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La France forte de sa diversité

 

L’explosion de la production laitière en Europe ?

« J’attends de voir. Elle aura peut-être lieu. Mais, s’il y a un pays qui peut m’épater, c’est la France », lance Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Inra de Nantes. Bien que la conjoncture mondiale soit incertaine pour les mois à venir, beaucoup d’experts de la filière laitière se veulent raisonnablement optimistes sur le moyen terme : la France est en capacité à la fois d’accroître sa production laitière et de renforcer ses positions commerciales à l’international. « La filière laitière française peut avoir confiance en elle, elle a beaucoup d’atouts que n’ont pas les autres pays, mais elle ne doit pas négliger son environnement concurrentiel », affirme Benoît Rouyer, directeur économie et territoires au Cniel. En tout cas, la vision est nettement moins catastrophiste qu’il y a dix ans lorsque l’horizon français semblait indépassable. Depuis, la convergence des prix du lait et la demande croissante des pays en développement ont changé la donne. De plus, la France se singularise par une grande diversité, à la fois d’exploitations et de produits transformés, mais aussi par une capacité à se différencier sur les marchés à l’export. L’interprofession laitière, forte de cette confiance, a d’ailleurs « validé un objectif de croissance de la production laitière de 2 % par an jusqu’à 2020, sachant que l’essentiel de ces volumes supplémentaires partiront à l’exportation », rappelle Benoit Rouyer. « Les fondamentaux sont bons, mais il faudra aussi être en capacité de relever le défi de la volatilité des prix », tempère-t-il encore.

LE PLUS IMPORTANT POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION

« La France est sûrement l’un des pays européens dont le potentiel de développement de la production laitière est, à long terme, le plus important », soulignaient quelques mois avant la fin des quotas plusieurs experts de l’Inra et de l’Institut de l’élevage dans une synthèse commune. De plus, notre pays est désormais compétitif dans le jeu international. « Le coût de production du lait en France est meilleur qu’en Chine. Il supporte tout à fait la comparaison avec les États-Unis et, nous ne sommes pas plus mal lotis que les Allemands », relève Vincent Chatellier. Si la Nouvelle-Zélande est historiquement plus compétitive, les coûts de production augmentent en raison de la hausse du prix des engrais et de l’inflation sur le prix du foncier.

Néanmoins, la production laitière française est engagée dans un fort mouvement de restructuration, aussi bien en termes de structures d’exploitations que de territoires, dont l’issue reste à écrire. « Nous avons du mal à maintenir du lait dans les zones de polyculture-élevage et nous ne pouvons pas trop concentrer la production pour des raisons environnementales. Si nous conservons du lait dans les zones où il recule, le potentiel sera important. Si nous allons vers une relocalisation trop forte, comme on semble en prendre un peu le chemin, nous limiterons le potentiel productif global », prévient l’expert de l’Inra.

 

DEUXIÈME RANG EUROPÉEN DES EXPORTATIONS VERS LES PAYS TIERS

Attention également au renouvellement des générations d’éleveurs. Les cessations vont être nombreuses dans les dix ans à venir. « Nous devrons être bons dans le processus d’installation des jeunes producteurs pour être sûrs, qu’en 2020, nous serons toujours capables de produire 24 milliards de litres de lait. De plus, 25 à 30 % des vaches laitières sont à reloger dans les dix ans à venir. Beaucoup de producteurs nous disent que leur revenu ne leur permet pas de passer le cap de l’investissement. Un effort sur le prix du lait sera nécessaire si nous voulons construire la France laitière de demain. »

« Ni la France, ni l’Europe ne seront véritablement au coeur de la dynamique de croissance de la demande en produits laitiers », poursuit la même étude. En conséquence, les marchés d’exportation vers les pays émergents, d’autant plus déficitaires en produits laitiers que la classe moyenne explose et la demande avec, constituent désormais « le principal moteur de la croissance de la filière laitière française », complète Benoît Rouyer. Et, si en 2014, le grand export représentait encore un débouché mineur (13 % de la collecte nationale) et une gamme restreinte de produits laitiers, la dynamique est lancée. « Sur les 3,5 milliards d’euros de balance commerciale en produits laitiers, 2,4 milliards se font avec les pays non européens, contre moins d’un milliard il y a dix ans », détaille Vincent Chatellier. La France occupe désor-mais le deuxième rang européen (assez largement devant l’Allemagne) pour les exportations vers les pays tiers.

 

DES SEGMENTS QUASI INEXISTANTS CHEZ NOS VOISINS

Ce dynamisme à l’exportation est porté par un tissu industriel très spécifique à la France, de par sa diversité en termes de taille d’entreprises et de gammes de produits. À côté des grands groupes internationalisés cohabitent de nombreuses PME, souvent orientées vers la production fromagère. « Ceci est à mettre en liaison avec le poids des AOP dans l’activité laitière française et l’importance de certains segments de l’offre française quasi inexistants chez nos voisins. La France fabrique ainsi 430000 tonnes de pâtes molles par an, l’Allemagne, qui se positionne comme le deuxième fabricant mondial, en produit seulement 50 000 tonnes », analyse Benoît Rouyer. Autre atout : les entreprises françaises se distinguent également par « une très forte culture internationale ». Les grands groupes bien évidemment (voir ci-contre) mais pas seulement. Des entreprises au chiffre d’affaires plus modeste ont des implantations industrielles et un savoir-faire à l’étranger.

« Cette grande tendance de l’appel des pays tiers doit cependant être nuancée au regard du mix-produit de chaque entreprise, poursuit l’expert du Cniel. Autant le marché de la poudre de lait est un marché mondialisé, autant les spécialités fromagères peuvent difficilement miser sur les pays tiers. Mais, grâce à cette diversité, les entreprises françaises peuvent développer des stratégies différenciées. Il y a dix ans, elles n’étaient pas compétitives sur les marchés internationaux, donc tout le monde se recentrait sur le marché intérieur. Selon leur gamme de produits, aujourd’hui, elles peuvent miser soit sur le grand export, soit sur l’export de proximité, voire le marché intérieur. » L’appel d’air créé par le grand export rebat les cartes et les entreprises laitières françaises, de la plus petite à la plus grande, veulent y croire.

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