Fruits d’été : pour les distributeurs, « oui au produit français ! mais pas à n’importe quel prix et avec la qualité »
A l’occasion du salon Medfel à Perpignan, les producteurs de melons et ceux de pêches nectarines et abricots avaient organisé une soirée commune de lancement de campagne des fruits d’été, en invitant des acheteurs de la grande distribution et de la RHD. L’occasion pour les uns et pour les autres de rappeler contraintes et besoins, et actions mises en place. Compte-rendu de cette soirée débat.
A l’occasion du salon Medfel à Perpignan, les producteurs de melons et ceux de pêches nectarines et abricots avaient organisé une soirée commune de lancement de campagne des fruits d’été, en invitant des acheteurs de la grande distribution et de la RHD. L’occasion pour les uns et pour les autres de rappeler contraintes et besoins, et actions mises en place. Compte-rendu de cette soirée débat.

Contenu de l’article :
- Pilotage de la saison, coûts de revient, partenariats : le dialogue est nécessaire pour réussir une campagne
- « Nous avons décalé la promo de 15 jours pour aider les producteurs de melon » : souplesse et informations entre les filières sont nécessaires
- La date de bascule, délicat équilibre entre la qualité et la présence en rayon
- Où l’on parle prix et coûts de revient
- Egalim et HVE : inquiétude sur la restauration collective à pouvoir référencer Vergers Ecoresponsables
- Quels partenariats sont mis en place pour 2025 pour le melon et pour les pêches et abricots français ?
- Redonner de la valeur aux produits avec un prix juste et une belle présentation en rayon
Il y a avait foule au Palais des Congrès de Perpignan en cette soirée du 22 avril, veille du salon Medfel. Et pour cause, à l’appel de l’AOP Pêches et Abricots de France et de l’Association interprofessionnelle du melon AIM, près de 180 personnes de la production et de la distribution du monde du melon et des pêches nectarines et abricots se sont réunies, dans une salle à la « configuration spéciale, toute comme cette soirée car c’est une première que trois fruits d’été -melon, abricot et pêche nectarine- se réunissent pour préparer le lancement de campagne », se réjouit Myriam Martineau, présidente de l’AIM.
La filière des pêches nectarines et abricots avait déjà organisé pour ses 15 ans, une soirée de la sorte, un succès, et cette année y a convié ses confrères du melon.
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Pilotage de la saison, coûts de revient, partenariats : le dialogue est nécessaire pour réussir une campagne
La salle en deux hémicycles, les animateurs au centre, les participants ont débattu pendant deux heures des besoins et contraintes de chacun. L’objectif : garantir une saison 2025 (et les suivantes) qui se passe du mieux possible. Car, ainsi que l’estime Daniel Sauvaitre, président d’Interfel, « la réussite ne peut se faire que s’il y a complémentarité de la production à la distribution ».
Trois thématiques ont mobilisé producteurs et acheteurs lors de cette soirée : le pilotage de la saison, le coût de revient et les accords de partenariats.
Pour la filière melon, cette rencontre a rappelé l’importance d’une communication constructive pour des relations commerciales apaisées et une saison plus fluide. Les distributeurs semblent s’être accordés sur le fait de « ne pas dégainer à 0,99 € pièce » [lire à la fin de l’article].
Pour la filière des fruits à noyaux, cette rencontre a constitué une occasion de valoriser les accords de partenariats qui se signent progressivement autour de Vergers Ecoresponsables, et qui contribuent à un dialogue interprofessionnel constructif [lire ci-dessous].

« Nous avons décalé la promo de 15 jours pour aider les producteurs de melon » : souplesse et informations entre les filières sont nécessaires
Antoine Gricourt, chef de groupe f&l Auchan -enseigne qui a été saluée à plusieurs reprises lors de la semaine de Medfel pour son implication auprès des producteurs-, reconnaît que malgré l’organisation à long, moyen (« on connait la production, on se déplace régulièrement, 3-4 fois par an par produit et par acheteur ») et court terme, parfois « ça ne marche pas ».
« On a beau prévoir en amont, la réalité est tout autre à 4-5 semaines avant le début de campagne. L’année dernière, début août, Auchan avait programmé une promotion en radio en melon ; mais en production on nous a dit que ça allait être compliqué. Nous avons donc décalé de 15 jours pour aider les producteurs et mieux satisfaire la qualité pour les consommateurs », témoigne-t-il.
« Dans ces cas-là, n’hésitez pas à renvoyer vers les pêches et les abricots !, imagine Raphaël Martinez, directeur de l’AOP Pêches et Abricots de France. Quand des saisons ne se déroulent pas comme prévu, ça peut être intéressant d’avoir les informations entre filières, et de la souplesse. »
« Quand des saisons ne se déroulent pas comme prévu, ça peut être intéressant d’avoir les informations entre filières »
La date de bascule, délicat équilibre entre la qualité et la présence en rayon
« L’année dernière en abricot, on a raté la bascule »
Le dialogue entre l’AOP et la GMS permet aux enseignes d’organiser au mieux la bascule, ce moment clé où les enseignes basculent leurs rayons sur l’origine France.
Alain Culié, responsable achats sourcing f&l bassin sud-est chez Carrefour, témoigne : « La bascule c’est le plus important pour nous. L’année dernière en abricot, on a raté la bascule. Il y a moins de problème en pêche nectarine. »
Jean-Camille Laurent, directeur achats Intermarché, le dit et le redit : « Je rappelle que la qualité est primordiale. Il y a deux ans, on parlait la date de bascule. Or l’année dernière on a déçu le consommateur avec une qualité trop précoce. Cette année on basculera avec vous mais peut-être bassin par bassin, quand le produit sera prêt. Parce que le produit, c’est Intermarché qu’il est estampillé. L’année dernière le consommateur avait mis deux à trois semaines avant de racheter. »
Et de résumer : « Oui au produit français mais pas à n’importe quel prix, et avec la qualité ! »
A relire : Pêches et abricots : à Medfel, producteurs et distributeurs veulent ensemble réussir 2023
Plan Qualité Abricot : des variétés gustatives, évaluées avec un indice qualité
Dans la salle, le producteur Julien Bayle, évoquant le Plan Qualité Abricot a tenu à rebondir :
Pour les producteurs aussi, l’acte de réachat est primordial
« On a tous le désir de s’en sortir par le haut. Mais ça prend du temps et ça demande des investissements lourds. Notre métier est devenu capitalistique. Sur la qualité, nous avons développé un indice qualité qui repose aussi sur le tri des variétés selon leur gustatif. C’est un travail en cours. On est conscients de l’enjeu. Pour nous aussi l’acte de réachat est primordial. »
Lire aussi : Abricot : comment homogénéiser la qualité au plus tôt
Où l’on parle prix et coûts de revient
« Avoir des tarifs plus cohérents » : le prix, l’éternel facteur en débat
Céline Glabien, directrice des Achats Fruits et Légumes chez E. Leclerc, finit par aborder le sujet : « Il y a un sujet que vous n’aimez pas, on tourne autour depuis tout à l’heure, mais on n’en parle pas : c’est le prix. On référence Vergers Ecoresponsables mais nous avons aussi des clients pour Eco+ [la MDD 1er prix de E. Leclerc]. Eco+ a fait +60% en volumes l’année dernière. Alors, oui, tout le monde veut manger français, mais en 2024 quand les consommateurs ont fait leurs courses, le choix ça a été le prix. Il faut faire attention au prix d’achat et au prix de vente pour avoir des tarifs plus cohérents. »
Une affirmation sur laquelle elle est rejointe par son confrère d’Intermarché Jean-Camille Laurent, directeur achats.
Raphaël Martinez rappelle que 2025 verra une « petite » différence par rapport à l’année dernière : le décret de la loi Agec a été annulé. « Ce décret a compliqué la campagne 2024, de mémoire on a perdu sur les 1ers prix -45 % de volumes en abricots et -25 % en pêche necta. » [les 1ers prix sont traditionnellement emballés avec du plastique, plastique qui était interdit dans la loi Agec].
Un coût de revient chargé par les coûts de main d’œuvre et qui peut être lissé par les volumes
Les producteurs ont rappelé qu’ils étaient fortement contraints pas leurs coûts de revient, en forte hausse depuis quelques années. Muriel Millan, responsable technique de l’AOP Pêches et Abricots de France, a rappelé quelques éléments pour appréhender le coût de revient.
La main d’œuvre, en particulier celle de récolte, est le premier poste de dépense : entre 50 et 60 % du coût de revient. Un verger réclame 800 à 900 heures de travail. « Le coût est construit autour du coût de la main d’œuvre et contrebalancé avec le tonnage. Or c’est beaucoup plus compliqué de faire du poids en abricot, fruit plus léger», explique-t-elle. A ceci il faut rajouter les charges de structures, le coûts des labels et du service qualité.
Pour schématiser grossièrement, pour un verger moyen, le coût de revient sortie station va être de 2 €/kg en pêche et 2,20 € en abricot, selon les calculs de l’AOP. « En réussissant à augmenter les rendements et optimisant la main d’œuvre, on va pouvoir baisser un peu. C’est un vrai travail d’orfèvre, et ça passe aussi par la génétique [variétale]»,glisse Muriel Millan.
Vendre le melon au kilo plutôt qu’à la pièce ?
En melon, le constat est du même ordre. Mais difficile d’estimer les rendements (et donc le coût de revient) car les différences sont énormes, « du simple au double », selon le bassin de production, le type de production (serre, plein champ), le profil variétal du producteur (gustatif ou rendement) et même l’année.
« Un coût de revient, c’est des charges divisé par rendement, donc un prix au kilo, rappelle Jérôme Jausseran, vice-président de l’AIM. Mais le melon se vend à la pièce. Nous sommes donc dans l’incapacité de définir un prix seuil sur lequel s’entendre. Pourquoi pas vendre le melon au kilo plutôt qu’à la pièce ? Il y a une enseigne qui achète et qui vend au kilo et qui se porte pas mal il me semble. C’est une proposition. »
« 4 € le melon quand on arrive à la caisse, ça fait mal »
Mais qui de la déception du consommateur quand il voit le prix à payer à la caisse ?, s’interrogent plusieurs acheteurs dans la salle. « 4 € le melon quand on arrive à la caisse, ça fait mal. »
« Le melon est le premier fruit de l’été. Si on vient bousculer ce dogme du prix à la pièce, on va perturber le consommateur, avertit Antoine Gricourt. Et quand on voit les volumes que l’on vend, je pense qu’on n’a pas la mauvaise vérité en vendant à la pièce. Et on est en capacité de valoriser un melon IGP ou Label Rouge ou un cœur de gamme. »
Egalim et HVE : inquiétude sur la restauration collective à pouvoir référencer Vergers Ecoresponsables
Vivalya et Pomona, dont des représentants étaient présents dans la salle, l’assurent : « on est en capacité de distribuer vos produits ». Vivalya témoigne « avoir construit » avec l’AIM depuis quelques années, tout en ayant le souci de prix-portion à respecter (« 5 € par jour et par convive pour faire 5 repas complets, en Ehpad ».
Les grossistes à service complet le garantissent : ils ont à cœur de valoriser le produit français, notamment avec des marques et des animations pendant toute la campagne. Mais l’inquiétude est là. Est-ce que le label Vergers Ecoresponsables, qui est reconnu niveau 2 de la certification environnementale, sera toujours éligible à Egalim après 2026 ?
Aujourd’hui, l’article L. 230-5-1 du Code rural prévoit que parmi les produits de qualité entrant dans objectif d’au moins 50 % de produits de qualité dans la composition des repas servis en restauration collective à partir du 1er janvier 2022 sont inclus les produits issus d’exploitations certifiées au niveau 3 de la certification environnementale (Haute Valeur Environnementale ou HVE), ainsi que, jusqu’au 31 décembre 2026 seulement, les produits issus d’exploitations certifiées au niveau 2 de la certification environnementale.
Les discussions politiques sont en cours. Mais Alexis Degouy, directeur général d’Interfel et du CTIFL, présent dans la salle, s’avoue « à date, assez pessimiste ».
Quels partenariats sont mis en place pour 2025 pour le melon et pour les pêches et abricots français ?
Producteurs et distributeurs n’ont pas attendu cette soirée de lancement pour travailler ensemble à réussir la campagne 2025.
Des partenariats entre Vergers Ecoresponsables et les enseignes
Dans le cadre de Vergers Ecoresponsables, l’AOP Pêches et Abricots de France et l’ANPP (association pommes poires) ont signé au Salon de l’Agriculture 2025 un partenariat sur trois ans avec l’enseigne Carrefour. En s’engageant à valoriser les fruits labellisés Vergers Ecoresponsables et à leur attribuer une place prioritaire dans son assortiment, ainsi qu’en soutenant la filière dans sa modernisation et adoption des innovations agroécologiques et en simplifiant les contrôles qualité redondants entre les fruits MDD Carrefour et les produits labellisés Vergers écoresponsables, Carrefour apporte une perspective aux producteurs du label Vergers écoresponsables et développe son offre de produits issus de l’agriculture durable.
« D’autres partenariats avec d’autres enseignes sont dans les tuyaux, souffle Raphaël Martinez. On discute. De la bascule, de la qualité, de la segmentation, de la formation et de l’information des collaborateurs des enseignes et des consommateurs… On parle d’un certain nombre de sujets sur lesquels on peut faire des choses ensemble. »
Le sujet peut vous intéresser : Salon de l’Agriculture : quelle est l’enseigne qui soutient le mieux les producteurs français de pommes et de poires ?
La Quinzaine de l’Abricot pour promouvoir le pic de production
Rappelant que l’exercice des anticipations de récolte est déterminant pour organiser la campagne en repérant notamment les périodes de pics et de creux de volumes, l’AOP Pêches et Abricots explique qu’elle a identifié « un créneau idéal pour les promotions et mises en avant » de l’abricot : les semaines 26-27 (dernière semaine de juin et première semaine de juillet). Depuis quelques années en effet, le pic de production de l’abricot n’est plus au 14 juillet mais à cette période de fin juin.
L’AOP propose donc de faire la Quinzaine de l’abricot « pour communiquer et dire aux Français que l’abricot français est là », explique Raphaël Martinez.
Lire aussi : Abricot : à quoi s’attendre pour la récolte européenne 2025 ?
Melon : faire de l’interprofession le « récipiendaire de la mise en avant » ?
De son côté, le melon est sur des cycles beaucoup plus courts, et le calendrier de plantation ne donne pas le calendrier de récolte. Le melon est un fruit extrêmement météo sensible, en consommation comme en production. Comme le rappelle Jérôme Jausseran, on ne sait que 5 semaines à l’avance, à la nouaison, quand on va récolter. Et l’estimation du calibre ne peut se faire qu’avec 2 à 3 semaines d’avance.
« C’est notre problématique, reconnait-il. Mais nous avons besoin de mises en avant quand le produit sort ou que la météo est moins porteuse pour la consommation. Nous avons besoin de beaucoup plus de réactivité. Mais nous savons que nous ne sommes pas les seuls fruits en campagne, nous comprenons aussi les besoins de nos clients, les délais d’impression, il n’y a rien de pire que faire un erratum sur une mise en avant. »
Le vice-président de l’AIM propose que « l’interprofession soit récipiendaire de la mise en avant du melon ».
Lire aussi : Melon : à Medfel, une baisse inédite des surfaces est annoncée pour 2025
Ne plus vendre le melon à 0,99 € pièce

En parallèle, le melon, fruit d’été plébiscité des consommateurs, semble souffrir d’un vrai problème d’image prix dans un contexte de guerre des prix dans la grande distribution. Comme le rappelle Myriam Martineau, 2024 a été « éprouvante » pour les melonniers. L’AIM a donc engagé des discussions avec les distributeurs et depuis le Salon de l’Agriculture, un consensus a émergé : personne ne gagne de l’argent avec un melon vendu trop peu cher.
« Le melon à 0,99 € est destructeur de valeur pour les producteurs mais aussi pour les magasins car ce prix ne permet aucune marge sur le transport, les centrales… Alors que faisons-nous ?, revendique Jérôme Jausseran. L’AIM ne rentrera jamais dans les discussions de gré à gré. Cela étant dit, vous nous avez proposé, à la quasi-unanimité des enseignes, de ne pas dégainer à 0,99 €. Par contre vous l’assurez : vous riposterez si l’un dégaine à 0,99 €. Et donc, pour que personne ne riposte, il suffit qu’il n’y ait pas de premier. Vraiment, nous faisons appel à la responsabilité collective. »
Lire aussi : Guerre des prix et origine des fruits et légumes : Lidl et les distributeurs en ligne de mire
Redonner de la valeur aux produits avec un prix juste et une belle présentation en rayon
« Qu’on arrête cette guerre fratricide des prix qui fait perdre de l’argent à tout le monde même à vous distributeurs !, appelle Bruno Vila, coprésident de Légumes de France. Demain si nos produits sont bien mis en avant, bien présentés -parce que là il y a des choses à dire ! quand on voit comment nos produits sont traités par rapport à toutes les exigences qu’on nous demande à nous producteurs-, alors il y aura une rémunération. »