Équarrissage : le haro des professionnels sur les taxes
Mercredi, une réunion technique à la DPEI rue de Varenne a sonné le glas de la taxe sur les déchets d’abattoirs, qui a été mise en place cette année pour financer le ramassage et la destruction de ceux-ci. Si cette taxe devait être enterrée ces prochains mois, les abattoirs ne la devraient plus à l’Etat et passeraient directement des contrats avec les équarrisseurs, économisant au passage de la TVA. Un consensus a été trouvé pour proposer aux Parlementaires de modifier le Code rural en ce sens.
Ainsi, les déchets d’abattoirs ou des grands ateliers de désossage ne relèveraient plus du Service public de l’équarrissage (SPE). Ces déchets englobent les saisies (animaux et organes jugés impropres à la consommation par les vétérinaires), les MRS (matériels à risque spécifié) des ruminants ainsi que (a priori) les animaux morts naturellement à l’abattoir ou au cours de leur trajet. Par conséquent, le SPE se restreindrait aux cadavres d’animaux ramassés en dehors d’un abattoir et aux colonnes de gros bovins collectés chez les bouchers.
Cette proposition des pouvoirs publics « a été validée par un groupe de travail très complet,témoigne Pierre Halliez, directeur du Sniv (syndicat de l’industrie des viandes), de 40 à 50 personnes, comprenant les équarrisseurs, des maires et des représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale».
Sur le plan sanitaire, il a été considéré qu’elle se justifie par la permanence vétérinaire dans les abattoirs, à la différence des boucheries traditionnelles.
Une question d’équité
Une des conséquences possibles de cette réforme est qu’un petit abattoir du Limousin paye plus cher pour ses déchets bovins qu’un gros abattoir normand, alors que les deux acquittent aujourd’hui la même taxe à la tonne. Cette question d’équité a été soulevée, rapporte Pierre Halliez, mais il a été jugé qu’elle ne remettait pas en cause la modification législative prévue. Parmi les « pistes» explorées pour atténuer les déséquilibres territoriaux, un observatoire des tarifs est évoqué. L’Ofival observe déjà les tarifs des co-produits animaux recyclables. Une grande méfiance persiste à l’égard d’éventuels « abus de position dominante».
Les sénateurs auront prochainement deux occasions de discuter de l’abolition de la taxe sur les déchets d’abattoir : le 7 décembre prochain dans le cadre de la Loi de finances pour 2005 ou, à partir de la mi-janvier, au titre de la deuxième lecture du projet de loi sur le développement des territoires ruraux.
Des cadavres dans le placard
Bien que satisfaisant, le consensus sur les déchets d’abattoir laisse entier le problème du financement de l’élimination des cadavres d’animaux de ferme. Selon Jean-Claude Prieur, responsable des entreprises à la FFCBV (coopération bétail et viande), il y a une prise de conscience générale d’une nouvelle charge incombant à la filière et « du désengagement de l’Etat sur l’ensemble des filières». Par ailleurs, il est acquis que la répercussion vers les maillons de l’aval des filières viande et le consommateur final, en l’absence d’obligation légale, reste dans le domaine de l’amiable. L’industrie du porc a établi que 65 % seulement des volumes livrés à la salaison font l’objet d’un paiement de la « contribution co-produits».
Ce budget de 140 millions d’euros pèse fortement en valeur absolue sur la filière bovine et représente la plus forte charge de la filière porcine. Sa majeure partie est abondée par le truchement de la taxe sur les tonnages abattus. Les syndicats d’industriels sont unanimement demandeurs d’une très forte participation de l’Etat, qui n’est que de 54 millions d’euros aujourd’hui. Ils rappellent que le cadre législatif communautaire autorise un financement public allant jusqu’à 100 % des frais de ramassage et 75 % des frais de destruction (à noter que les 25 % restants sont financés par les éleveurs et les bouchers).
Cette taxe de plus contribue à mettre en péril l’industrie française de la viande, n’hésite pas à dire Jean-Claude Prieur. « On veut nous faire courir un 100 mètres avec des boulets aux pieds», plaide-t-il. Tout en revendiquant la prise en charge par l’Etat du traitement des cadavres, les industriels pointent le doigt en direction des artisans bouchers, demandant pourquoi ceux-ci ne participent pas d’avantage à ce budget et pourquoi une aide de 1 000 euros leur est accordée.