Loi Agec et emballage plastique des fruits et légumes : le Conseil d’Etat rejette le recours, Plastalliance va porter plainte devant l’UE
Suite à l’audience du 4 avril, le Conseil d’Etat a rejeté, par ordonnance du 12 avril 2024, la requête de Plastalliance aux fins de voir suspendre le décret du 20 juin 2023. Le syndicat des fabricants de plastique avait pourtant mis toutes les chances de son côté en intégrant en début d'année quatre entreprises productrices de pêches, abricots et haricots verts dans ses adhérents. On vous explique les raisons de ce rejet par le Conseil d’Etat et la réaction de Plastalliance.
Suite à l’audience du 4 avril, le Conseil d’Etat a rejeté, par ordonnance du 12 avril 2024, la requête de Plastalliance aux fins de voir suspendre le décret du 20 juin 2023. Le syndicat des fabricants de plastique avait pourtant mis toutes les chances de son côté en intégrant en début d'année quatre entreprises productrices de pêches, abricots et haricots verts dans ses adhérents. On vous explique les raisons de ce rejet par le Conseil d’Etat et la réaction de Plastalliance.
Le Conseil d’Etat a rejeté le 12 avril la requête de Plastalliance -syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur- qui exigeait la suspension de l’exécution du décret du 20 juin 2023 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, ou populairement dit, le décret d’application de la loi Agec.
Le Conseil d’Etat rappelle les motifs mis en avant par Plastalliance pour justifier sa requête, entre autres :
- « le décret attaqué impacte à hauteur de 2 % de leur chiffre d'affaire les filières agricoles ne bénéficiant pas d'une exemption, en raison des surcoûts que les producteurs auront à supporter » ;
- il n’existe pas de solution, pratique ou d'un coût raisonnable, alternative à l'emballage plastique pour certains fruits et légumes, tels les pêches, les abricots, les haricots verts » ;
- « il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée » ;
- Et surtout que « la condition d’urgence est satisfaite » ;
4 entreprises productrices fruits et légumes avaient pourtant adhéré à Plastalliance
Une audience publique réunissant les représentants de Plastalliance et le gouvernement (premier ministre, ministres de l’économie, de l’agriculture et de la transition écologique) a eu lieu le 4 avril. Audience suite à laquelle le Conseil d’Etat a rejeté la requête de Plastalliance par une ordonnance en référée du 12 avril.
Plastalliance avait pourtant mis toutes les chances de son côté en intégrant dans ses rangs « trois producteurs majeurs de pêches-abricots et l’un des plus gros producteurs d’haricots français », selon sa communication du 25 mars. Les statuts de Plastalliance avaient été adaptés à cette fin en décembre dernier. « Ainsi, en sus des transformateurs de matières plastiques (fabricants de produits en plastique), Plastalliance représente et défend également les intérêts des metteurs sur le marché et des distributeurs de produits emballés dans du plastique. »
Selon Plastalliance, il apparaît que pour la filière AOP pêches/abricots et ses 20 % de sa production emballées soit 40 millions d’UVC (unité de vente consommateur), la dépense totale supplémentaire liée au décret atteint 10 à 12 millions d’euros pour le passage du plastique vers le carton. Et pour les 3 producteurs de pêches abricots adhérents de Plastalliance, cela reste représente entre 4 % et 30 % de leur chiffre d’affaires. « C’est le préjudice de ces entreprises très précisément qui aurait dû être pris en compte », regrette Plastalliance suite au rejet de son recours. Le syndicat dénonce aussi l’opacité ou la non adaptation à l’humidité de ces emballages alternatifs . Côté haricot, le nouvel adhérent à Plastalliance produit près de 30 % des haricots consommés en France dont la moitié de production est emballée en sachet plastique (de 200 g, 500 g et 750 g).
Plastalliance avait justifié l’urgence à suspendre par l’arrivée imminente de la saison des pêches abricots et des haricots verts et que ses statuts consistent en la défense de ses entreprises adhérentes, et quatre entreprises du secteur de la production agricole qui commercialisent des fruits et légumes ont adhéré à ce syndicat.
Les raisons du rejet du Conseil d’Etat : le défaut de l’état d’urgence
Le Conseil d’Etat a conclu de l’instruction et des débats du 4 avril que contrairement à ce qu’affirme Plastalliance, « il existe une alternative à faible coût et ne posant pas de difficulté de mise en œuvre pour la commercialisation des pêches, des abricots et des haricots verts, sous la forme de la vente en vrac », forme de vente déjà majoritaire sur le marché en France. Et de rappeler que le décret exempte les fruits mûrs à point.
Le Conseil d’Etat remet aussi en question la légitimité de Plastalliance pour tenir ce recours : la représentativité du secteur agricole dans le chiffre d’affaires de Plastalliance est faible, et les 4 entreprises agricoles utilisatrices de plastique sus-citées dont la participation au chiffre d’affaires global du syndicat est négligeable. « Au demeurant, aucun organisme représentatif des filières de production agricole dont le syndicat Plastalliance entend faire valoir les conséquences économiques qu'elles subissent, ne s'est associé au présent recours. »
Conclusion : « Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué, la présente requête doit être rejetée. »
Plastalliance va déposer plainte devant l’UE
Le 16 avril, Plastalliance a réagi : « Plastalliance prend acte de ce jugement mais la lutte contre ce décret inique est loin d’être finie pour Plastalliance et ses membres. Ce décret tombera d’une manière ou d’une autre, l'ordonnance en référé ne préjugeant pas de la suite.... »
Concernant la vente en vrac, solution mise en avant par le gouvernement, Plastalliance dénonce : « Le plus ironique est le fait que le ministère s’est appuyé sur l’étude du CTIFL du 9 juin 2022 qui indique, certes, que le vrac est toujours majoritaire mais ne cite pourtant pas élément déterminant de cette étude : la vente de fruits et légumes emballés reste constante alors que la vente en vrac diminue inexorablement. »
« En renonçant à examiner les violations éhontées du droit européen par le décret, le Conseil d’état laisse subsister pour encore quelques semaines un décret voué -en off selon tous les experts- à disparaître, tant la violation est énorme (par exemple, adoption en force du décret alors qu’il était bloqué par la Commission européenne). Dans tous les cas, une audience au fond devant le Conseil d’Etat devrait se tenir, nous l’espérons, prochainement. »
Lire aussi la situation au niveau de l’UE : Emballage plastique des fruits et légumes : le Conseil et le Parlement UE s’accordent sur une interdiction
Parallèlement, Plastalliance annonce qu’il va déposer imminemment une plainte formelle devant la Commission européenne pour violation par la France du droit de l’Union européenne. « Il est temps de faire cesser les agissements illicites d’Etat qui violent et perturbent le fonctionnement de l’ordre européen et créent de la concurrence déloyale au sein de l’Union [européenne] au détriment notamment des entreprises françaises de la plasturgie et du secteur agricole. »
Les adhérents de Plastalliance se réserveront également par la suite le droit d'engager avec Plastalliance une action devant le tribunal judiciaire de Paris « aux fins de faire réparer par l'Etat le dommage causé par la mise en œuvre du décret quand celui-ci sera annulé ».