GRAND EST
Inventer les relations d’après 2015
La fin annoncée de la gestion administrative des quotas réserve d’ores et déjà aux transformateurs un rôle de plaque tournante au sein de la filière. Ils trouvent en face d’eux des producteurs qui demandent plus de transparence.
Gremillet et Daniel Chevreul se
rejoignent pour affirmer
l’intention de leurs entreprises
de profiter des opportunités du
marché mondial.
La filière laitière française tournera une page en 2015. Et le dialogue entre éleveurs et transformateurs devient plus essentiel qu’il ne l’a jamais été. C’était tout le sens de la journée sur l’après-quota organisée le 30 octobre par la chambre d’agriculture de Champagne- Ardenne et l’Institut de l’élevage (Idele) à laquelle ont participé 250 techniciens, syndicalistes et éleveurs du bassin laitier Grand Est. De quels repères disposeront ces derniers pour piloter leur exploitation ? Idele leur propose un outil qui doit leur permettre de décider leurs orientations à moyen et long termes et d’adapter leurs livraisons à la demande, sans jamais perdre de vue leur revenu. La stratégie du transformateur est un critère clé de l’analyse qu’ils auront à faire. Quelle est sa logique d’approvisionnement ? Quels sont ses marchés, ses besoins ? Quelle est sa dynamique ?, etc.
Les représentants de trois groupes laitiers ont donné leur vision de l’avenir.Tous entendent profiter de la croissance de la demande mondiale pronostiquée par tout économiste qui a scruté les prévisions démographiques. Pour Daniel Chevreul (Bongrain), la Russie, l’Asie et l’Amérique du Sud sont prometteurs pour les produits infantiles à condition « que l’entreprise soit bien présente à l’international ». Pierre Bernoux voit Sodiaal se développer à l’international aussi avec des poudres infantiles et pourquoi pas des produits de grande consommation embarqués sur des cargos qui repartent souvent presque à vide vers l’Asie. Daniel Grémillet et l’Ermitage lorgneraient plutôt vers les Etats-Unis qui connaissent un boom de la consommation de fromages. Mais attention prévient-il, « l’Ermitage n’aura sa place que si l’entreprise est aussi performante en volume et en prix que les autres. D’où la nécessité de ne pas se disperser en multipliant trop les métiers ». Daniel Chevreul complète : « les partenariats deviendront de plus en plus fréquents. Les entreprises s’entendront entre elles, qu’elles soient des coopératives ou des privés. Car il faut une taille critique pour faire face à la grande distribution ».
PARTENARIATS INDUSTRIELS ET ACCORDS DE COLLECTE
Les quotas disparus, les transformateurs collecteront-ils plus de lait ? La réponse reste prudente.« Nous ne pouvons pas laisser filer les volumes sans avoir les usines et les marchés », signale Daniel Chevreul en concédant que l’entreprise avait « peut-être perdu le contact avec ses livreurs » et qu’il fallait maintenant y remédier. Pour Pierre Bernoux, « il y aura des zones à dynamiques [de production] différentes. Sodiaal se prononce pour un développement contrôlé en orientant les laits pour les valoriser au mieux. Des possibilités de production supplémentaires obtenues en fonction des opportunités offertes par le marché mondial seront accordées aux éleveurs candidats. Toutes les demandes seront traitées de manière équitable. C’est un principe fondamental du statut coopératif ». Bongrain n’a pas fixé de seuil en dessous duquel ses producteurs ne seraient plus collectés. Si le coût dérape, des accords de ramassage sont possibles. L’Ermitage distribue pour sa part au premier janvier un droit à produire ainsi qu’une allocation. Cette dernière est ajustée chaque trimestre. Quel sera enfin le prix du lait ? L’Ermitage paye un même prix de base à l’année civile à tous ses apporteurs sans que le calcul tienne compte du quota matière grasse. Sodiaal a choisi le double prix afin que « les évolutions des marchés internationaux n’amènent pas encore davantage de volatilité au prix maison ». Bongrain base son calcul sur l’évolution d’indicateurs européens. « Les prix effectivement payés sur une période de dix-huit à vingtquatre mois seront finalement très proches entre les entreprises car elles sont toutes sur les mêmes marchés », pressent Daniel Chevreul. « Mais il est probable qu’on passe par des hauts et des bas extrêmement marqués ».