Young’s Bluecrest surfe sur la vague du frais
Évoquer la diminution de consommation de poisson chez les Français semble déplacé, à Grimsby, la cité abritant l’un des principaux ports de pêche anglais. Au Royaume-Uni, le secteur du Seafood, c’est son nom, est dans une santé éblouissante, notamment dans le secteur du frais.
Selon les derniers chiffres disponibles, la croissance de ce segment s’est élevée à 15 % en 2001, 9 % en 2002, 12 % en 2003 et 10 % l’année dernière, sans qu’aucun indice de ralentissement ne fasse son apparition. Principale bénéficiaire de cette situation, la société Young’s Bluecrest a vu son chiffre d’affaires augmenter de 80 % en 5 ans, pour représenter actuellement 40 % des ventes totales de produits de la mer au Royaume-Uni.
L’entreprise n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, et cible tout particulièrement le frais. « Au restaurant, un Anglais va tester des poissons différents, mais pas à la maison. Voilà ce que nous voulons pousser les consommateurs à faire», résume le directeur marketing, en présentant une avalanche de recettes et de déclinaisons de produits frais.
L’objectif n’est ni plus ni moins de prendre les ventes de 2002 (6 millions d’euros), et de les multiplier par 25 à moyen terme ! L’année dernière, Young’s Bluecrest avait déjà bien avancé sur son tableau de marche, avec 44,6 millions engrangés dans le frais. Les orientations données par le gouvernement britannique n’y sont pas totalement étrangères, avec des recommandations concernant la consommation « d’au moins 2 portions de poisson par semaine, dont au moins une variété dite « grasse» (thon, saumon, maquereau)».
Le potentiel de développement s’explique aussi par la relative faiblesse de la consommation, estimée à 21 kg/an/hab quand la France dépasse les 30 kg, loin derrière le Portugal et ses 56,5 kg. Assez étrangers à la notion de cuisine autour du poisson, les Anglais sont rebutés par le contact, ou la préparation des produits de la mer.
Un marché qui a doublé en 10 ans
L’accent est donc mis sur la découpe et le prêt à frire ou à cuire, au travers des marques de distributeurs (Young’s Bluecrest fournit l’ensemble des groupes nationaux) ou à marque propre. Certains distributeurs français enthousiastes n’ont malheureusement pas pu collaborer, les DLC très courtes du frais (6 jours après la production) étant ingérables en rayon. En phase de consolidation il y a encore quelque temps (Young’s avait alors avalé Bluecrest et d’autres sociétés du secteur comme Albert Fisher, Marr et Macrae), l’entreprise a atteint des ventes de 500 M £ l’année dernière, soit 753 M Eur. Elle compte dorénavant se renforcer grâce à l’explosion du frais, un marché qui a doublé en 10 ans, passant de 500 à 1000 M £.
Mais même en cas de réussite, la situation ne devrait que peu profiter aux marins anglais, la majorité du poisson provenant des îles Féroé, de l’Islande ou de la Norvège. Sur le marché aux poissons de Grimsby, séparé du siège de Young’s Bluecrest de quelques centaines de mètres, on reconnaît que 10 % seulement de volumes sont issus des bateaux de la zone, les 90 % restants arrivant par camion et containers. « La consommation de poisson augmente, car il possède une image de produit sain. Mais les prévisions de pêche ne sont pas très optimistes», concède le directeur du marché. Une donnée à ne pas négliger, croissance du frais ou pas.