Cacao : la qualité impose l'achat direct
En marge du marché mondial du cacao qui décourage la qualité, certains producteurs de fèves tiennent la dragée haute aux industriels du chocolat. Ils font monter les enchères et concluent leurs ventes à des prix qui n'ont plus rien à voir avec la cotation de Londres ou de New York. Telle coopérative du Venezuela a ainsi mis en compétition ses acheteurs européens.
Les achats en direct commencent à prendre de l'ampleur face à un négoce en perte de vitesse sur le terrain de la qualité. Même s'ils n'ont pas encore atteint le volume - il est vrai modeste - des contrats de filières «équitables», ils représentent selon Michel Barel, spécialiste au Cirad (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement), un «espoir»de revitalisation de la production cacaoyère. En effet, les agronomes du Cirad constatent le vieillissement des planteurs, la dégradation des plantations et une négligence croissante dans le traitement et le stockage des fèves. L'absence de soin apporté à la fermentation et au séchage réduit le potentiel aromatique, explique Michel Barel, contraignant l'industrie à relever le goût du chocolat par un savoir faire technologique. Une mauvaise conservation donne de mauvais goûts et un beurre de cacao plus mou. La tendance est pleinement à l'œuvre en Côte-d'Ivoire, premier pays producteur avec 45 % de la récolte mondiale. À cause de l'état de guerre civile, 1,3 million de tonnes de fèves sont stockées dans des conditions déplorables, en proie aux moisissures et insectes.
Le fabricant français de chocolat Valrhona, qui ne pèse pas lourd face aux trois majors du commerce international du cacao (Barry-Callebaut, ADM, Cargill), a été un des premiers à acheter son «cacao fin» au producteur. Comme des vins fins, ses «Chocolats de domaine» Gran Couva de Trinidad, Palmira du Venezuela et Ampamakia de Madagascar appliquent avec bonheur les concepts vinicoles de terroir et de millésime.
La France offre un terrain favorable à cette démarche. Les prix hors taxe au détail laissent une marge suffisante à des politiques de qualité. Selon une étude du Cirad, 70 % du prix de la tablette relève du couple industriel-distributeur. D'autre part, les associations d'amateurs, en passe de se regrouper, demandent des garanties sur l'origine.
La demande en chocolat de Madagascar est tellement forte que l'Icco (l'Opep du cacao) a décidé de classer 100 % de la récolte malgache en cacao fin, alors que seul 30 % le mérite, rapporte Michel Barel. Selon l'expert, le commerce a des progrès à faire pour la prise en compte du potentiel aromatique des récoltes.