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Emploi : les difficultés de recrutement se font pressantes en agroalimentaire

De nombreux indices font estimer un durcissement de l’embauche dans la transformation des produits agricoles et l’élaboration de produits et aussi les fonctions supports. Sans trop de conséquences sur la production, les difficultés à l’embauche contraignent à renforcer les actions.

La difficulté à trouver du personnel pour effectuer les moissons et les récoltes s’est accentuée cet été. Et pas seulement dans les champs, mais aussi dans les silos et centres de conditionnement. Johann Menier, DRH de la coopérative Terres du Sud, recherchait encore cinq personnes à la fin août pour la collecte de maïs et de tournesol, sur les soixante postes ouverts avant l’été pour conduire des installations de silos ou des poids lourds. « Le 22 août, quatre opérateurs devaient venir, un seul s’est présenté, les autres n’ont pas donné de nouvelles, se désolait-il, déplorant aussi les tensions sur les permanents » engendrées par ce manque de visibilité. Son service avait eu « du mal à trouver une centaine d’opérateurs pour la production de concentré de tomates ». Il a été touché, comme de nombreux responsables de la transformation agricole, par le fait qu'un tel chantier de légumes à transformer du Sud-Ouest était pénalisé faute de saisonniers.

Pour EVS, leader de la prestation de service auprès des industriels du bœuf, travaillant aussi dans le porc et le veau, la préparation de brochettes a été particulièrement tendue. « Nos salariés ont fait beaucoup d’heures, témoigne le DRH Marc Bechon, se félicitant de disposer de gens vraiment très impliqués qui ont le sentiment de contribuer au plaisir des consommateurs. » Cet été, chaud, favorisant l’achat de brochettes, a permis de resserrer les liens avec les industriels. « Quand un donneur d’ordre parvenait à recruter au-delà de ses besoins, il nous envoyait les candidats », donne-t-il en exemple. Marc Bechon pense que le second semestre va être plus difficile, « mais nous nous sommes renforcés depuis un an, en agilité et attractivité », assure-t-il.

« Toutes les filières sont touchées, plus seulement la viande. La biscuiterie, la boulangerie aussi », Jean-Bernard Guyot, chef de projet à l’ABEA

La situation de l’embauche dans l’agroalimentaire, qu’elle soit en CDD ou CDI, s’est aggravée avec la reprise économique post-covid et l’abaissement des taux de chômage : à moins 5 % dans les principaux bassins d’emploi, et jusqu’à 3,5 % dans le bassin de Vitré (Ille-et-Vilaine). Marc Bechon voit que le déficit de main-d’œuvre qualifiée s’accentue dans l’agroalimentaire avec des « taux de chômage extrêmement bas dans l’Ouest ».

Selon Jean-Bernard Guyot, chef de projet à l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires (ABEA), « toutes les filières sont touchées, plus seulement la viande. La biscuiterie, la boulangerie aussi ». L’ABEA constate des « pénuries » dans tous les métiers, conducteurs de machines, techniciens de machines, opérateurs de ligne… jusqu’aux fonctions supports comme les achats ou le marketing.

L’inflation rend sensible à la rémunération

Au sein du groupe Loste, les services du personnel de Grand Saloir Saint-Nicolas ont constaté plus de difficultés à recruter des saisonniers en Ille-et-Vilaine, l’expliquant par la compétition entre entreprises. Et compte tenu de l’inflation, il leur apparaît que les personnes en recherche d’emploi veulent avant tout un salaire plus qu’un métier ou une projection d’évolution. Il n’y a pas eu plus d’abandons de missions que les années précédentes pour la saison festive de 2021, quoique moins de flexibilité sur les horaires.

Dans les sites du Maine-et-Loire de Grand Saloir, il y a eu, en revanche, un taux d’abandons plus important, s’expliquant par la pénurie de personnel, les agences d’intérim ayant trouvé des personnes moins motivées et moins engagées. L’employeur a distingué des personnes investies et prêtes à s’engager sur le moyen ou long terme, et à accepter ses conditions de travail, mais aussi une tendance au fort turnover.

Bertrand Convers, délégué aux relations extérieures du groupe Cooperl, convient de difficultés à l’embauche et d’un moindre attrait pour les formations, « dans l’ensemble des métiers et activités ». Serait-ce une question de salaire ou de conditions de travail ? « Non, répond-il, c’est juste l’absence de candidats, avant même d’avoir abordé ces questions. » Il étaye son propos par ce désolant constat : « La moitié des offres alimentaires des agences d’intérim dans le Grand Ouest ne sont pas pourvues. »

« La moitié des offres alimentaires des agences d’intérim dans le Grand Ouest ne sont pas pourvues », Bertrand Convers, délégué aux relations extérieures à Cooperl

« Les difficultés d’embauche s’accroîtront les années à venir, appréhende-t-il, sans remettre en cause, à date, nos activités. » Le communicant de Cooperl met quand même en avant le solde positif de l’emploi dans ce groupe coopératif employant 7 500 permanents à travers une trentaine de sites et dans 650 métiers. « Nous avons repris deux sites de salaisons sèches dans le Sud-Ouest sans détruire d’emplois », met-il en avant.

Des CDII à des fins d’employabilité

Les recruteurs font tous beaucoup plus d’efforts. Proman, quatrième réseau national d’agences de travail temporaire (400 en France), « doit déployer plus d’actes de sourcing et de flux dans les réseaux pour avoir le même nombre de candidats », déclare Damien Lemaire, directeur d’exploitation en France. Cet été, Proman a mis en place des actions sur les réseaux sociaux, des forums, des visuels en agence, des formations en hygiène alimentaire pour être plus visible. Le réseau propose trois options pour s’adapter : le travail temporaire ponctuel, le CDI intérimaire (ou CDII), combinant flexibilité et sécurité ; et comme le CDII est limité à 36 mois, la filiale Flexeo de Proman propose des CDI à des fins d’employabilité, « qui donnent un temps de montée en compétences à travers plusieurs entreprises d’un bassin d’emploi », vante Damien Lemaire.

Temps long et besoins immédiats

EVS a doublé sa cellule de recrutement, la faisant passer de 1,5 à 3 pleins-temps depuis 2021. Le prestataire des viandes offre un bonus d’entrée de l’ordre de 500 euros et accorde des revalorisations salariales (hors accords de branche) à l’occasion de l’entretien annuel de ses 800 salariés en CDI et des primes au volume, et donne des récompenses de parrainage. EVS possède son organisme interne de formation, traçant de « vrais parcours de carrière, jusqu’à l’âge de la retraite, les plus anciens étant utiles au transfert de compétences, souligne Damien Lemaire ; des parcours polyvalents pour éviter les TMS ». Il ajoute les immersions en réalité augmentée. « Nous faisons tout pour être une entreprise dans l’air du temps. Nous faisons en sorte que le salarié trouve son intérêt, en matière de qualité de vie et de rémunération », assure-t-il. Le groupe considère que les transferts de compétence et les formations nécessitent du temps.

À Grand Saloir Saint-Nicolas, les actions déployées pour recruter pour la saison festive de 2022 sont à la réflexion, le contexte n’ayant pas évolué positivement en un an, voire empiré, même si celles de l’an dernier ont permis de couvrir les besoins (moyennant des mobilités au sein du groupe dans le Maine-et-Loire).

Une alternante témoigne

Fiona Naveau est assistante du recrutement en alternance à LDC. Elle-même en apprentissage et alternante, elle considère les avantages et freins de cette forme d’emploi. « L’alternance est un moyen d’apprentissage très enrichissant pour l’apprenant, en combinant théorie et pratique. À mon avis, l’alternance ouvre plus d’opportunités professionnelles à la personne qui est passée par un cycle d’apprentissage. Je trouve cette méthode très performante. » Elle voit comme frein une éventuelle crainte de ne pas pouvoir s’investir pleinement dans la pratique, « car l’apprentissage nécessite beaucoup de travail personnel concernant la théorie ».

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