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Interview de Nicole Darmon de l’Inra
Alimentation saine et environnement, une équation pas si simple

Au nom du développement durable, la production agricole et la transformation des aliments sont mis en cause pour leur effet sur l’environnement. Qu’en est-il vraiment face au bénéfice nutritionnel ?

Nicole Darmon est directrice
de Recherche Inra au sein de l’UMR
NORT (nutrition, obésité et risque
thrombotique) à la faculté
de médecine de la Timone à Marseille.
Pour en savoir plus :
Questions sur n°48 « nutrition et
environnement » (Cniel)
nutritionsante@maisondulait.fr
Nicole Darmon est directrice
de Recherche Inra au sein de l’UMR
NORT (nutrition, obésité et risque
thrombotique) à la faculté
de médecine de la Timone à Marseille.
Pour en savoir plus :
Questions sur n°48 « nutrition et
environnement » (Cniel)
nutritionsante@maisondulait.fr
© R.d


Quel est l’impact de l’alimentation sur l’environnement ?
Nicole Darmon - On estime que l’alimentation entre pour environ 15 à 30 % dans l’impact carbone des pays développés. Avec le transport et l’habitat, celle-ci est un des trois secteurs qui ont le plus d’effets sur l’environnement. Toutefois, l’impact environnemental du secteur alimentaire est difficile à déterminer, car il a des effets à la fois négatifs et positifs. Des effets négatifs sur l’air et sur l’eau. Des effets positifs comme la préservation de la biodiversité et de la qualité des sols. Ces deux types d’effets demandent à être évalués et pondérés. Les émissions de gaz à effet de serre ne sont qu’un élément du problème, mais représentent un critère relativement aisé à prendre en compte.

La modification des habitudes alimentaires peut-elle aider à réduire cet impact ?
N. D. - La question n’est pas simple, car les produits animaux, dont certains suggèrent de réduire la consommation pour réduire l’impact carbone, sont des sources uniques de nutriments spécifiques et essentiels. Diminuer leur consommation ne serait pas sans conséquences nutritionnelles. Il semble en tout cas important d’étudier les relations entre la qualité nutritionnelle de notre alimentation et son impact carbone.



C’est ce que vous venez de faire en France avec votre équipe. Comment ?
N. D. - Nous nous sommes basés sur les consommations alimentaires spontanées des Français, à partir des données de l’enquête INCA 2, menée dans un échantillon représentatif de près de 2000 adultes, et les valeurs d’émission de gaz à effet de serre d’une sélection de 400 aliments les plus consommés en France. Dans un premier travail (publication Ecol Econ 2012)(1) nous avons tout d’abord analysé la contribution des différentes catégories d’aliments à l’impact carbone total de l’alimentation et simulé l’impact d’une diminution de la consommation de viande. Puis, dans une seconde analyse (publication AJCN 2013), nous avons classé les consommations individuelles en fonction de leur densité énergétique et de leur teneur en nutriments. Ceci nous a permis de définir 4 classes de consommation alimentaire individuelle, de qualité nutritionnelle croissante.

Quels résultats avez-vous obtenus ?
N. D. - Nous avons confirmé que la famille des viandes et charcuteries est la plus forte contributrice à l’impact carbone total de l’alimentation (pour 27 %), immédiatement suivie des fruits et légumes (pour 9 %), à égalité avec le fromage, le lait et les produits laitiers frais y contribuant pour 5,5 %, à égalité avec les féculents. Nous nous sommes aperçus qu’une alimentation généralement considérée comme « saine » était associée à un impact carbone légèrement plus élevé. Ceci s’explique en partie par le fait que les produits sucrés et snacks salés sont des sources de calories trois fois moins impactantes que les fruits et légumes. Or, dans le cadre d’une alimentation nutritionnellement adéquate, les fruits et légumes doivent être consommés en quantités importantes.

Peut-on résoudre cette contradiction et concevoir un modèle nutritionnel favorable à l’environnement ?
N. D. - On s’aperçoit en effet avec notre étude que les objectifs environnementaux ne sont pas en plein accord avec les objectifs nutritionnels. La solution ne saurait être simpliste. Notre première étude (Ecol Econ 2012) montre que diminuer la consommation de viande au profit des fruits et légumes ne serait pas nécessairement la meilleure approche pour diminuer l’impact carbone associé à l’alimentation. Une autre étude théorique basée sur de la modélisation de rations(2), réalisée au d’augmenter la part des produits végétaux, notamment les féculents, dans la consommation alimentaire et de diminuer celle de la viande, sans modifier celle des produits laitiers pour réduire d’environ un tiers l’impact carbone, tout en respectant une liste de contraintes nutritionnelles. Nous avons récemment conduit une modélisation en tous points similaire, mais à partir de données françaises(3) et nous arrivons à des conclusions semblables.

(1)Vieux F, et al. Ecological Economics 2012;75:91-101.
(2)Macdiarmid JI, et al. Am J Clin Nutr 2012;96:632-9.
(3) Thompson S, Gower R, Darmon N, Vieux F. Murphy-Bokern D, Maillot M. LiveWell for Life. A balance of healthy and sustainable food choices for France, Spain, and Sweden.WWF report, 2013. http://livewellforlife.eu/livewellplate/ reports

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