Des chemins pour entrer dans l'ère des mégadonnées
Bien connu des grands groupes depuis plusieurs années, l'usage du big data laisse sceptiques nombre de PME. Pourtant, souvent elles disposent de nombreuses données sans le savoir. Et peuvent l'exploiter sans forcément dépenser des sommes folles. Plusieurs organismes et organisations professionnelles proposent désormais des formations pour aider le secteur agroalimentaire à s'emparer du sujet.
Les PME de l'agroalimentaire en quête d'avancées numériques recherchent avant tout des échanges avec d'autres industriels, une mise en relation avec des partenaires et des conseils. C'est ce qui ressort de la consultation sur le sujet dont l'Ania donne les premiers résultats. Les technologies numériques nées avec Internet, données dématérialisées et interconnexions, engendrent des masses d'informations. Les sciences du big data qui consistent à recueillir ces « grandes données », à les traiter pour alimenter des systèmes intelligents font partie de cette révolution numérique. De plus en plus d'occasions sont offertes aux PME et ETI de l'agroalimentaire de découvrir les enjeux du big data, échanger et trouver des conseils.
En plus de former les recherchés « data scientists », quatre grandes écoles – AgroParisTech, Ensae ParisTech (économie statistique), Télécom ParisTech et HEC Paris – organisent des formations express pour cadres dirigeants d'entreprise allant de la TPE au grand groupe.
Poult et Seb témoignentElles ont réalisé l'hiver dernier plusieurs ateliers de 24 heures sur les enjeux stratégiques, opérationnels et les contraintes (juridiques ou réglementaires), dont un sur la filière agroalimentaire. Autres présentations récentes : en avril dernier à Quimper, le CEA List (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) a invité les industries agroalimentaires (IAA) à Quimper pour un débat sur le potentiel d'innovation à exploiter dans le big data. Celui-ci était surtout orienté sur les technologies de collecte, de traitement et d'analyse des données. Le 5 mars dernier, Bpifrance a organisé un colloque à l'intention des IAA, où ont témoigné la biscuiterie Poult sur sa démarche d'« open innovation » et l'équipementier Seb, porteur du projet de recherche et développement Open Food System, déjà très avancé sur la « cuisine numérique ». Ces deux témoignages sont visibles sur le site de Bpifrance Université.
Des fournisseurs d'applications basées sur le big data ont émergé et continuent de sortir. Parmi eux, des start-up. Ce mouvement est amplement encouragé par le Plan big data de la Nouvelle France Industrielle. L'initiative French Tech, qui en fait partie, est une plateforme de rencontre de toutes les initiatives possibles dans le domaine numérique, offrant des accélérateurs de projets des fonds d'amorçage dans le big data. Bpifrance dispose également de son « accélérateur » de start-up innovantes.
Démonstrateurs de l'AniaL'Ania a réuni un groupe de travail sur le thème « agroalimentaire et numérique », qui a avancé très vite sur ses travaux débutés en novembre dernier. Un des projets structurants qu'il propose porte sur les outils d'aide à la décision. Il prévoit une diffusion de ces outils à partir de « démonstrateurs de solutions » aux entreprises et l'accompagnement de leur mise en œuvre. « Une préférence sera donnée aux projets dont l'impact sera le plus grand pour l'ensemble des entreprises d'une branche ou d'une filière », précise la feuille de route.
Jeunes poussesBpifrance a soutenu plusieurs jeunes pousses du big data concernant l'agroalimentaire. Six ont été présentées le 25 mai dernier lors des ateliers Foodtech à Bercy : Alkemics, une plateforme de partage de données sur les produits entre les industriels et les distributeurs, une voie vers le « marketing intelligent » faisant coïncider les produits et leur présentation en rayons (Alkemics vient d'être sélectionné pour bénéficier de l'accélérateur de start-up de Bpifrance) ; Agriconomie.com, univers de gestion de l'exploitation agricole ; Miimosa (crowdfunding dédié aux financements de l'agroalimentaire) ; Comerso, qui met en relation les distributeurs et industriels avec les associations caritatives pour limiter le gaspillage alimentaire ; Bloomizon qui détermine les besoins en vitamines des personnes et enfin Wineadvisor, réseau social des vins.
“ Ania : une préférence sera donnée aux projets dont l'impact sera le plus grand
Bpifrance a par ailleurs financé la société Energiency, qui édite une plateforme logicielle dans le Cloud servant à réduire les dépenses énergétiques. La laiterie Triballat en est cliente. Keyrus se définit pour sa part comme une société experte dans tous les domaines, à laquelle ont affaire Li-magrain, Vivescia, Materne et les Vins de Bourgogne. Début 2016, Bpifrance a lancé les diagnostics rapides (2 heures pour 350 euros à la charge de l'entreprise) pour évaluer les besoins en big data des PME et ETI. Sur la centaine de diagnostics envisagés, quelques entreprises de l'agroalimentaire ont attendu. Les financements des projets qui pourront en découler se feront soit via les directions régionales de Bpifrance, soit par le concours d'innovation numérique s'inscrivant dans les investissements d'avenir. Dont les deux prochains bouclages sont les 6 juillet et 3 novembre 2016. Sylvie Carriat
Les Marchés Hebdo : Quel usage font les enseignes de la distribution de la science du big data ?
Fakhreddine Amara : Les GMS ont commencé à s'adapter au monde digital parce que le client final devient multicanal, de plus en plus sollicité de toutes parts et volatil. Il faut cerner le consommateur, non plus seulement à la caisse du magasin mais aussi sur le web, capter le maximum d'informations sur lui. Les distributeurs croisent les scores avec les typologies d'acheteur pour mieux segmenter leur clientèle. Ils acquièrent la capacité de traiter toutes ces informations. Je ne parle pas de leur diversification vers les métiers de l'assurance ou de la banque.
« On peut utiliser des données à large échelle pour anticiper les pannes, les besoins de maintenance »
LMH : Si l'entrée dans l'ère du big data porte à reconsidérer le modèle écono-mique, quelles réflexions doivent engager les dirigeants d'entreprise ?
F. A. : La plupart des entreprises manufacturières font du commerce BtoB. Mais certaines passent au BtoC. Elles utilisent les moyens d'aujourd'hui pour affiner leur vision du consommateur final et vont le chercher. Un axe de développement est l'offre de services associée aux produits manufacturiers. Weight Watchers fonctionne selon ce procédé. De plus en plus d'acteurs sur les produits manufacturiers développent de l'activité autour de services
LMH : Le croisement des données peut-il aider à capter l'air du temps dans des univers éloignés de l'agroalimentaire ?
F. A. : Probablement, parce que tout est de plus en plus connecté, sur le plan technologique et aussi celui des comportements. En pratique, nous avons prototypé les téléspectateurs d'une émission de grande écoute. Key-rus a exploité les historiques des échanges des téléspectateurs sur les réseaux sociaux au moment de la diffusion. Le but était de déterminer quelle publicité, passée pendant cette émission, aurait la meilleure influence.
LMH : Quelles applications du big data sont à portée de main d'une PME ?
F. A. : Les applications à portée de main relèvent notamment de la gestion de l'outil industriel. On peut utiliser des données à large échelle pour anticiper les pannes, les besoins de maintenance.
LMH : Quels genres de clients a Keyrus ?
F. A. : Keyrus est un groupe français. Il s'est d'abord développé sur les grands comptes de la business intelligence dans l'assurance, la banque, le Cac 40. Il a abordé ensuite le mid-market des grosses PME qui vont jusqu'à 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Sa filiale Key-rus Biopharma a des clients dans le domaine nutritionnel.