Céréales : le rapport qui remet en cause l’OCM
Le Conseil central de l’ONIC, réuni mercredi dernier, s’était ému de la publication d’un rapport commandé par la direction générale de l’Agriculture de la Commission. Les organisations professionnelles spécialisées (AGPB, AGPM, FFCAT), dans un communiqué commun publié vendredi (voir notre édition de samedi), se sont élevées contre ce rapport qui pourrait servir de prétexte à une nouvelle remise en cause de l’Organisation Commune du marché céréalier.
Le fait que la DG agriculture ait demandé à un consultant privé, LMC international, de rédiger ce rapport ne trompe pas les observateurs sur les utilisations qu’en pourrait faire la Commission européenne, en particulier s’en servir de prétexte pour tenter de mettre en place de tels aménagements à l’organisation du marché qu’ils lui en feraient perdre tout son sens.
Le rapport commence pourtant en faisant l’éloge de l’OCM comme système de régulation des marchés céréaliers. Les choses se gâtent quand, après le compliment, il passe à la critique.
Pourquoi vendre quand on peut stocker ?
Certes, constate LMC international, le système d’intervention publique a permis d’harmoniser les prix des céréales dans l’ensemble de l’UE mais il aurait aussi engendré la non incitation à l’investissement, notamment dans la logistique (infrastructures, transports…), qui pénalise les échanges Dès lors, le stockage public constitue la solution la plus pratique…et souvent la plus rentable. Pourquoi s’embarrasser à rechercher des marchés quand la Communauté est prête à acheter à un niveau de prix inespéré jusqu’alors dans certaines régions de l’UE ?
Car ce constat s’adresse surtout aux nouveaux partenaires de l’UE dont le recours au stockage public est sans rapport avec leur production. Et pourquoi se priver de produire quand on est exempté de jachère obligatoire comme le sont les NEM (nouveaux Etats membres) ? La Hongrie est le mauvais exemple type de cette pratique qui mène à la constitution de stocks d’intervention pharaoniques dont le dégagement pose des problèmes considérables.
C’est la conséquence d’une entrée mal préparée des nouveaux Etats membres dans un système qui valait pour des pays de la Communauté où l’intervention était assimilée et généralement utilisée comme un outil de régulation du marché, un filet protecteur contre des chutes de prix excessives. Le rapport LMC s’appuie donc sur une situation de fait et la Commission aurait beau jeu d’en faire une raison majeure de réforme de l’OCM. Retiendrait-elle aussi les mécanismes suggérés par LMC pour rénover l’OCM ? Les principaux aménagements préconisés par le consultant concernent en premier lieu le recours à l’intervention qui serait réservé aux seules zones déficitaire telles l’Espagne et le Portugal ( ce qui paraît pour le moins paradoxal) et d’abandonner le prix d’intervention unique pour toutes les céréales pour ne soutenir que le blé panifiable qui deviendrait «étalon de mesure» autour duquel s’articuleraient les prix des autres céréales.
Par ailleurs, la gestion des stocks pourrait être plus largement confiée au stockage privé, notamment dans les zones excédentaires en s’inspirant du modèle de la viande bovine et porcine, ce système ayant pour avantage de stimuler les professionnels à rechercher des marchés plutôt que de livrer leurs céréales à l’intervention en laissant ensuite à la Commission le soin de les vendre. Les organisations professionnelles françaises précitées s’opposent aux mécanismes du stockage privé en soulignant que « s’ils (les mécanismes) devaient être sollicités plusieurs années de suite, ils ne résisteraient pas, faute de moyens financiers suffisants».
Pourtant, ce rapport «indépendant», a reçu un satisfecit de la part de la Commission qui lui reconnaît une vision réaliste de la situation, fondée sur des chiffres fiables, des considérations équitables et objectives…bref méritant d’être pris en considération pour la rédaction d’un rapport d’étape sur le secteur des céréales que Bruxelles serait en passe de publier.