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Conjoncture - Vers une période plus apaisée

Après un été chaud, on s’achemine vers plus d’apaisement dans les relations entre les producteurs et les entreprises, alors que de nouveaux dispositifs sont en place pour aider les producteurs de lait.

© G. Blanchon / R. Lemoine

Le bras de fer fortement médiatisé qui a opposé les organisations de producteurs de Lactalis ainsi que la FNPL au groupe Lactalis, fin août dernier, s’est conclu par un accord autour d’un prix du lait moyen de 275 euros pour 1 000 litres de lait sur l’année 2016. Un prix qui devrait se situer dans la même veine que celui d’autres opérateurs français, à l’heure où l’on commence à constater un frémissement sur les marchés mondiaux et un ralentissement de la collecte européenne.

REMONTÉE DES COURS MONDIAUX

« Nous avions atteint le creux en avril dernier, analysait Gérard Calbrix lors d’une conférence de presse de la Fnil début septembre. Les cours remontent avec un record pour le beurre qui connait une période de tension face à une demande historique. » Les fromages de commodité connaissent également une hausse. Seule la poudre de lait écrémé stagne. « Les stocks de poudres s’élèvent à 375 000 tonnes dans l’UE et c’est la France qui s’est le plus servie de cet outil », constate l’économiste. Pour Olivier Picot, PDG de la Fnil, ceci est le fait de la moindre compétitivité de la France. « Le décalage entre les prix du lait français et ceux pratiqués dans les pays du Nord de l’Europe, les premiers étant bien supérieurs aux seconds, pèse sur nos exportations. De plus, il isole la France. Dans un marché ouvert, ceci pourrait s’avérer fatal, car la France exporte 44 % de son lait, soit l’équivalent de 11 milliards de litres de lait. Ces exportations sont cruciales pour la filière laitière française », met-il en garde.

RALENTISSEMENT DE LA COLLECTE EUROPÉENNE

La crise laitière, qui a pour base la surproduction dans l’Union européenne depuis deux ans, serait-elle en phase de résorption ? La courbe de la collecte européenne commence à s’inverser : -1,5 % relevé en juillet dernier par rapport à 2015. « Les producteurs de lait ne peuvent pas freiner leur production au moindre signal car ils se doivent de couvrir leurs coûts fixes. En général, ils lèvent le pied de l’accélérateur quand le prix du lait s’approche de 20 centimes d’euros le litre. C’est ce niveau qui a été atteint dans les pays du Nord de l’Europe ces derniers mois », détaille Gérard Calbrix.

Les prix de lait comparés entre les différents pays sont des moyennes. « Les moyennes ne veulent rien dire », concède Olivier Picot, mentionnant que le prix moyen cité n’est pas celui que touche le producteur. « Ce dernier obtient un meilleur prix pour les laits AOP (10 % du lait), bio (2 % du lait), fermes sélectionnées…. » Toutefois, c’est bien le prix de lait moyen FranceAgriMer, intègrant entre autres toutes ces démarches de qualité, qui est comparé avec le prix du lait allemand ou danois. « Tout le monde sait que les produits laitiers allemands ou danois, par exemple, sont des produits de masse peu comparables aux PGC que nous trouvons sur nos étalages », expliquait Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, à une conférence de presse tenue le 7 septembre dernier.

LES PRODUCTEURS SATISFAITS DE LA LOI SAPIN 2

C’est ce type de détail que la FNPL aimerait trouver dans les contrats pour obtenir un véritable partage de la valeur ajoutée. Et elle attend beaucoup de la loi Sapin 2 qui propose d’intégrer le prix payé au producteur dans les conditions générales de vente. « On ne peut pas se baser sur les cotations mondiales pour payer un lait transformé en camembert entre autres, et vendu sur le marché français », a martelé André Bonard, secrétaire général de la FNPL. En attendant que les uns et les autres se mettent d’accord sur les calculs, et que la loi Sapin 2 soit votée, comment faire pour éviter demain ces scénarios de crise ? Olivier Picot mise sur deux actions : résilience et régulation. « Faire en sorte de pouvoir résister quand les prix sont bas en aidant les producteurs, et remettre de la régulation au niveau européen avec un véritable dispositif de crise. Au-delà, toutes les réglementations franco-françaises sont un handicap pour les opérateurs français », s’insurge-t-il. Selon lui, le plan d’aide annoncé par Stéphane Le Foll n’est pas une solution efficace. « Nous n’avons plus de politique agricole. Il faut travailler sur une nouvelle PAC », conclut-il. « Nous demandions un fonds européen pour anticiper la crise. Nous avons obtenu un fonds pour gérer la crise. Toutefois, c’est la première fois que Bruxelles considère à sa juste dimension le problème du trop-plein de lait européen », souligne Thierry Roquefeuil.

QUESTION À

Thierry Roquefeuil, président de la FNPL

Quelles conclusions tirez-vous de la confrontation avec Lactalis ? Les événements de la deuxième quinzaine d’août ont permis de redéfinir le rôle des uns et des autres, je veux dire des syndicats et des organisations de producteurs. Nous avons tout fait pour faire aboutir les négociations et sauver le concept de contractualisation. Toutefois, nous ne souhaitons pas rester dans la confrontation. Xavier Beulin et moi-même avons demandé à rencontrer Emmanuel Besnier maintenant que le climat est apaisé. Aussi, le contexte est amené à évoluer. Je compte reprendre la présidence de l’interprofession. Depuis ma démission en juillet 2015, un travail a été fait avec la Fnil et la FNCL pour lui donner plus de sens. J’espère que le conseil d’administration du Cniel qui a lieu le 20 septembre validera le projet.

 

Michel Nalet, porte-parole du groupe Lactalis

Que faut-il retenir des dernières négociations autour du prix du lait ? Le prix annoncé fin juillet par Lactalis n’a jamais été le prix cible mais un palier pour débuter la négociation et surtout aboutir à une vision sur la fin de l’année. Ce n’était en aucun cas du mépris vis-à-vis des producteurs puisque la discussion ne devait pas être rompue ; nous prévoyions une rencontre fin août. Ce n’est pas nouveau de se confronter autour du prix du lait dans la profession. Ce qui est nouveau, c’est de prendre une entreprise pour cible. Lactalis est finalement une des seules entreprises laitières françaises à proposer un prix jusqu’à la fin de l’année. Mais, quoi qu’il est soit, le fond du problème n’est pas réglé. Près de 55 % du lait français est en prise directe avec les cours mondiaux (export, B2B, RHF). Lactalis a choisi un prix unique quand d’autres sont sur des prix différenciés. La comparaison est difficile. Aussi, la question reste entière sur le décalage entre la France et les autres pays laitiers européens. Une réflexion globale sur la pérennité de la laiterie France doit être ouverte.

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