Pomme : la filière innove face au changement climatique
La hausse des températures et le manque d’eau de précipitations ont un impact sur la qualité des fruits à la récolte et en conservation. Des pistes sont étudiées au Cefel pour limiter les dégâts.
La hausse des températures et le manque d’eau de précipitations ont un impact sur la qualité des fruits à la récolte et en conservation. Des pistes sont étudiées au Cefel pour limiter les dégâts.
La journée technique pomme, organisée par le Cefel et l’association nationale pomme poire (ANPP) à Montauban dans le Tarn-et-Garonne, le 16 juin dernier, a permis d’aborder une vision du futur du verger de pommier, influencée par le réchauffement climatique et la multiplication des aléas météorologiques. Dans ce contexte, de nouveaux enjeux émergent, notamment pour la qualité des fruits au moment de la récolte et en conservation. « Des observations menées dans les vergers de pommiers de la station d’expérimentation ont mis en évidence des effets concrets des conditions climatiques estivales de l’année dernière sur les fruits », explique Ghislaine Monteils, responsable qualité et conservation au Cefel.
En effet, il a été relevé à la station météo du centre d’expérimentation, 274 heures à plus de 35 °C et 21 heures à plus de 40 °C, entre le 10 mai et le 13 septembre 2022. Dans le même temps, seulement 110 mm de précipitations ont été enregistrées, principalement amenées par voie orageuse. De fait, les conditions à la récolte étaient plus chaudes et humides qu’à l’accoutumée, et cela a eu des conséquences sur la qualité des fruits dès la récolte. « Conséquences qui se sont poursuivies tout au long de la conservation », constate Ghislaine Monteils.
Perte de fermeté et flétrissement
Autre problème constaté, la température au cœur des fruits. Des relevés de températures ont montré jusqu’à 6,6 °C d’écart entre la température dans l’interrang et celle mesurée à l’intérieur de la pomme. « Les fruits chauffent beaucoup plus que l’air ambiant, et cela peut avoir un impact sur leur qualité », estime la responsable qualité et conservation du Cefel. Des dégradations de la chair dès la récolte ont été observées pour certaines variétés les plus fragiles. De plus, les fruits évoluent beaucoup plus rapidement sur l’arbre entre chaque passage, ce qui perturbe l’organisation du chantier de la récolte. Les chocs de température laissent en outre des marques sur l’épiderme des pommes.
Des fentes pédonculaires ont été également observées, ainsi qu’un phénomène de cracking plus important. Après conservation, les fruits présentent une perte de fermeté importante et un flétrissement. Par conséquence, ces problèmes physiologiques dus aux conditions climatiques estivales entraînent une perte du potentiel de conservation préjudiciable. De plus, l’impact des maladies fongiques est également aggravé, avec une augmentation du développement des maladies de conservation comme les gloeosporioses. Des études menées en Espagne et en Italie, font le constat que le nombre d’heures d’exposition à une température supérieure à 34 °C favorise le cracking, ainsi que le gel sur fleurs.
Une descente en température progressive
De même, une irrigation irrégulière avec des stress ou des à-coups, sans tenir compte de l’humidité du sol, augmenterait le risque du cracking. Les filets antigrêle favoriseraient également une atmosphère humide sous frondaison. Des essais espagnols et italiens ont permis de tester des traitements à base de gibbérellines (Promalin) pendant la division cellulaire contre ces phénomènes. Le traitement était positionné après floraison.
Le Cefel a fait l’essai de ce type de traitement au printemps 2023 et attend des résultats pour l’automne. La solution contre les chocs de température qui marquent les fruits est de laisser les fruits refroidir en palox 12 à 18 heures sous un hangar. En fonction de la descente en température des fruits, ils pourront ainsi être mis au froid par palier avant d’atteindre la température de stockage. Des essais de thermothérapie sont également en cours au Cefel (voir encadré) pour lutter en post-récolte contre les maladies qui se développent une fois en conservation.
Des combinaisons de traitements efficaces
Le Cefel a également mis à l’épreuve en 2022 plusieurs combinaisons de traitements en prérécolte contre Phytophthora et gloeosporioses. Contre Phytophthora, une application de Sigma une semaine avant contamination donne 85 % d’efficacité moyenne, contre 74 % pour Funguran OH et 59 % pour Yucca. Pour une application un mois avant récolte puis une semaine avant contamination, le duo bouillie bordelaise puis Funguran OH obtient 82 % d’efficacité moyenne. Ces différentes modalités étaient comparées à un lot témoin sans aucun traitement, et les observations furent réalisées après conservation en atmosphère normale. Les essais ont été sortis lorsque le témoin a été atteint à 10 %, environ trois mois après la récolte.
Pour lutter contre les gloeosporioses, deux passages de Geoxe ou un passage de Pomax répartis dans les six semaines avant récolte permettent une efficacité estimée entre 62 et 64 % de réduction du nombre de fruits touchés par rapport au lot témoin après conservation. Le protocole était le même que sur Phytophthora, mais les essais ont été sortis au bout de quatre mois de conservation, les gloeosporioses passant par une étape de latence avant de se développer. Un effeuillage entre deux traitements permet de faire monter ce taux à 66 %. Pour les produits de biocontrôle, quatre applications de Curatio déclenchées après précipitations ne donnent que 21 % d’efficacité, toujours en comparaison au même témoin non traité.
Trois solutions innovantes exposées au Cefel
1. L’eau pour lutter contre le gel
« La lutte antigel par aspersion est gourmande en eau, et un feuillage mouillé aggrave les dégâts causés par le gel. Cependant, un sol bien humidifié quelques jours avant un épisode gélif va permettre de gagner quelques degrés sur une parcelle », explique Jean-François Berthoumieu, directeur de l’association climatologique de la Moyenne Garonne. En effet, un sol gorgé d’eau va libérer des calories lorsque les molécules d’eau se refroidissent, réchauffant ainsi localement l’air au-dessus du sol.
2. L’ozone pour améliorer la conservation
L’ozone, agent antifongique et antibactérien, pourrait bientôt être utilisé en chambre de conservation. « Ses propriétés biocides ainsi que l’absence de résidus dans le fruit en font un très bon candidat », explique Marielle Pages, enseignante-chercheuse en biochimie à l’école d’ingénieur de Purpan à Toulouse. Pour l’instant, il reste non autorisé pour un usage sur fruits et légumes frais. Un comité de pilotage a été créé pour suivre les dossiers d’homologation et mettre en place des essais. De très bons résultats ont déjà été obtenus contre la tavelure.
3. L’agrivoltaïsme au service du verger
L’Inrae a mené des essais en partenariat avec l’entreprise Sun Agri sur des vergers sous panneaux agrivoltaïques. « Les résultats sont encourageants, même si d’autres essais spécifiques sur pommiers, menés par SudExpé, sont attendus », précise Emilien Pascaud, chargé de projet chez EDF. Les panneaux installés sur frondaison assurent une protection contre la grêle mais aussi le gel, et préviennent des coups de soleil. Une réduction de l’évapotranspiration a aussi été remarquée. « L’équilibre technico-économique reste à trouver », estime Emilien Pascaud.