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« J’ai eu l’idée de produire des fleurs comestibles pour les restaurants »

En Vendée, Pauline Dominicy cultive des fleurs comestibles depuis cinq ans, qu’elle vend à des restaurateurs et grossistes. Un marché de niche, mais avec un réel potentiel.

Savez-vous qu’il existe soixante-dix variétés de pélargonium aux goûts différents (vanille, menthe, eucalyptus, banane, cola, orange…), que le tagète lemmonii a un goût de fruit de la passion, que la fleur de bégonia et l’oxalis sont acidulés, qu’il existe des plantes huître et des plantes fromage, que la bourrache a un goût iodé… ? Quand elle parle des fleurs comestibles, Pauline Dominicy est intarissable.

Et depuis 2019, elle en produit à Coëx, en Vendée, pour la vente aux restaurateurs et aux grossistes. Passionnée de botanique, Pauline Dominicy a d’abord travaillé en jardinerie, puis dans les espaces verts, après une formation de paysagiste-pépiniériste et vente de produits horticoles. « En 2012, j’ai eu un grave accident de travail, explique-t-elle. Je ne pouvais plus continuer mon activité précédente. J’ai alors eu l’idée de produire des fleurs comestibles pour les restaurants. Depuis que je suis enfant, je mange des fleurs, initiée notamment par ma grand-mère. Les restaurateurs en intègrent de plus en plus dans leurs assiettes, pour le goût et la décoration. Les menus se végétalisent et beaucoup de restaurants proposent désormais des menus vegan, dans lesquels les fleurs ont toute leur place. »

Des fleurs et fines herbes sur 2 700 m²

La rencontre avec un grossiste du MIN de Nantes confirme qu’il y a bien un marché en France pour des fleurs comestibles. « Il m’a dit qu’il en achetait de plus en plus et que l’essentiel était importé d’Espagne, du Maroc, d’Israël… » Pauline décide alors de faire un essai de commercialisation de fleurs comestibles. « J’en ai présentées au salon Serbotel, qui s’adresse aux restaurateurs. J’ai eu énormément de contacts. C’est là notamment que j’ai rencontré mon premier client, le restaurant étoilé Lulu Rouget, à Nantes. »

En 2019, elle décide donc de se lancer et crée « Le Jardin de Pauline 85 », dédié à la production et la vente de fleurs comestibles et fines herbes à des professionnels, certifié en Agriculture biologique. Depuis, elle y cultive des fleurs et fines herbes sur 2 700 m² de plein champ et sous un tunnel. En 2022, elle a été rejointe par Nathalie Guérineau, qui faisait des visites dans un jardin olfactif, et a suivi une formation en herboristerie. « Nous travaillons ensemble en production, mais Nathalie a créé sa propre structure, Nathal’ail, précise Pauline. Elle produit de l’ail noir fermenté, organise des visites et vend des plantes et fleurs comestibles aux particuliers. Je m’occupe de la commercialisation auprès des professionnels. » Depuis 2024, le mari de Nathalie y travaille aussi vingt heures par semaine, pour la cueillette et les livraisons.

Des goûts et des couleurs variés

Près de 3 000 fleurs différentes sont aujourd’hui commercialisées. « Les restaurateurs veulent des goûts et des couleurs variés », constate Pauline. Les fleurs sont cultivées en permaculture, avec peu d’arrosage pour concentrer le goût, et beaucoup de rotations, ce qui permet des récoltes d’avril à fin novembre. La production est complétée par de la cueillette de fleurs et de plantes sauvages : acacia, sureau, mimosa, violette, pissenlit, pensées, ail trichètre, criste marine, obione, salicorne… Chaque semaine, la productrice envoie à ses clients la liste des fleurs disponibles.

Pour lancer son activité, Pauline a beaucoup communiqué dans la presse et elle continue à le faire et à organiser des animations pour faire connaître les fleurs comestibles. Elle a aussi écrit un livre « Osons la fleur dans nos assiettes ! », dans lequel elle présente quatre-vingts fleurs avec leur utilisation en cuisine. Elle a aujourd’hui cinquante clients, des restaurants étoilés, gastronomiques, bistronomiques et de simples brasseries, sur la côte vendéenne et à Nantes. Elle vend aussi ses fleurs à deux grossistes, sur le MIN de Nantes et à la Roche-sur-Yon.

Un espace pédagogique bientôt créé

Les fleurs sont récoltées deux fois par semaine, pour une livraison le lendemain. Elles sont conditionnées dans des sachets plastiques que Pauline fait gonfler en un tour de main pour emprisonner de l’air dans le sachet. « Avec cette technique, que j’ai imaginée en voyant les boutures que je reçois, qui sont conditionnées ainsi, les fleurs continuent de respirer. Des pensées en sachet et caisse isotherme peuvent se conserver sept semaines. » Les fleurs sont valorisées 0,10 à 0,40 euro la fleur. « Mais nous les vendons souvent à la poignée. » Alors qu’elle pensait n’en tirer qu’un complément de revenu, Pauline Dominicy vit aujourd’hui de sa production. Et fin 2024, elle a pu louer un nouveau terrain, de 6 000 m², sur lequel elle va créer un espace pédagogique. « Nous recevons déjà des stagiaires et un module sur les fleurs comestibles est en projet avec le lycée Nature de La Roche-sur-Yon. À l’automne 2025, nous allons débuter une formation d’État certifiée de dix jours destinée aux agriculteurs et futurs agriculteurs et aux restaurateurs. Même si cela reste un marché de niche, il y a du potentiel pour de la fleur comestible cultivée en France et sans résidus. »

3 000 espèces et variétés

Même si elle avoue ne pas connaître exactement le nombre d’espèces et variétés de fleurs qu’elle commercialise, Pauline Dominicy l’évalue à près de 3 000. « Nous cultivons déjà 500 variétés de dahlia », compte-t-elle. Quelques espèces toutefois représentent l’essentiel du chiffre d’affaires : l’ail tulbaghi, aux fleurs roses au fort goût d’ail, les pensées et les soucis, utilisées surtout pour la décoration, la bourrache, au goût iodé, les feuilles et fleurs de capucine, au goût poivré, et l’oxalys, pourpre, vert ou marron, au goût acidulé. « Les restaurateurs mettent souvent plusieurs fleurs différentes sur une même assiette et préfèrent donc les petites fleurs, indique Pauline. Chaque bouchée a ainsi un goût différent. »

Parcours

1993 : BTS commercialisation des productions horticoles, après un Bac technique de paysagiste-pépiniériste

1993-2002 : postes à responsabilité en jardinerie

2002-2012 : responsable Espaces verts de la ville d’Aizenay (Vendée)

2019 : création du Jardin de Pauline 85

Structurer et professionnaliser la filière

En France, plus d’une centaine de maraîchers horticulteurs produisent des fleurs pour l’alimentation humaine. La production est toutefois très concurrencée par l’Espagne, le Maroc, la Turquie, l’Italie, la Grande-Bretagne. Depuis 2007, la station expérimentale de la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes (Cream), en partenariat avec l’Astredhor, mène des actions pour développer une filière de fleurs comestibles. Des travaux ont été menés sur plus de quatre-vingts fleurs pour déterminer les plus adaptées aux producteurs et aux restaurateurs. Près de vingt-cinq espèces ont été retenues comme d’intérêt économique et commercial.

Des essais ont été réalisés pour optimiser la production, la qualité, la sécurité d’utilisation, le conditionnement, le transport, la conservation, la transformation, la commercialisation. Et des actions de promotion sont menées auprès des restaurateurs et lycées hôteliers. Dans l’Ouest, l’APFCO (Association des producteurs de fleurs comestibles de l’Ouest), présidée par Pauline Dominicy, regroupe une quinzaine de producteurs de Bretagne, des Pays de la Loire et de Poitou-Charentes. Un dossier Casdar porté par l’APFCO avec l’Astredhor, l’ESA d’Angers et Vegepolys Valley est en cours de constitution pour travailler sur la filière des fleurs comestibles. « Il faut créer des références et encadrer et structurer la filière », insiste Pauline Dominicy.

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