« Quand j’ai commencé à produire de la camerise, j’ai dû tout expérimenter »
Producteur de petits fruits dans les Vosges, Damien Balland s’est lancé dans la culture de la camerise. Une espèce rustique, assez facile à cultiver, qu’il produit désormais sur dix hectares.
Producteur de petits fruits dans les Vosges, Damien Balland s’est lancé dans la culture de la camerise. Une espèce rustique, assez facile à cultiver, qu’il produit désormais sur dix hectares.

La camerise, connue aussi sous le nom de baie de Mai, est le fruit comestible du chèvrefeuille bleu (Lonicera caerulea). Elle se cultive en buissons, comme la myrtille ou le cassis, et se récolte de la mi-mai à la fin juin. Les baies sont de forme allongée et arrondie, de couleur bleu foncé à pourpre, parfois recouvertes de pruine. Leur goût rappelle celui de la myrtille, de la framboise et de la mûre, avec une légère acidité ou non selon les variétés. Très populaire en Russie, au Japon et au Canada, la camerise est encore très peu connue et cultivée en France. « C’est pourtant un super-fruit, de grande qualité organoleptique et nutritionnelle, assure Damien Balland, de la SCEA Des Mille Fruits, qui cultive 19 hectares de petits fruits à Remiremont, dans les Vosges, dont 10 hectares de camerises, le reste en myrtille, aronia, amélanchier, cassis et groseillier. Mais quand j’ai commencé à vouloir en produire, j’ai dû tout expérimenter, car il n’y avait pas de références sur sa culture en France. »
Plusieurs variétés améliorées sont disponibles
Un atout de la camerise est qu’elle est très rustique et résiste notamment très bien au gel. « C’est un point important dans les Vosges, car la camerise est le premier petit fruit à fleurir, note Damien Balland. Ses fleurs résistent jusqu’à -7 °C. » L’espèce est aussi peu exigeante au niveau du sol. Si elle préfère les sols acides avec une bonne teneur en matière organique, elle tolère sans difficulté les sols calcaires. Et elle s’accommode de différentes conditions d’ensoleillement. Plusieurs variétés améliorées sont disponibles. « Au départ, j’ai commencé la camerise avec des variétés des pays de l’Est, indique le producteur. Mais leurs fruits sont petits et ont tendance à tomber des arbustes. Je me suis donc tourné ensuite vers des variétés du Canada, comme Aurora, Boréalis, Indigo Gem, des variétés aux fruits plus gros et qui tiennent mieux sur les buissons. »
La camerise nécessitant une pollinisation croisée, la plantation d’au moins deux ou trois variétés différentes est nécessaire. Chez Damien Balland, le verger est constitué à partir de plants de quatre ans installés avec des entre-rangs de quatre à cinq mètres de large et conduits ensuite en buissons de 1,80 mètre de haut. « Un inconvénient de la camerise est que le fruit se conserve mal en frais, explique le producteur. J’ai donc fait le choix de la vendre surtout transformée, ce qui rend possible une récolte mécanique. Des entre-rangs larges permettent aussi d’intervenir avec du matériel classique pour la taille et le désherbage entre rangs et sur le rang. » Mis à part l’arrosage les deux à trois premières années et une taille manuelle la première année, l’entretien est donc ensuite assez simple. Et comme la production se fait avant les grosses chaleurs, l’irrigation n’est pas nécessaire après l’installation des arbres.
Un gros travail sur la pollinisation
Tout l’itinéraire technique se fait en bio. Les principaux ennemis de la camerise sont les oiseaux, que Damien Balland gère avec des effaroucheurs. Il a aussi dû clôturer les parcelles pour les protéger des gros animaux (chevreuils…). La récolte se faisant mi-juin, il est peu embêté par Drosophila suzukii. Mais il a dû faire un gros travail sur la pollinisation. « Comme la camerise est très précoce, les abeilles domestiques ne sont pas encore assez actives, précise-t-il. Nous devons donc introduire des bourdons. Et nous avons planté des haies de noisetiers, de sureaux, afin d’accueillir les pollinisateurs, comme les bourdons et les abeilles sauvages. »
Les premières récoltes abondantes sont possibles deux à trois ans après la plantation, mais le pic de production n’est atteint qu’au bout de six à sept ans. La récolte se fait avec deux récolteuses, la récolteuse Kokan, qui agit par soufflage et est utilisée aussi en myrtille, et une autre machine qui agit par brossage et est intéressante aussi en cassis. Malgré les interrangs marges, le rendement atteint 6 tonnes par hectare. « La production de camerise pourrait se développer dans les Vosges en diversification de la myrtille, estime Damien Balland. Sa culture est assez facile. Et des plants de différentes variétés sont disponibles aux Pépinières de la demoiselle avec laquelle nous travaillons. »
Des débouchés surtout en transformation
La camerise étant peu connue en France, le développement de la production s’est accompagné d’un gros travail de marketing pour la faire connaître. Damien Balland a aussi fait faire des analyses des baies qui lui permettent d’alléguer que la camerise est source de cuivre et de vitamine B9 et qu’elle est riche en vitamine A. Une petite partie des baies est commercialisée en frais localement, au prix de 19 euros le kilo en barquettes et auprès de pâtissiers. « Le rendement en récolte manuelle n’est que de deux kilos par heure, précise le producteur. Mais la camerise est très aromatique et très agréable en bouche. » Le fruit étant assez fragile et se conservant quatre à cinq jours au frais maximum, l’essentiel des baies est toutefois récolté mécaniquement et transformé en de nombreux produits : jus, nectar, pickles, confiture, purée de fruits, en mélange avec de la myrtille, fruits séchés par séchage basse température, surgelés, bière, liqueur, cosmétique…