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Interview Daniel Jaouen, Directeur Général de Lactalis

« Notre devise est de toujours aller de l'avant » Lactalis a été secoué par la plus importante crise de son histoire. Pas question de baisser les bras. Au moment où l'usine de Craon est à pied d'oeuvre pour reprendre la fabrication de lait infantile, le groupe poursuit plus que jamais son développement international.

Daniel Jaouen, directeur général de lactalis.
« Nous voulons défendre nos parts de
marché en France tout en assurant notre
développement à l'international. »
Daniel Jaouen, directeur général de lactalis.
« Nous voulons défendre nos parts de
marché en France tout en assurant notre
développement à l'international. »
© Lactalis

Lactalis réalise 80 % de son chiffre d'affaires à l'international et cette proportion ne cesse d'augmenter. Quel regard portez-vous sur votre présence en France ?

Alors que le développement à l'international est un axe fort de la stratégie du groupe, Lactalis reste bien implantée en France avec 70 sites de transformation répartis sur tout le territoire. La France est notre base de rayonnement et on veut continuer à nous y développer. Nous avons investi dernièrement sur notre unité de Corcieux dans les Vosges dans un coagulateur pour la fabrication de brie dédié à l'export en Europe et dans le monde. Un entrepôt logistique vient d'être inauguré prêt de Lyon dans le parc industriel de la Plaine de l'Ain. Il va accueillir une centaine de nouveaux collaborateurs. Cette plateforme nous permettra de couvrir le sud de la France et l'Italie notamment. Autre preuve, la reprise des Fromageries Graindorge qui souligne notre engagement fort dans les AOP. Nous voulons continuer à défendre nos parts de marché en marques propres et en MDD tout en restant compétitif. Pour cela nous investissons dans nos outils et nous innovons pour créer de la valeur.

 

Avez-vous des priorités quant à votre développement à l'international ?

Lactalis est présent sur les cinq continents avec une part de marché de 5 %. Un véritable potentiel de développement reste donc possible pour répondre à une demande mondiale en croissance. En 2017, nous avons réalisé neuf acquisitions et depuis le début de l'année nous avons annoncé deux autres. Notre terrain de jeu est le monde et nous ne nous sommes pas fixés de zones géographiques prioritaires. En revanche, nos implantations sont tributaires des événements politiques et géopolitiques comme le cours du pétrole, la grève au Brésil, les conflits au Moyen-Orient... Tous ces investissements ne se font pas sans prise de risque, que nous assumons bien sûr, car nous avons la volonté d'y parvenir.

Nous sommes encore jeunes en Amérique du Sud et comptons améliorer notre position. Aux États-Unis la concurrence s'exacerbe et la croissance se tasse, mais des opérations restent possibles. Nous avons mis un pied en Chine où les affaires sont difficiles. Il faut savoir que le groupe chinois Yili est juste derrière Lactalis en matière de croissance. Nous avons plusieurs implantations en Inde, un marché à fort potentiel. Nous restons vigilants sur ce qui s'opère en Australie et en Nouvelle-Zélande et continuons notre développement en Afrique à partir de l'Afrique du Sud.

 

Où se situent géographiquement parlant les meilleures rentabilités ?

La rentabilité est moins bonne sur les marchés matures (pays européens, Canada). Elle est plus élevée en Asie où la croissance est à deux chiffres. Toutefois, notre approche stratégique n'est pas segmentée dans ce sens. Les difficultés liées au marché français nous amènent à rester vigilant et à investir à toutes les strates pour garder nos positions. C'est le cas aussi en Italie et n'oublions pas l'export. Il est également un de nos piliers de développement. Notre présence dans 90 pays est un vrai plus et nous investissons également en sa faveur. L'acquisition cette année d'Hanilor au Liban, société spécialisée dans la commercialisation et la distribution de produits laitiers, illustre bien cette stratégie.

 

Vous employez 80 000 personnes dans le monde dont 15 000 en France. Arrivez-vous à satisfaire vos besoins en recrutement ?

Lactalis travaille en direct avec les écoles et les universités et accorde une place importante à la promotion interne, la transmission des expertises et le développement managérial. Nous avons mis en place des programmes de formation pour accompagner les parcours individuels et nous invitons nos collaborateurs à la mobilité dans un environnement international. Nous avons constitué un vivier d'experts métiers, plus de 300, qui dédient une partie de leur temps à la formation de leurs collègues. Et pour la seconde année consécutive, le groupe a noué un partenariat avec les Compagnons du devoir et Tour de France pour un parcours dédié aux métiers de la maintenance industrielle. Enfin, le groupe vient de lancer une campagne d'affichage portée par sa « marque employeur », pour attirer l'attention des jeunes sur nos métiers et nos valeurs.

 

Quelles ont été les conséquences de la crise qu'a vécu Lactalis dernièrement au sein de l'entreprise et sur les marchés. Êtes-vous en phase de relance de l'activité ?

Cette crise est la plus importante de l'histoire du groupe. Nos collaborateurs ont eux aussi été secoués par ce choc. Leur soutien a été très précieux face à cet accident sanitaire et sa forte médiatisation. Nous n'avons pas baissé les bras, bien au contraire. Nous avons investi dans nos outils, former le personnel, passé des contrats avec deux nouveaux laboratoires, travaillé avec les autorités... Le choc humain a été fort mais le choc économique aussi avec la perte de plusieurs centaines de millions d'euros suite aux six mois d'arrêt de la production. Un plan de relance de nos marques de lait infantile en France et à l'international est prêt. Nous attendons l'accord des autorités publiques pour redémarrer la fabrication sur le site de Craon sachant que nous avons fermé définitivement la tour n° 1.

 

Nous voyons arriver de grands groupes laitiers dans le végétal. Quelle est votre position sur cette thématique ?

Les produits laitiers sont notre priorité car leurs bienfaits sont bien supérieurs à ceux des produits végétaux même quand ceux-ci sont enrichis en calcium et en vitamines. Cette tendance lourde pose des questions et pour y répondre, nous formons nos collaborateurs et lançons une campagne de communication interne « Parlons vrai, parlons lait ». Les employés du groupe sont les meilleurs ambassadeurs du lait. Quant à notre position : Lactalis c'est tous les laits (vache, brebis, chèvre), mais rien que le lait.

 

Qu'en est-il de vos engagements dans le bio ?

Lactel est leader du lait de consommation bio et nous augmentons régulièrement notre collecte de lait bio pour répondre à la demande en fromages bio (en croissance de 30 %), en beurre et en produits frais. Le rachat de Stoneyfield aux États-Unis, qui oeuvre dans les produits frais biologiques, va dans ce sens. Mais attention à ne pas noyer ce marché et faire plonger sa valorisation comme c'est en ce moment le cas aux États-Unis. Le bio est un axe à développer d'une façon raisonnable pour continuer à générer de la valeur. Et nous sommes très attentifs à son bon équilibre.

 

LES ACQUISITIONS DE LACTALIS EN 2017 ET 2018

2017
o États-Unis : Stoneyfield (300 millions d'euros de CA), Karoun Dairies (240 millions d'euros CA) et Siggis (100 millions d'euros de CA) dans les produits frais
o Chili : La Vaquita (100 millions d'euros de CA dans les fromages)
o Italie : Silac (20 millions d'euros de CA lait et fromage frais)
o Allemagne : Omira (400 millions d'euros de CA - lait et produits frais)
o Biélorussie : Lyahovichy (20 millions d'euros)
o Roumanie : Covalact (20 millions d'euros)
o Chine : Taizy dairy (6 millions d'euros de CA)

2018
o Liban : Hanilor (commercialisation et distribution de produits laitiers)
o Grèce : Weber (50 millions de CA), (deux entités de commercialisation en Allemagne et un site de production en Grèce de feta marque Greco)

 

CHIFFRES CLÉS

o Collecte 2017 : 19 milliards de litres de lait dont 5,4 milliards de litres en France tous laits confondus
o collaborateurs : 80 000 dont 15 000 en France
o Chiffre d'affaires 2017 (France et monde) : 18,4 milliards d'euros

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