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Approvisionnement : pourquoi miser sur le local est peut-être un pari gagnant

Alors que les chaînes d’approvisionnement se tendent, la tentation de relocaliser ses achats va grandissant. Cela tombe bien, les consommateurs semblent très intéressés par cette offre de proximité.

Nielsen a identifié 13 814 marques présentes en GMS qui peuvent être qualifiées de locales. Ici, le centre E.Leclerc de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) à l'occasion ...
Nielsen a identifié 13 814 marques présentes en GMS qui peuvent être qualifiées de locales. Ici, le centre E.Leclerc de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) à l'occasion d'une opération sur les produits locaux en 2020.
© E. Leclerc

La succession de crises alimentaires des années 2000 et la notion de patriotisme économique en période de crise ont renforcé l’idée que le local est bénéfique pour la santé, pour l’environnement et pour l’emploi. Lors du dernier Carrefour des fournisseurs de l’industrie agroalimentaire (CFIA) de Rennes en mars, une matinée « ingrédients-PAI » ayant pour thème « Le local, un pari gagnant ? » l’a clairement montré.

« À partir des données en sortie de caisse des distributeurs, nous avons observé que 73 % des clients considèrent le local comme une donnée très importante », explique Tarek Louadj, consultant analytique senior à Nielsen IQ. Bien qu’il ne soit pas normé, le local répond à des valeurs partagées par tous (environnement, social, transparence). Il s’impose comme une valeur refuge où l’on se rassure sans crainte. Le bio était jusqu’à présent cette première valeur refuge. Mais ses ventes s’effritent.

« 73 % des clients considèrent le local comme une donnée très importante »,
Tarek Louadj, consultant analytique senior à Nielsen IQ

Bio et/ou local

« Le poids du bio dans l’assortiment des GMS a baissé de 0,4 % au global entre 2019 et 2022, et le mouvement se poursuit : - 0,7 % en janvier 2023 par rapport à janvier 2020. Parmi les 14 000 consommateurs de notre panel, 54 % nous disent que le bio est trop cher (+2 %), 36 % qu’il n’est pas forcément meilleur (+1 %) et 27 % pas plus écologique (-2 %) », développe Tarek Louadj. La confiance a changé de camp, « 61 % des Français interrogés disent même préférer un produit local non bio qu’un produit bio non local », appuie Tarek Louadj.

Les produits locaux sont présents avant tout dans le frais non laitier – 9,7 % au début 2023 en hypermarchés et supermarchés (source Nielsen IQ) –, le frais laitier (6,1 %), les liquides/alcools (4,8 %), l’épicerie salée (4,7 %), etc. En hygiène/beauté, entretien, papier, le local ne pèse presque plus rien (moins de 1 %). C’est clairement l’univers des multinationales.

Est-ce que le consommateur voit le produit local de la même manière d’une région à l’autre ? Pour l’expliquer, Nielsen IQ a créé arbitrairement neuf régions pour mesurer le poids du local réalisé par les producteurs en grande distribution.

Une perception différente selon les régions

Il a défini le local par le niveau de chiffre d’affaires (50 % et plus) réalisé par une entreprise dans sa région d’origine. Nielsen a identifié 13 814 marques présentes en GMS qui correspondent à son analyse et qui peuvent être qualifiées de locales. « Elles représentent 57 % des marques en GMS, mais ne pèsent que 5 % (2,96 milliards d’euros) du chiffre d’affaires réalisé des magasins dans leur catégorie », explique Hugo Le Taillendier, gestionnaire d’équipe analytique à Nielsen IQ. « Ce sont des marques qui ont vocation à être petites, voire très petites. Elles réalisent les trois quarts de leur chiffre d’affaires dans leur région d’origine », précise-t-il.

Près de 96 % d’entre elles affichent un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros ! Le local rassemble donc une multitude d’acteurs et leurs ventes progressent. Toujours selon le gestionnaire, le local est clairement « mieux orienté que le bio en matière de chiffre d’affaires (+2,3 % contre -4,9 % en 2022), mais est en retard sur la moyenne des PGC-FLS, principalement en raison de l’inflation ».

En fonction des régions, le poids du local varie selon la gastronomie et l’importance de l’agriculture, et la culture. La logistique peut également influer. De fait, la Bretagne a un lien fort avec ses produits locaux, et plus encore le Grand Est.

Dans le classement des plus grandes marques « locales » (en chiffre d’affaires) figure en tête le conserveur Hénaff (Pouldreuzic, Finistère), leader du pâté appertisé à marque en France qui réalise 56 % de son chiffre d’affaires (40,2 millions d’euros) dans l’Ouest. « Notre entreprise est intrinsèquement le fruit d’une politique locale, explique son président-directeur général, Loïc Hénaff. 88 % de nos achats s’effectuent en France. » Le conserveur bigouden a construit son modèle par une politique partenariale poussée.

Hénaff a resserré dans le temps le nombre d’éleveurs à une dizaine, tous situés à quelques dizaines de kilomètres autour de Pouldreuzic, qui l’approvisionnent en cochons vivants – Hénaff dispose d’un petit abattoir sur place. « Nous avons également un partenariat historique vieux de plus de cent ans avec le même fabricant de boîtes de conserve situé à proximité », relate-t-il.

L’opposition entre le local et le bio doit cependant être nuancée : il y a davantage de marques bio locales que nationales. Cette analyse démontre, en tout cas, que les consommateurs, s’ils sont uniques, adoptent un comportement d’achat propre à leur région.

Comment imposer une marque locale ?

Le bio étant de plus en plus concurrencé par d’autres référentiels, les Zéro résidu de pesticides (ZRP) ou Sans pesticides dans l’univers des fruits et légumes, le label gouvernemental Haute valeur environnementale (HVE), il est nécessaire de faire part au consommateur de valeurs nouvelles. Pour David Garbous, président fondateur de l’agence de conseil Transformation positive et porte-parole du collectif En Vérité (60 entreprises engagées dans la transition alimentaire) : « L’alimentation doit répondre à trois items : le plaisir, la santé et, depuis cinq ou six ans, l’environnement ». Mais surtout, une marque doit être capable, pour entraîner le consommateur sur ses produits, de fixer un cap. En particulier, en faisant part de ses relations d’achat avec son amont et de son action pour réduire son empreinte carbone.

Un concept récent

Le local est apparu comme un symbole du patriotisme économique. Même s’il n’est pas normé, il apparaît rassurant pour les consommateurs.

À quand peut-on dater le concept local dans nos sociétés modernes ? « On peut la dater à 2005, quand on a vu aux États-Unis émerger le concept d’une consommation de produits situés à moins de 100 miles (environ 160 kilomètres, NDLR) autour de chez soi », rappelait Sophie de Raynal, directrice marketing de Nutrimarketing, société de conseil en innovation alimentaire et communication, durant le CFIA de Rennes, au cours d’une conférence sur le sujet. Rapidement, la crise financière de 2008 et ses conséquences sur l’économie mondiale ont propulsé le local au-devant de la scène.

Il s’agissait alors de faire du local une arme en faveur du patriotisme économique. À l’époque, l’association Produits en Bretagne, qui a fêté ses trente ans cette année, communiquait en disant : « Je ne mange pas, je relocalise », poursuit Sophie de Raynal. Les crises alimentaires ayant rendu le consommateur plus méfiant, le local s’est imposé comme une valeur refuge et l’a incité à se réassurer dans les produits qui lui semblent plus sûrs parce qu’ils sont fabriqués près de chez lui.

Pour autant, le produit local n’est pas normé. Le local repose sur les mêmes valeurs : environnement, social, transparence.

Il faut avoir à l’esprit que 63 % des consommateurs considèrent l’alimentation comme un acte citoyen et que depuis la pandémie de coronavirus, 68 % d’entre eux privilégient les achats de proximité. Le local fait aussi référence au concept de One Health (une seule santé) par lequel le consommateur se tourne de plus en plus vers des produits bons pour la santé dont il a entièrement confiance, donc des produits locaux.

Toutefois, il faut être vigilant dans ce qui nous est présenté comme local. Sophie de Raynal rappelle qu’une filière de production de vanille s’est montée il y a quelques années aux… Pays-Bas. C’est-à-dire bien loin de l’île de Madagascar qui réalise 80 % de la production mondiale.

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