La renaissance de la coopérative de Saint-Bonnet-de-Salers
Après une fermeture annoncée, la coopérative de Saint-Bonnet-de-Salers a repris son indépendance et reconstruit son atelier
de fabrication. Un challenge qui n’a pas été facile à relever.
Fruquière, président de la
coopérative laitière de Saint-
Bonnet-de-Salers (Cantal).
La coopérative laitière de Saint-Bonnet-de-Salers ou l’incroyable résurrection d’une petite fromagerie cantalienne. En 2009, la maison mère 3A a proposé aux producteurs d’intégrer le groupe et de fermer le site de fabrication, abandonnant le projet, un temps envisagé, de reconstruction. La décision de reprendre son indépendance fut vite prise : « Nous ne pouvions pas accepter cela. Il fallait à tout prix maintenir l’activité économique ici, surtout dans une zone aussi touristique que celle de Salers », se souvient Daniel Fruquière, président de la coopérative, entouré d’une équipe très soudée. « Un choix limite kamikaze, reconnaît-il avec le recul. Nous n’avions pas évalué toutes les difficultés. » Plus de camions de collecte fonctionnels, pas de trésorerie ni de fromages en stock, des caves d’affinage obsolètes… En attendant les premières lignes de crédit, les producteurs du conseil d’administration ont contribué de leur poche au paiement du lait ! Le projet de reconstruction a été ressorti des cartons. La communauté de communes du Pays de Salers a décidé de financer un atelier relais. Elle a racheté l’ancien bâtiment pour le rénover, ce qui a soulagé la trésorerie de la coopérative. « Tout le monde a cru au projet », assure Daniel Fruquière.
UN INVESTISSEMENT DE 4 MILLIONS D’EUROS
La construction d’un nouvel atelier de fabrication de 1300 mètres carrés a démarré au printemps 2012. Mais, les contretemps n’ont pas manqué - techniques et financiers. La coopérative a laissé une ardoise de 123000 euros à sa voisine de Bourrianes, quand celle-ci a été mise en liquidation. Ce qui a failli faire capoter son projet. Là encore, le soutien (banque, élus, services administratifs…) a été total. La mise en service de l’atelier est effective depuis octobre 2014. Les travaux ne sont pas encore terminés. Notamment la rénovation de l’ancien bâtiment qui accueillera le public (magasin, salle de vidéo, galerie de visite…) et abritera des installations techniques (chaufferie au bois…). La communauté de communes a investi trois millions d’euros pour les locaux et la coopérative un million d’euros sur les équipements. Des investissements subventionnés à hauteur de 38 % dans le cadre d’un pôle d’excellence rurale. Avec le recul, l’atelier aurait sans doute été reconstruit sur une zone artisanale à quelques kilomètres. La présence d’une station d’épuration, utilisée principalement par la fromagerie, a motivé son maintien sur place. Mais, sa mise au norme va s’avérer onéreuse. Ce choix a fait perdre beaucoup de temps et généré des surcoûts importants.
MÉDAILLE D’OR AU CONCOURS GÉNÉRAL AGRICOLE
La coopérative collecte huit millions de litres de lait auprès de 65 producteurs. Pour l’année en cours, elle prévoit de transformer 6,5 millions de litres. Pour l’instant, elle fabrique uniquement du cantal au lait cru. Pendant ces trois années chahutées, la coopérative a réussi à maintenir la qualité de ses fromages, qui faisait sa réputation. « Nous avons une équipe de fabrication qui tient la route », se réjouit Daniel Fruquières. Une responsable qualité a été embauchée. Au dernier concours général agricole, un cantal vieux au lait de vaches Salers a obtenu la médaille d’or. De nombreux clients sont restés fidèles. La moitié des fabrications est réservée à la Société fromagère du Livradois (SFL). « À la mise en cave, la SFL nous verse un acompte. Cela nous évite d’ouvrir une ligne de trésorerie », détaille Daniel Fruquière. Une négociation est en cours avec une grande chaîne de distribution pour approvisionner, via la SFL, ses rayons à la coupe. Le nouvel atelier est équipé d’un pasteurisateur. La coopérative prévoit de fabriquer de la tome fraîche.
En 2014, malgré toutes les vicissitudes qu’elle a connues, la coopérative a rémunéré le lait en moyenne 368 euros les mille litres, pour un prix de base de 333 euros. « Ce n’est pas ridicule, estime le président. Le prix de base est bas, mais les producteurs qui font de la qualité sont bien payés. » Après ces années harassantes, il se prépare à passer la main. Manifestement heureux du travail accompli.
CHIFFRES CLÉS
• 4,2M€ de chiffre d’affaires en 2014
• 65 producteurs
• 8 ML de lait collectés : 1 M issu de vaches salers ; 7 M en AOP cantal
• prix moyen du lait : 368 €/1000 l (plus-value de 99 pour le lait de vaches Salers)
• 15 salariés
• 520 t de cantal au lait cru
STRATÉGIE
Dans le nouvel atelier, calibré pour traiter 28000 litres par jour, anciens et nouveaux équipements se côtoient. Un certain nombre de tâches ont été mécanisées, dans la limite des capacités d’investissement. Le plus gros changement se situe dans la salle de caillage, équipée d’une cuve fermée et surélevée de 8000 litres et d’une pompe à caillé. Une deuxième est prévue. Les presse-tommes, conservés de l’ancien atelier, ont été équipés d’un vérin. N’étant pas mobiles, le caillé est d’abord transvasé dans une benne au moyen d’un tapis. Parmi les équipements prévus encore: une beurrerie et une salle de découpe pour faire du tiers ou du quart. L’informatisation du site est en cours.