Gira parle aussi de décélération : « la restauration traditionnelle cède le pas devant le fast food d’une part et d’autre part, l’utilisation par les restaurateurs du « tout près », fait moins de place au beurre ».

 

 

À NOUVEAU DANS LA TOURMENTE ?

Qu’en est-il des GMS ? Les panels de distribution affichent une rétraction des achats en volume pour l’année 2011. Une évolution structurelle selon les intervenants. Se basant sur les résultats observés sur le marché du beurre en Allemagne (- 6 % pour les achats des ménages en janvier 2012), certains évoquent une répercussion de la crise économique qui jusqu’ici épargnait le secteur. Celle-ci se fait aussi sentir au niveau des IAA, ajoute un observateur « les Italiens ont fabriqué 20 % de moins de Panettone, le gâteau traditionnel de Noël », remarque- t-il.

 

Le beurre entre-t-il à nouveau dans la tourmente ? « Nous sommes sur des schémas qui présentent des courbes orientées vers le bas pour la demande et vers le haut pour les disponibilités. La cotation du beurre ne va pas tarder à chuter », prédit- il. Les marchés ne semblent pas pour l’instant lui donner tort : en janvier, le prix moyen néerlandais se situait en moyenne à 3,46 euros le kilo. Il est tombé à 3,17 euros le kilo fin février. Dans les couloirs du Gulf food, ce salon qui attire à Dubai les exportateurs des quatre coins du monde, il était question des enchères de Fonterra qui, depuis 11 mois, appliquent une baisse régulière sur le prix du beurre : fin février, le kilo était mis en vente à 2,20 euros.

 

« Depuis juillet 2011, le marché du beurre ne se porte pas bien. Mais ceci ne s’est pas traduit sur les marchés, car aujourd’hui le comportement d’achat des opérateurs a cessé d’être rationnel. Nous assistons depuis deux ans, à des achats de couverture sur 5 à 6 mois qui ont pour conséquence un ralentissement de la chute des prix », révèle un acheteur de beurre chevronné qui souhaite garder l’anonymat.

 

 

 

L’ÉQUILIBRE OFFRE /DEMANDE SE FISSURE

Alors, à quoi faut-il s’attendre pour les mois àvenir? Depuis 2007, face à des fluctuations de 2 euros par kilo et par an, alors que la différence entre le prix le plus haut et le plus bas n’avait jamais dépassé 0,25 euro avant cette date, les experts sont humbles dans leurs prévisions. « Nous sommes sur une tendance baissière qui devrait nous amener en dessous de 3 euros le kilo dans les semaines qui viennent », escompte notre acheteur.

 

« Depuis novembre dernier, les prix du beurre vrac baissent, confirme Gérard Calbrix. Cette tendance s’accélère sous la pression d’une production laitière en forte hausse dans le monde, une consommation en recul dans les ménages, mais aussi dans les IAA et chez les artisans, et l’arrivée en Europe du contingent de beurre néozélandais du premier semestre. Il faudra sans doute attendre fin juin pour y voir plus clair ».

 

Heureusement, les stocks sont au plus bas. Ce qui pourrait permettre de gérer au mieux les prix pour ne pas occasionner une nouvelle crise du lait. « Chaque
année, au second semestre, l’UE est déficitaire en matière grasse », souligne Gérard Calbrix. Affaire à suivre.

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