Normalisation
Iso 26030 : un nouvel outil RSE pour les filières alimentaires
Publiée fin 2019, la nouvelle norme internationale volontaire Iso 26030 propose aux acteurs de l'agroalimentaire une méthode harmonisée, concrète et opérationnelle pour les accompagner dans leur démarche RSE. Si les attentes varient selon les pays et les marchés, la RSE interpelle de plus en plus, constituant un atout compétitif et attractif.
Publiée fin 2019, la nouvelle norme internationale volontaire Iso 26030 propose aux acteurs de l'agroalimentaire une méthode harmonisée, concrète et opérationnelle pour les accompagner dans leur démarche RSE. Si les attentes varient selon les pays et les marchés, la RSE interpelle de plus en plus, constituant un atout compétitif et attractif.
La nouvelle norme internationale Iso 26030 « Responsabilité sociétale et développement durable – Lignes directrices pour l’utilisation de l’Iso 26000 : 2010 dans la chaîne alimentaire », publiée fin 2019, a été présentée le 23 janvier lors d’un colloque organisé par la Coopération agricole, l’Afnor, le Cese et Bpifrance. Elle est placée sous le haut patronage du ministère de l’Agriculture. Cet évènement a été l’occasion d’aborder la responsabilité sociétale de la filière agricole et agroalimentaire, nouvellement outillée, avec les parties prenantes (entreprises, interprofessions, ministère, associations de consommateurs…).
Un cadre de référence harmonisé pour tous
Proposée par la France et soutenue par une trentaine de pays, la norme volontaire Iso 26030 est la première déclinaison sectorielle de l’Iso 26000 publiée et portée au niveau international. Adaptée aux enjeux du secteur agroalimentaire, elle se décline selon les sept questions centrales de l’Iso 26000 : gouvernance ; droits humains ; relations et conditions de travail ; environnement ; loyauté des pratiques ; consommateurs ; communautés et développement local.
Elle offre ainsi un cadre de référence harmonisé pour toutes les organisations de la chaîne alimentaire en matière de RSE et accompagne les entreprises des filières dans la mise en place d’actions concrètes pour répondre aux attentes croissantes de leurs parties prenantes (investisseurs, clients, consommateurs…).
Par exemple, elle prend en compte des aspects tels que les emplois saisonniers, la déforestation ou encore l’accès à une nourriture sûre et de qualité. Ainsi, l’Iso 26030 s’aligne avec les dix-sept objectifs de développement durable à atteindre d’ici à 2030 et compte sur le soutien de la FAO.
Une implication à poursuivre
Aujourd’hui, de nombreux acteurs prennent les devants : 200 coopératives utilisent la démarche Valorise afin de réaliser une autoévaluation de leurs pratiques RSE ; l’interprofession des fruits et légumes frais, Interfel, a créé un comité RSE en 2016 pour analyser la filière, engager des actions avec les professionnels (moins de produits phytosanitaires et d’emballages, plus de Siqo et de HVE) et auprès des consommateurs.
Les entreprises se mobilisent aussi à l’instar du fabricant de pains et gâteaux Jacquet Brossard (groupe Limagrain) qui dispose d’une feuille de route RSE. « Nous sommes aujourd’hui dans une vraie logique d’entreprise », explique Marie-Laure d’Hoop, directrice communication et RSE de Jacquet Brossard. « Nous devons être le moteur sur ce sujet, poursuivre notre dynamique et monter en puissance à l’avenir », complète Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, tandis que le ministère de l’Agriculture se dit prêt à soutenir les initiatives.
Des intérêts multiples
« France Stratégie a montré qu’engager des démarches RSE permet un gain de performance de l’ordre de 13 % par rapport aux entreprises qui ne les introduisent pas », rappelle Olivier Peyrat, directeur général de l’Afnor. La RSE constitue aussi un levier de différenciation permettant d’améliorer l’accès au marché ou d’en conquérir de nouveaux. « Nos clients sont de plus en plus à l’écoute des aspects RSE et parfois même demandeurs. Au Québec, nous avons remporté des appels d’offres avec des prix 15 % plus chers que ceux pratiqués par nos concurrents car nos démarches RSE sont reconnues », témoigne Philippe Hébrard, directeur général des Caves de Rauzan.
La RSE permet un gain de performance de 13 %
L’association de consommateurs Léo Lagrange s’est, elle, félicitée que ces sujets RSE arrivent enfin au niveau réglementaire et espère que les parties prenantes construiront des outils complémentaires. « Nous voulons toujours des outils permettant aux consommateurs d’identifier facilement et rapidement le niveau d’implication de l’entreprise. Que ce soit son empreinte carbone, la qualité de ses produits, la juste rémunération des producteurs ou d’autres informations », commente Yves Hughet, expert RSE de l’association.
La mise en place de démarches RSE représente aussi un fort levier d’adhésion des employés au sein des sociétés. « Les jeunes en particulier veulent se retrouver dans les valeurs de l’entreprise. Si nous voulons assurer le renouvellement des générations dans le secteur agroalimentaire, la RSE constitue un fort enjeu en termes d’image », commente Marilyne Filippi, chercheuse à l’Inra. Si « devenir Iso 26030 » n’est pas aisé et demande temps, maîtrise des certifications, habitude des cahiers des charges et connaissance de son marché, les bénéfices associés semblent en valoir la peine.
Des attentes variables selon les pays et les marchés
Les attentes consommateurs changent fortement d’un pays à l’autre. En Allemagne, elles se concentrent principalement sur la sécurité alimentaire tandis qu’en Angleterre les attentes s’attardent sur des aspects santé et de bien-être animal. La même variabilité s’observe sur les marchés internationaux : l’exportation de grains vers l’Afrique du Nord, seule la qualité compte, tandis que pour le vin, les enjeux RSE n’intéressent pas (encore) la Russie et le Brésil.
« Localement, les demandes sont très variables. Selon les marchés et selon les produits il faut que l’on s’adapte. C’est pour cela que l’on a besoin d’une démarche vaste et large », résume Anne Larroquette, responsable RSE d’Agrial. Le groupe a ainsi lancé en 2015 une politique RSE globale, transversale et internationale, permettant à chacune de ses filiales d’avoir des démarches spécifiques à son contexte local.
De son côté, Philippe Hébrard estime qu’« il n’y a pas de pays qui prennent la RSE de façon aussi globale que la France et le Québec ».
Ces différentes conceptions et attentes relatives à la RSE témoignent de l’importance accrue d’être leader sur la question. En effet, cela permet d’avoir des normes internationales calquées sur la vision française de la RSE et d’offrir un avantage comparatif aux entreprises agroalimentaires (promotion de l’image du secteur, valorisation sur les marchés à l’exportation).
Si les pays occidentaux sont aujourd’hui globalement en avance sur la RSE, ce sujet interpelle tous les pays et suscite un intérêt croissant. Les nuances observées entre contrées tendent à se réduire avec le temps et la RSE constituera certainement à l’avenir un enjeu de taille pour rester compétitif et attractif.
Accompagner les démarches RSE
En complément de la norme Iso 26030, des outils, créés par différents acteurs tels que La Coopération agricole, existent pour aider les entreprises à mettre en œuvre des démarches RSE. Le Diag 3D (destination développement durable) permet de réaliser un état des lieux des démarches RSE de son organisation tandis que le label Coopératives so responsables, fondé sur l’Iso 26030, permet de les valoriser.