La Normandie cherche un avenir à ses filières viandes
> Yves Tregaro (FranceAgriMer), Arnaud Degoulet (Agrial), Thierry Lirot (FCD), Gilles Lechevalier (groupe Bigard), Christophe Pajot (SNV, LDC), Patrice Faucon (éleveur).
Les différents acteurs des filières viandes de Normandie se sont réunis le 25 mars dernier pour chercher des perspectives communes. En pleine crise de l'élevage, les échanges ont été parfois mouvementés avec les agriculteurs, mais l'aval a montré sa volonté d'agir collectivement. La région dispose d'un atout incontournable : son nom, simple et connu sur une grande partie de la planète. Avec la réunification, l'utilisation de « Normandie » comme marque sera d'autant plus facile. Pourtant, comme l'a pointé Arnaud Degoulet, président d'Agrial, « l'image ne suffit pas, c'est aux transformateurs et aux distributeurs de la concrétiser par des produits forts, de la qualité ». Thierry Lirot de la FCD résume : « l'étiquetage normand est nécessaire, mais pas suffisant ».
Les viandes produites en Normandie souffrent d'un déficit de notoriété. Christophe Payot, directeur général de la SNV (groupe LDC), explique ainsi que le label Rouge sur le poulet fermier normand est méconnu dans sa propre région. Le rapprochement d'Agrial et de LDC devrait se traduire par un développement contractualisé de ce poulet label. En porc, l'Association régionale interprofessionnelle porcine normande a annoncé sa démarche auprès de l'Inao pour enterrer l'IGP porc fermier de Normandie, inutilisée depuis plusieurs années, afin de mieux pouvoir mettre en avant l'origine sur le marché régional.
Valoriser le potentiel herbagerPour la production bovine, dans un marché difficile, la région se doit de valoriser son potentiel fourrager. Yves Quilichini, directeur d'Inter-bev Basse-Normandie, a cité « l'exemple irlandais pour la production de bovins de races choisies, nourries à l'herbe ». De la viande de qualité à un prix modéré correspondrait aux attentes du consommateur. La contractualisation est jugée incontournable pour l'avenir de la région, qui possède en ce domaine un vrai savoir-faire puisque selon Gilles Lechevalier, directeur de Socopa, « la race normande est une filière exemplaire qui travaille depuis près de 25 ans sur la contractualisation multiacteur ». Un label Rouge est en cours de réflexion.
À la conquête de la FranceLa restauration collective était au cœur du débat. Les directeurs de Socopa et LDC sont unanimes : il est nécessaire de former les diététiciens et nutritionnistes pour faire évoluer les menus afin de va-loriser aussi les pièces à rôtir en viande bovine ou de recourir à d'autres morceaux que le filet en volaille pour maîtriser les coûts. En viande bovine, la marque destinée à la restauration collective Éleveurs de Normandie peine parfois à convaincre les commissions d'appel d'offres, alors que le public et les cuisiniers seraient enthousiastes. L'agriculture normande peut aussi compter sur un large bassin de consommation locale, alimenté par le tourisme et la proximité avec la région parisienne. « Être fort au niveau local, cela permettra de promouvoir une marque régionale en France, puis à l'étranger », a résumé Hervé Morin, président de la région, qui souhaite s'appuyer sur « l'emblème aux deux léopards pour être considérée comme la grande région agricole française ». Virginie Pinson
« Plus de 500 établissements concourent à la mise en valeur de la production de viande en Normandie », note l'Insee dans sa fiche de février 2016. L'aval de la filière emploie plus de 8600 salariés, dont les trois quarts dans l'abattage et la transformation de viande. Les abattoirs les plus importants sont implantés dans le sud-ouest de la région, où les terres ne se prêtent pas aux grandes cultures. La plupart des établissements de la filière viande appartiennent à une entreprise dont le siège n'est pas situé en Normandie. 59 % des emplois sont concernés, contre 45 % en Bretagne et 41 % en Pays de la Loire. Les centres de décision sont situés en Île-de-France et en Pays de la Loire.